Managers : 6 conseils pour fixer des objectifs clairs et réalistes pour votre équipe

09 oct. 2024

8min

Managers : 6 conseils pour fixer des objectifs clairs et réalistes pour votre équipe
auteur.e
Sarah Torné

Rédactrice & Copywriter B2B

contributeur.e

Plus de la moitié des salariés se sentent submergés par la multiplicité des objectifs imposés. Une surcharge de travail et un manque de clarté qui ne sont pas sans conséquences sur leur quotidien. Mais comment parvenir à définir des attentes claires et équilibrées pour permettre à son équipe d’aller de l’avant ?

Selon une étude menée par Atlassian en juin 2024, 56 % des salariés français se disent submergés par l’avalanche d’objectifs qui leur sont imposés. C’est le grand malaise d’une majorité d’organisations : leurs employés jonglent entre des priorités diverses, voire contradictoires, sans toujours comprendre la finalité de leur travail. Une surcharge qui pousse les équipes à se concentrer sur les résultats à court terme, au détriment des enjeux stratégiques. Résultat : non seulement la productivité en souffre, mais la motivation des collaborateurs s’érode également. Mais comment déterminer des objectifs clairs et tenables pour ses équipes lorsque les projets et priorités s’amoncellent ?

Entre perte de motivation et inefficacité, le risque des objectifs mal cadrés

Des collaborateurs surmenés par la surcharge de travail

La surcharge de travail face aux objectifs trop conséquents ou mal fixés est un constat partagé par de nombreux managers et collaborateurs, dont Clément. À 34 ans, ce chargé de marketing dans une entreprise de service se sent dépassé. « Je jongle entre dix projets à la fois, et j’ai l’impression de ne pas avancer sur ceux qui comptent vraiment. Quand je fais le point, je me rends compte que je n’ai quasiment pas avancé sur mes objectifs. Et ça, c’est terriblement frustrant », confie-t-il, visiblement épuisé. Submergé par des tâches mal priorisées, il passe ses journées à éteindre des « incendies » sans réellement avancer sur ses tâches.

Au-delà du travail, Clément ressent le poids de cette pression sur sa vie personnelle. « Je suis constamment stressé. Même en vacances, je pense aux projets en retard et aux deadlines qui approchent. Mon téléphone est toujours allumé et je consulte mes mails plusieurs fois par jour. Je n’arrive [jamais vraiment à déconnecter]. » Il conclut, amer : « Je suis fatigué de devoir justifier des objectifs que je n’ai pas choisis et sur lesquels je n’ai aucune prise. À ce rythme, je ne tiendrai pas longtemps. »

Des managers tiraillés entre les priorités multiples

Un manque de clarté et de priorisation des objectifs qui n’affecte pas seulement les équipes. Julie, 42 ans, est manager dans un cabinet de recrutement. Elle aussi se retrouve sous pression constante. « Je me sens constamment tiraillée entre les attentes de la direction, qui impose des objectifs sans fin, et les capacités limitées de mon équipe », explique-t-elle. Cette dernière se bat non seulement pour maintenir le moral de ses collaborateurs, mais aussi pour essayer de donner un sens à des objectifs flous et mal alignés avec la réalité du terrain.

Une situation qui devient de plus en plus ingérable aux yeux de Julie. « La hiérarchie veut que j’avance sur tout à la fois. Ils veulent qu’on soit innovants, qu’on fasse plus avec moins, qu’on gère la croissance tout en garantissant la qualité des services… et ça, sans jamais allouer les ressources nécessaires. Parfois, j’ai envie de tout arrêter », avoue la manager. Effectivement, le risque est grand. Et dans le pire des cas, des talents précieux prennent la porte et/ou la performance globale de l’entreprise en pâtit. Alors, comment faire mieux pour (enfin) sortir de l’impasse des objectifs mal définis ?

6 bonnes pratiques pour (re)donner des objectifs clairs à son équipe

Conseil n°1 : comprendre l’origine et le sens des décisions

Face aux objectifs définis, les équipes se sentent souvent prises au piège de décisions venues d’en haut, sans jamais en comprendre réellement l’origine. « Les collaborateurs sont comme des passagers à qui on vient d’annoncer que leur vol est annulé. Ils peuvent râler, mais la réponse sera toujours : désolé, c’est la politique de l’entreprise », illustre Aurélien Daudet, coach de cadres dirigeants. D’autant plus que, dans ce contexte, les managers se retrouvent généralement à faire passer la feuille de route à leurs équipes, sans pouvoir vraiment la questionner. « Ca a été décidé en réunion », voilà la fameuse phrase répétée sans fin, sans que personne ne sache vraiment par qui. Et au fur et à mesure que la décision remonte la chaîne hiérarchique, elle devient un mystère collectif : chacun s’y conforme, en se dédouanant de toute responsabilité.

