L’année de césure : comment profiter de cette "pause" loin des études ?

03. 3. 2022 - aktualizováno 01. 3. 2022

7 min.

L’année de césure : comment profiter de cette "pause" loin des études ?
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Thomas Decamps

Photographe chez Welcome to the Jungle

Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

À force d’années, les études peuvent sembler longues. Le nez dans le guidon, on ne dispose pas toujours de suffisamment d’espace mental de libre pour imaginer la suite. Respirer un instant à l’écart de celles-ci pour prendre du recul sur sa vie et son avenir professionnel, souffler entre deux diplômes peut alors s’avérer nécessaire. L’occasion peut-être de faire un stage en entreprise pour affiner son projet professionnel, ou de partir à l’étranger pour élargir ses horizons et cultiver son amour des langues. Le « gap year » ou l’année de césure est justement faite pour ça ! Cette pause au cours de son cursus permet généralement de se construire et de mieux savoir où l’on va. Longtemps boudée par le système éducatif français, l’année de césure est pourtant valorisée et mise en avant sur les CV actuels. Loin d’être une “année blanche”, elle peut être source de projets hauts en couleurs. Quand saisir cette opportunité ? Et surtout quoi en faire ? Rester en France ou s’exiler ? Peu importe, pourvu que l’on suive ses envies !

D’où vient l’année de césure ?

Le « gap year », en provenance d’outre-Manche

Le « gap year » nous vient tout droit des pays scandinaves et anglo-saxons. En anglais, « Gap » signifie « espace » ou « ouverture ». C’est donc littéralement une année d’ouverture sur le monde qui nous entoure. Une césure dans les études pour prendre de la hauteur, aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Né dans les années 80, le terme était alors utilisé pour évoquer cette année de réflexions et de découvertes que s’octroyaient les jeunes avant de se plonger dans leurs études.

Alors qu’elle rencontrait déjà un fort succès à l’étranger, l’année de césure a longtemps été boudée en France. En cause ? La culture du diplôme à la française. Il n’y a encore pas si longtemps, le monde professionnel n’accordait d’importance qu’aux diplômes. BEP, Bac, Deug, Licence, Master. Du lycée à la vie professionnelle, il n’y avait qu’une seule voie, toute tracée, celle des études, balisée par des diplômes. Derrière ce schéma, une pression sociale et familiale pour décrocher son diplôme le plus vite possible et entrer rapidement sur le marché du travail. Rien n’était donc plus mal vu que de “s’offrir” une année de césure…

L’apparition d’un droit à la césure

Il faudra attendre une circulaire ministérielle le 23 juillet 2015, pour que l’année de césure soit officiellement reconnue en France. Depuis 2018, elle est définie par le Code de l’éducation comme « la période pendant laquelle un étudiant, inscrit dans une formation initiale d’enseignement supérieur, suspend temporairement ses études dans le but d’acquérir une expérience personnelle ou professionnelle, soit en autonomie, soit encadré dans un organisme d’accueil en France ou à l’étranger ». L’apparition du système ParcourSup pour les bacheliers illustre aussi un changement des mentalités, puisqu’il leur permet de reporter d’un an l’entrée dans les études supérieures, ouvrant ainsi la porte à une césure après le Bac. À l’heure de la distinction des profils et de la valorisation de l’expérience, l’année de césure s’impose plus que jamais comme une alternative crédible.

Un privilège étudiant

Soyons honnêtes, l’opportunité de s’offrir une parenthèse d’un an ne se présente pas souvent dans la vie. C’est assurément un privilège étudiant. L’astuce, c’est que l’on conserve son statut d’étudiant et les avantages qui lui sont associés (bourses étudiantes, sécurité sociale étudiante, logement et restaurant universitaires, tarifs étudiants…). D’ailleurs, elle ne représente en aucun cas un coup d’arrêt dans son cursus mais, au contraire, un complément des enseignements, puisque la césure peut aussi donner lieu à l’attribution de crédits ECTS.

Année de césure : construire son projet

La césure est donc devenue un détour valorisé dans le parcours étudiant. Certes, mais pas à tous les coups. Encore faut-il que son détour en vaille le coup. Ici, bien des chemins s’offrent à nous, mais tout dépend de l’objectif que l’on souhaite mettre au bout. Il existe plusieurs types de césures. Certaines mèneront dans des contrées exotiques, d’autres nous permettront d’acquérir des connaissances sans même quitter notre ville. Mais, dans tous les cas, l’année de césure est toujours une aventure.

Voici les possibilités qu’offrent une année de césure :

  • un contrat de travail en France ou à l’étranger
  • une formation dans un domaine autre que celui de sa scolarité principale (Compléter par exemple avec un stage dès lors que sa durée ne dépasse pas un semestre universitaire)
  • la réalisation d’un projet entrepreneurial sous le statut « étudiant entrepreneur »
  • un engagement volontaire de Service Civique
  • un volontariat associatif ou de solidarité
  • un service volontaire sapeurs-pompiers
  • rejoindre un corps européen de solidarité
  • un volontariat international en administration - VIA
  • un volontariat international en entreprise - VIE
  • un volontariat de solidarité internationale - VSI

Service civique, séjour linguistique, stage en entreprise, voyage humanitaire, au pair… Il y a bien des manières de mettre à profit son année de césure ! Alors que dans de nombreux pays, le gap year s’effectue avant d’entrer dans les études supérieures, nous autres Français préférons saisir l’opportunité plus tard dans les cursus, en fin de licence ou en début de master. Par ailleurs, cette parenthèse dans les études n’est pas uniquement l’occasion de voyager, mais dans bien des cas, c’est aussi l’occasion de réaliser un ou plusieurs stages en entreprise. Ce qui compte, néanmoins, c’est de faire du chemin et de rapporter plein d’expériences enrichissantes dans ses bagages. Car, si l’année de césure est aujourd’hui largement admise en France, elle ne sera valorisée que si elle vient renforcer le CV et la cohérence de son parcours.

