Du Covid au JO : 4 leçons d'adaptation à un monde changeant

20 mai 2024

5min

Du Covid au JO : 4 leçons d'adaptation à un monde changeant
auteur.e
Laetitia VitaudExpert du Lab

Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes

Face à la tenue prochaine des Jeux Olympiques, les organisations vont-elles parvenir à faire preuve d’adaptabilité ? Notre experte Läetitia Vitaud revient sur quatre leçons apprises durant le Covid qui mériteraient d’être mises en œuvre dans ce contexte particulier, pour faciliter l’organisation du travail comme le bien-être des salariés.

Depuis la pandémie de Covid et ses confinements inattendus, les entreprises voudraient toutes avoir tiré des leçons d’adaptation pour être prêtes à mieux gérer n’importe quelle crise. Leurs mots d’ordre pour pouvoir continuer leur activité contre vents et marées : adaptabilité, agilité, flexibilité, robustesse… On parle désormais d’un monde « polycrises », où les événements imprévus (catastrophes naturelles, sécheresses, inondations, guerres…) et autres ruptures brutales des chaînes d’approvisionnement semblent pouvoir survenir n’importe où, n’importe quand. Mais comment travailler dans un monde fragile, anxieux, non linéaire et incompréhensible -ainsi résumé sous le sigle BANI qui circule ces temps-ci dans les milieux de consultants ?

Pour de nombreuses entreprises, les Jeux Olympiques s’annoncent presque aussi perturbateurs que le Covid. Restrictions de circulation, transports saturés, approvisionnements compromis, télétravail contraint, risques de sécurité : il n’y a pas que pour les athlètes que les JO sont un défi ! L’annonce aux Franciliens des périmètres de sécurité par la préfecture de police a généré son lot d’anxiété. « Anticipez ! », répète-t-on à l’envi. D’accord, mais comment ? Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Comment appréhender les conséquences du « confinement olympique » ? Voici, selon moi, quatre leçons d’adaptation à un monde changeant à envisager sans plus tarder.

Leçon n°1 : misez sur la flexibilité, beaucoup de flexibilité !

N’en déplaise aux thuriféraires du « retour au bureau », s’il y a bien une chose que les entreprises ont accompli depuis le premier confinement lié au Covid, c’est d’apprendre à surmonter les barrières techniques et culturelles qui empêchaient le télétravail. Presque toutes les activités qui se réalisent à distance peuvent désormais être maintenues quand l’accès au bureau est compromis. Ainsi, une bonne partie des outils de travail se retrouve dans le cloud, si bien qu’on y accède partout, de manière décentralisée.

En Île-de-France, les consignes pour la période des JO sont on ne peut plus claires : il faudra télétravailler ! La Présidente de région, Valérie Pécresse, a déjà annoncé que les transports devront être allégés au maximum, tant le nombre de visiteurs attendus est important. Les périmètres de sécurité et autres restrictions de mobilité risquent d’allonger considérablement les temps de trajet. D’ailleurs, on s’est si bien adapté au télétravail, qu’on en oublierait presque qu’une bonne partie des actifs de la région ne sont pas concernés par ce mode d’organisation…

Les travailleurs « essentiels » des services de proximité (infirmiers, serveurs, nounous, livreurs, techniciens, personnels de ménage…) ont déjà été les plus exposés durant la pandémie. Ils feront également les frais des galères des JO. L’anticipation consiste pour certains postes à prendre en compte la situation de logement. À situation exceptionnelle, logement exceptionnel : pour le personnel en charge de la sécurité des JO, par exemple, il faudra être logé sur place. Pour d’autres, cela nécessitera une plus grande flexibilité des horaires.

Leçon n°2 : anticipez vos stocks et votre approvisionnement

Le plan de continuité (PCA), vous connaissez ? Ce document opérationnel décrit précisément les procédures à mettre en œuvre pour continuer à fonctionner en cas de désastre ou de crise, même en mode dégradé. Avant la pandémie, la plupart des petites entreprises n’en avaient pas. Maintenant, elles sont nombreuses à y avoir remédié, et notamment en vue des JO ! Le PCA permettra alors d’anticiper les perturbations de l’organisation normale du travail pour en limiter les impacts négatifs. Pour le cas particulier des JO de Paris, l’ANDRH (Association Nationale des DRH) recommande d’ailleurs de mettre en place une task force incluant RH, sécurité et IT.

