RSE, ce que veulent les jeunes
07 mars 2024
5min
Véritable moteur d’engagement pour les jeunes diplômés, la RSE est devenue un atout incontournable de la marque employeur. Mais où se placent les attentes de cette génération en la matière ?
Que ce soit sur des critères économiques, sociétaux ou environnementaux, la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) est de plus en plus examinée par les jeunes diplômés quand vient le choix de leur premier emploi. Aujourd’hui, les entreprises ne peuvent plus se contenter du minimum et doivent s’engager avec sincérité pour attirer ces talents. C’est ce que confirme la 3e édition de l’Index RSE du cabinet Universum. Mais quelles sont les priorités RSE dans le cœur de ces jeunes travailleurs ? Analyse avec deux experts : Guillaume Gozé, président d’Hyssop Agency, et Geneviève Houriet Segard, directrice adjointe de l’EDHEC NewGen Talent Centre.
Les actions sociales et économiques avant l’écologie ?
L’entreprise paraît-elle éthique et engagée ? Les jeunes n’ont plus peur de demander. Selon l’Index d’Universum, leur priorité numéro 1 va au bien-être au travail : pour eux, une organisation se doit de garantir la sécurité physique et psychologique de ses salariés. Le « respect envers les personnes, quelle que soit leur culture, leur origine ou leur orientation sexuelle » et « l’égalité salariale et les opportunités de carrières entre les hommes et les femmes » se placent juste après. Les promesses sociales des employeurs potentiels sont donc en tête de liste. Et si l’implication dans le tissu local, le respect des ESAT (Établissement et service d’accompagnement par le travail) ou encore la lutte contre les stéréotypes ne sont pas cochés par l’entreprise recruteuse, celle-ci perd de son attractivité aux yeux de ces potentiels salariés… Les pratiques économiques éthiques, comme la redistribution équitable des bénéfices, sont également un point clé dans le choix de leur employeur.
Mais qu’en est-il de l’environnement ? Malgré des attentes toujours présentes, cette génération verte serait-elle finalement plus axée sur les questions sociales ? Selon Guillaume Gozé, ce n’est pas complètement nouveau : « Il y a deux ans, une étude de Kantar montrait déjà que l’écologie était une préoccupation chez les 18-34 ans, mais qu’elle était beaucoup moins forte que le racisme, les questions sociales de genre, de handicap et autres. Ils étaient ici 1,5 fois plus concernés que les 55 ans et plus, eux-mêmes beaucoup plus concernés par le dérèglement climatique ». En fait, pour Guillaume Gozé, la jeune génération ne ferait plus peser la responsabilité de l’écologie sur les entreprises, mais plutôt sur les gouvernements, les politiques, les associations, etc. « Elle a envie de sauver la planète ! Mais elle voit qu’elle n’arrive pas à avoir d’impact sur l’environnement. Alors, comme elle reste hyper motivée, elle se tourne vers le sociétal. »
Jeunes talents : des profils toujours plus engagés
Les ambitions des jeunes diplômés sont plurielles. Mais ce n’est pas pour autant qu’elles ne peuvent pas toutes cohabiter avec une forme d’engagement. Lors d’une étude sur les ambitions des jeunes diplômés pour l’EDHEC NewGen Talent Centre, Geneviève Houriet Segard a identifié trois profils principaux :
- Le traditionnel : il a une vision « classique » de la continuité d’une carrière avec une évolution hiérarchique dans une entreprise.
- L’entrepreneur : il souhaite avoir son projet ou la conduite d’un projet, avec une autonomie d’innovation.
- L’engagé : il est tourné vers l’intérêt du poste et de la mission de l’entreprise dans un cadre plus global de société.
« Il y a encore dix ans, les profils traditionnels représentaient une majorité. Aujourd’hui, les profils engagés sont en train de monter, et quasiment un tiers des jeunes diplômés se considèrent comme tel, rapporte la socio-démographe. Surtout, les profils ne sont plus exclusifs : on peut très bien avoir une prédominance engagée, mais avec une mineure entrepreneur, et inversement. » L’engagement gagne du terrain. Il devient le fil conducteur et la source de motivation d’une génération qui n’hésite plus à l’exprimer !