Alors, comment sortir de cette situation de subordination passive ? Pour Aurélien Daudet, il est impératif de ne plus fonctionner en pilote automatique. « Cherchons la personne qui est à l’origine de la décision, discutons-en et réfléchissons ensemble si elle est toujours valide », conseille-t-il. Il incite les managers à oser poser des questions, même si cela semble délicat. « Beaucoup de managers n’osent pas demander des explications par peur d’être envoyés balader. Mais je crois que la plupart des top managers apprécieraient d’expliquer le sens derrière certaines décisions », ajoute-t-il. Sans compter que comprendre pourquoi une décision a été prise permet non seulement de l’appliquer plus intelligemment, mais aussi de la prioriser correctement pour l’exposer aux équipes.  

Conseil n°2 : créer des objectifs mesurables

Quand les attentes ne sont pas claires, il devient difficile, voire impossible, de savoir si l’on progresse réellement. Comme l’explique Alexis Eve, coach de managers et dirigeants, « beaucoup d’entreprises tombent dans le piège de penser que la performance n’est pas toujours mesurable, sous prétexte que certains postes ou tâches apportent de la valeur indirecte. En réalité, il est très rare qu’il n’y ait pas une manière de quantifier les résultats ». Selon notre expert, il s’agit plutôt d’une façon (souvent inconsciente) pour les managers de se déresponsabiliser de la performance de leur équipe. Sans chiffres précis, comment mesurer l’impact des actions entreprises ? Comment savoir si l’équipe avance dans la bonne direction ? Pour Alexis Eve, la solution est claire : « Chaque objectif doit être spécifique et mesurable. » Cela permet non seulement de suivre les progrès, mais aussi de motiver les équipes en leur offrant des repères concrets.

L’une des méthodes les plus efficaces en la matière est celle des OKRs (Objectives and Key Results), qui permettent de fixer des objectifs ambitieux tout en les rendant mesurables à travers des résultats clés. Par exemple, un objectif peut être « augmenter la notoriété de notre marque » et les résultats clés associés « lancer une campagne publicitaire », « obtenir 15 000 visites sur le site web » ou « atteindre 500 nouveaux abonnés sur les réseaux sociaux ». « L’objectif doit être ambitieux, mais atteignable à 70 %. Cela permet de garder une marge d’amélioration sans tomber dans la perfection », précise notre expert. Et si certains de vos objectifs semblent difficiles à quantifier ? « Allez voir les champions de l’industrie, ceux qui excellent dans votre domaine. Analysez quels indicateurs ils utilisent pour mesurer leur performance et adaptez-les à vos propres objectifs », recommande encore Alexis.

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Conseil n°3 : impliquer l’équipe dans la définition des objectifs

Si trop souvent, les équipes ont le sentiment que les objectifs leur sont imposés sans qu’elles aient leur mot à dire, pourquoi ne pas les impliquer dans leur définition ? Une piste de solution partagée par Alexis Eve : « Je pense que 100 % des objectifs d’une équipe devrait être construit avec elle. Le rôle du manager est de transformer des intentions générales en objectifs. » Dit autrement, l’idée est que les collaborateurs se sentent partie prenante des décisions et y voient une responsabilité. De quoi renforcer leur engagement, car un objectif sur lequel on a travaillé devient un objectif que l’on veut atteindre.

Attention néanmoins, impliquer les équipes, ce n’est pas se contenter de leur demander leur avis. Cela suppose un véritable dialogue, où chacun peut exprimer ses idées et ses préférences. « Quand les objectifs viennent d’en haut, plutôt que de simplement répartir les tâches de manière arbitraire, pourquoi ne pas leur demander directement ?, interroge Aurélien Daudet. Demandez à l’équipe qui a envie de faire telle ou telle tâche, pour qui c’est le moins coûteux.  » Ainsi, les collaborateurs ne se sentiront pas piégés par des objectifs qui ne leur parlent pas. Et si une tâche ou un objectif génère une réaction négative, il est important, là aussi, d’en discuter. « Au lieu de se justifier face à la contrainte, demandez à votre collaborateur ce qu’il veut, lui” », conseille Aurélien Daudet. Le rôle du manager devient alors celui d’un facilitateur, capable d’accompagner et de challenger son équipe dans la définition de ses objectifs.