Combien de pénuries avons-nous connues depuis le début de la pandémie ? Alors que les décennies précédentes nous avaient habitués à avoir accès à tout de plus en plus rapidement, les années 2020 -de la pandémie aux JO, en passant par la guerre en Ukraine et la forte inflation-, nous ont appris la fragilité de l’approvisionnement. Or, pour continuer son activité, il faut s’assurer que la chaîne d’approvisionnement ne soit pas rompue. Si vous travaillez dans le soin, il vous faut des équipements de protection. Si vous êtes sur une chaîne d’assemblage d’automobiles, il vous faut des pièces détachées. Si vous faites du pain, il vous faut de la farine. Et ainsi de suite. Faute de quoi, vous vous retrouvez au chômage technique.

Les questions de souveraineté alimentaire, énergétique ou industrielle sont devenues des réflexions nationales. À l’échelle des entreprises aussi, on se prépare pour éviter les ruptures. Par exemple, les boulangeries parisiennes se préparent à réduire le nombre de réceptions de livraisons (compliquées par les JO, avec 185 km de routes réservées aux accrédités), mais à recevoir des quantités plus importantes à chaque fois pour faire face à une demande plus forte. Pour d’autres, le PCA prévoit au contraire une activité plus réduite, loin de l’activité estivale habituelle. Leroy-Merlin également prévoit moins de fréquentation dans ses magasins franciliens pendant les Jeux : il faudra donc recruter moins de travailleurs saisonniers.

Leçon n°3 : prenez soin de la santé mentale de vos collaborateurs

Les entreprises ne prévoient pas de crise sanitaire majeure liée aux JO : quoi qu’il arrive, ça ne sera pas aussi long que les confinements de la pandémie ! Néanmoins, depuis le Covid, la santé mentale des travailleurs s’est considérablement dégradée, comme le souligne le Baromètre annuel de Malakoff Humanis. Ainsi, 32 % des actifs souffrent de troubles anxieux et 46 % de troubles du sommeil. Une communication transparente et ouverte permet de réduire l’incertitude et l’anxiété, en rassurant les employés sur la gestion des défis logistiques et opérationnels.

Sans compter que le télétravail forcé -certes efficace pour décharger les transports et minimiser les interruptions d’activité- peut exacerber le sentiment d’isolement. Pour contrer ce dernier, il faudra organiser des interactions régulières, des échanges informels et autres check-ins quotidiens. Il est essentiel de s’assurer que chaque collaborateur se sente soutenu et intégré, même à distance. Voilà une leçon durement apprise pendant le Covid ! Les entreprises ont aussi appris à mettre à disposition des ressources pour soutenir la santé mentale de leurs employés (conseil, formations, services divers…).

De manière plus importante encore, on a appris que la communication transparente, l’empathie et le soutien psychologique sont des éléments clés pour maintenir la motivation et le bien-être des employés face à l’adversité. Certains managers se sont formés (sur le tas, le plus souvent) pour mieux détecter les signes de détresse de leurs collaborateurs. Et puis, face à un absentéisme en hausse, que ce soit en matière de santé, de parentalité ou d’aidance, on a appris que les horaires adaptables, la possibilité de télétravailler et le temps libre soutiennent la productivité plus qu’ils ne l’abîment.

Leçon n°4 : profitez de l’incertitude pour innover

Les périodes de crise peuvent être des catalyseurs d’innovation. Le besoin d’adaptation pousse certaines entreprises à repenser leurs produits, services et processus. L’état d’esprit d’incertitude peut encourager une culture d’innovation afin non seulement de survivre, mais aussi de prospérer en période de turbulence. Vaughn Tan, professeur de stratégie et d’entrepreneuriat, explique que « l’état d’esprit d’incertitude » permet aux individus et aux équipes d’explorer de nouvelles possibilités, même lorsque le chemin à suivre n’est pas clair.

Pour innover, il faut accepter l’échec comme une étape inévitable du processus créatif et trouver un équilibre entre l’amélioration continue (efficacité) et l’exploration de nouvelles idées et approches (innovation). Il est nécessaire d’avoir de bonnes courroies de transmission entre la génération d’idées nouvelles et la mise en œuvre concrète de nouveaux processus dans l’organisation, c’est-à-dire que les idées nouvelles ne restent pas enfermées dans un laboratoire.
Cela requiert un bon équilibre entre trois types de profils en entreprise : les « explorateurs », les « exploitants » et les « connecteurs ». Les explorateurs cherchent des innovations disruptives et de nouveaux modèles. Les exploitants optimisent les processus et réduisent les coûts. Les connecteurs traduisent les idées des explorateurs en pratiques applicables pour les exploitants. Ensemble, ces trois profils permettent de maximiser l’impact positif des innovations et de garantir une organisation résiliente face à l’incertitude.


Article rédigé par Läetitia Vitaud et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.

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