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Une génération consciente de son pouvoir d’influence
Aujourd’hui, le marché de l’emploi est tendu et les entreprises savent qu’elles doivent séduire les nouveaux talents. « C’est un contexte favorable aux jeunes : les organisations ont de la peine à recruter, ce qui rend les attentes plus faciles à exprimer », analyse Geneviève Houriet Segard. Selon l’Index d’Universum, 39 % des jeunes talents déclineraient une offre d’emploi si l’entreprise ne s’engage pas sur les sujets RSE. C’est 12 % de plus que l’année dernière et, pour Guillaume Gozé, cette progression est significative : « Ce chiffre montre que les entreprises vont devoir faire encore plus. Pendant longtemps, les salariés me disaient que c’était un rêve de faire changer leur boîte. Pour cette génération, c’est possible ». L’expert insiste sur ce changement de paradigme : « On est passé d’entreprises qui faisaient leur bilan carbone “histoire de”, à des entreprises investies dans leur responsabilité environnementale et sociétale. Avant, on donnait un peu d’argent à des associations, maintenant on se dit qu’on va le faire de façon stratégique et on le met dans un projet d’entreprise ». Il est donc bon de prendre la RSE au sérieux afin de travailler sa marque employeur.
Pour Geneviève Houriet Segard, grandir avec la digitalisation et les réseaux sociaux a également rendu les jeunes diplômés conscients de leur pouvoir d’influence : « Et ils savent en jouer ! Les générations précédentes, qui n’avaient ni réseaux sociaux ni canaux de diffusion, étaient peut-être moins en capacité de faire parler leurs attentes ». Celle-ci a en plus le réflexe de se renseigner sur les indicateurs fondamentaux de mise en place de la RSE. Par exemple, si une entreprise met en avant qu’elle engage 6 % de salariés handicapés, ils ne seront pas dupes et sauront que c’est tout simplement… la loi !
RSE, jeunes et entreprises : quelle relation demain ?
Les entreprises ne pourront plus se permettre aucun washing, selon Geneviève Houriet Segard. Les jeunes talents croient en la RSE et ce n’est pas une simple affaire de marketing. « Certaines organisations ont commencé à faire des rapports RSE dans un esprit de communication. Désormais, s’il n’y a pas d’authenticité derrière la démarche, ça se sent. Et elles auront un retour de bâton. » L’indicateur ultime pour vérifier que la RSE dépasse l’effet vitrine : son intégration dans le top management. « Il faut toujours regarder le département auquel elle est rattachée, conseille la socio-démographe. Si c’est à la communication, ça veut dire que la RSE reste assez loin de la stratégie. Si c’est au Comex, ça veut dire qu’elle a un impact sur la stratégie. » Pour l’experte, cette quête d’engagement sincère symbolise le rôle à part entière que l’entreprise doit jouer dans la société. « Auparavant, il y avait une séparation. Aujourd’hui, il y a un réencastrement de l’entreprise au sein de la société et les jeunes en sont très conscients. » Elle doit par conséquent être exemplaire dans les domaines d’ordre sociétal et environnemental, mais aussi en tenir compte dans la gouvernance, la fiscalité ou encore la lutte anti-fraude et anti-corruption.
Pour Guillaume Gozé, cette création de nouveaux business models est nécessaire et engendrerait un changement par l’exemple : « On observe déjà un effet boule de neige : les organisations se montrent entre elles ce qui est possible et ouvrent la voie à certains sujets ». Une vraie spirale vertueuse de l’engagement serait-elle en marche ? Elle est en tout cas encouragée par la loi PACTE de 2019. Avant cette dernière, les statuts d’une entreprise définissaient son objet social, son « but lucratif ». La loi PACTE permet d’y intégrer l’intérêt social (prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux inhérents à son activité). L’organisation définit ainsi sa contribution à l’intérêt collectif sur le long terme avec la raison d’être, et donne sens à son action ainsi qu’à celle de ses collaborateurs. Voilà qui permet une transparence des valeurs de l’organisation et amène une nouvelle manière de communiquer autour de la marque employeur, donc auprès des jeunes.
Article écrit par Alix Mardon ; édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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