Conseil n° 4 : créer des moments réguliers pour faire le point sur les objectifs

Les objectifs fixés en début d’année ont tendance à se diluer au fil du temps. Sans un suivi régulier, les priorités se décalent et les équipes se retrouvent à courir après des objectifs qui ne sont plus forcément alignés avec la réalité du moment.
Pour bien faire, Alexis Eve conseille de mettre en place des moments réguliers pour ajuster les objectifs :

  • Une revue mensuelle des KPIs (Key Performance Indicators) : ce point régulier, au sujet des indicateurs de performance utilisés pour suivre les objectifs opérationnels, permet de s’assurer que les actions quotidiennes sont sur la bonne voie et que les équipes atteignent les résultats attendus.
  • Une revue trimestrielle des OKRs (Objectives and Key Results) : ce rendez-vous trimestriel permet de prendre du recul sur les grands projets, d’évaluer les résultats obtenus et d’ajuster les priorités en fonction des évolutions internes ou du marché.

Mais encore faut-il savoir animer correctement ce type de réunion. « Le problème, c’est que l’on a tendance à se concentrer sur les problèmes, les échecs et les difficultés », ajoute Aurélien Daudet. Ce focus constant sur ce qui ne va pas peut démoraliser les équipes, qui se retrouvent à passer plus de temps à gérer les crises qu’à célébrer les avancées. Pour contrer cette dynamique, le coach propose une méthode : inverser l’ordre habituel des réunions et commencer par les points positifs. « Il est important de charger les équipes en énergie positive dès le début de la réunion », explique-t-il. En commençant par les succès, les petites victoires ou les progrès réalisés, les collaborateurs ressentent une reconnaissance pour leur travail et sont motivés pour s’attaquer aux sujets plus difficiles avec un état d’esprit constructif.

Conseil n°5 : gérer la pression des multiples objectifs

« Dans une organisation, il y a souvent un décalage de perception : les managers ont l’impression que la hiérarchie, déconnectée du terrain, fixe des objectifs irréalistes, tandis que la direction voit les équipes comme étant trop focalisées sur le quotidien, sans assez de recul stratégique », constate Alexis Eve. Un décalage qui s’explique par une vision différente des priorités : la hiérarchie fixe des objectifs stratégiques basés sur des indicateurs globaux, tandis que les équipes gèrent des réalités opérationnelles concrètes et immédiates. Dans cette situation, les managers doivent challenger intelligemment toutes les parties. « Il faut dire aux personnes au-dessus : “Je comprends pourquoi vous voulez faire ça, mais on risque des départs et des burn-out. Il faut qu’on trouve une autre solution.” Et avec votre équipe, il faut être honnête : “Je sais qu’on est déjà tendus, mais si on n’est pas capables de délivrer, on va droit dans le mur. Que peut-on faire selon vous ?” »

Cependant, pour que cela fonctionne, le relationnel doit être solide. « Si vous poussez constamment vos équipes sans jamais écouter, elles ne seront pas prêtes à faire des efforts supplémentaires. Et si vous dites “non” tout le temps à votre hiérarchie, vous risquez de perdre en crédibilité. Il faut un relationnel en béton, capable de soutenir à la fois vos équipes et vos supérieurs. »
Pour Aurélien Daudet, il est également essentiel de se créer un réseau d’alliés au sein de l’entreprise pour gérer la pression. « Il est important de pouvoir discuter des priorités avec d’autres managers et de partager ses difficultés. Cela permet non seulement de se soutenir mutuellement, mais aussi de formuler des propositions cohérentes pour ajuster les objectifs », suggère le coach.

Conseil n°6 : réserver un espace de créativité pour l’équipe

Dans beaucoup d’entreprises, la pression liée aux objectifs quotidiens finit par écraser la créativité des équipes. Ce manque de temps pour sortir des sentiers battus et innover peut rapidement entraîner une démotivation. Les collaborateurs se retrouvent à enchaîner les tâches, sans jamais avoir l’opportunité de s’investir dans des projets qui les stimulent intellectuellement. Aurélien Daudet propose une solution : réserver un espace de liberté et de créativité pour les équipes. Il recommande de laisser à chaque collaborateur une fenêtre de liberté, chaque année, pour choisir et réaliser un projet qui leur tient à cœur. « Cet objectif “plaisir” permet de nourrir la motivation de l’équipe et de maintenir un sentiment de contrôle sur leur travail », explique-t-il.

En plus de redonner de l’énergie aux collaborateurs, cette approche permet de cultiver la créativité au sein de l’entreprise. Les collaborateurs, souvent étouffés par les contraintes du quotidien, retrouvent un espace pour innover. « Laisser aux équipes un projet où elles sont libres de décider du contenu et de la forme est essentiel pour leur engagement », encore le coach.

Plutôt que de voir les objectifs comme des contraintes supplémentaires, il est temps de les utiliser comme des leviers pour libérer le potentiel des collaborateurs, encourager la créativité et favoriser une performance durable. Alors, pourquoi ne pas revoir vos pratiques et offrir à vos équipes une nouvelle dynamique de travail ?

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Article rédigé par Sarah Torné et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.