Candidature : la course à la césure

Longtemps décriée, l’année de césure est aujourd’hui très demandée et pas accordée à tout le monde. Pour arriver à l’obtenir, il faut donc candidater et montrer sa motivation.

Au départ, des prérequis

Que les choses soient claires dès le départ, rien n’oblige à se lancer. Bien qu’elle soit victime de son succès, l’année de césure est et restera facultative. Si l’on est bien décidé à sauter le pas, il faut savoir que dans un premier temps, pour prétendre à une année de césure on doit être inscrit dans un établissement d’études supérieures et obtenir l’accord de celui-ci. La première étape est donc de vérifier que votre établissement la prévoit dans son règlement intérieur et sous quelles conditions.

Pour demander une année de césure, il faut adresser une lettre de motivation à l’établissement expliquant les modalités de la césure envisagée. À nouveau, le règlement intérieur permet de constituer son dossier. Si vous savez vous montrer convaincant, le président de l’établissement vous adressera une décision favorable. Vous signerez par la suite une convention avec ce dernier qui déterminera les modalités d’accompagnement et de validation de l’année de césure, ainsi que les conditions de votre réintégration lorsqu’elle prendra fin.

En cas de refus de l’établissement, il est possible de faire appel auprès d’une commission prévue par le règlement intérieur.

Saut d’obstacles : sélection et financement

La première des sélections, c’est donc celle que fixe votre établissement. Car, s’il offre la possibilité de prétendre à une année de césure, rien ne garantit que son dossier soit retenu. Face au succès qu’elle rencontre, les écoles et universités ont fixé des quotas. Résultat, les places sont chères…

La césure est non moins coûteuse sur le plan financier. Là aussi s’instaure une forme de sélection “naturelle”. Partir à l’étranger pour une année sabbatique n’est pas donné à tout le monde… Étendre d’un an la durée de ses études lorsque le budget est déjà serré, non plus. Si l’on dispose d’un petit budget, il est judicieux d’opter plutôt pour un stage rémunéré dans son lieu de résidence, l’expérience n’en reste pas moins intéressante, surtout si votre cursus n’inclut pas assez de périodes dédiées aux stages à votre goût ! Dans la majorité des cas, il faudra par ailleurs continuer à régler ses droits d’inscription (bien qu’à un taux plus réduit). Enfin, il faut s’acquitter d’une « contribution vie étudiante et de campus » (CVEC) de 91€ et ce, quelles que soient la durée et la forme de l’année de césure.

L’année de césure, une question de timing…

La césure est ouverte de l’année universitaire qui suit l’obtention du baccalauréat (et qui précède donc le début des études supérieures), à l’avant-dernière année de la formation. Il n’est donc pas possible de ne faire une demande de césure à l’issue de son Master 2, sauf si on est inscrit en doctorat.

Autre timing important à prendre en compte, la césure doit obligatoirement débuter en même temps qu’un semestre universitaire. L’appellation « année de césure » peut d’ailleurs prêter à confusion car la césure concerne aussi bien un simple semestre (6 mois) qu’une année entière. Mais elle ne doit pas excéder un an. Enfin, on ne peut effectuer plus d’une année de césure par cycle d’étude (cycle licence, cycle master, cycle doctorat).

L’obligation de valider à l’arrivée

La convention ou « accord de césure » signée avec votre établissement précise généralement que vous êtes obligé de valider votre césure. Cette validation dépend de la forme que prend le semestre ou l’année sabbatique et des compétences que l’on envisage d’acquérir. Car, bien entendu, l’idée n’est pas de vous offrir une année de « glandouille », mais bien de valoriser les expériences vécues.

Anticiper le retour

Longtemps perçue comme un épouvantail, les clichés sur l’année sabbatique ont encore la vie dure. « Tu n’arriveras jamais à te remettre dans le bain des études », ou encore « avec une césure, l’école X ou Y ne voudra plus de toi… » Les arguments qui découragent certains étudiants sont encore nombreux. En 2015, une étude Animafac révélait qu’un étudiant sur deux souhaitait prendre une année de césure, mais que seuls 15% sautaient le pas.

L’important pour une césure réussie, c’est d’anticiper et de ne pas partir le nez au vent. Il faut préalablement construire son projet, s’inscrire dans une formation qui nous plaît et se renseigner sur l’impact qu’aurait une césure sur celle-ci. Partir à l’étranger pour pratiquer l’anglais avant de rentrer en école de commerce, par exemple, ou faire un ou deux stages en entreprise avant d’entamer l’année de Master 2 pour renforcer son CV… Bref, soyons fins stratèges.

La césure n’est pas une étape obligatoire, mais nous aurions tort de nous en priver maintenant qu’elle est très largement acceptée. Les voyages et l’expérience forment la jeunesse, c’est bien connu. On sort généralement grandi, plus mûr et certainement plus sûr de ses choix d’orientation à l’issue de cette pause. Mais pour un périple réussi, qu’il soit fait en entreprise ou dans des contrées lointaines, ne pas perdre le nord pas le nord et rester toujours fixé sur ses objectifs est indispensable. N’hésitez pas à tenir un carnet de route car, à votre retour dans les études, tout est une question de storytelling…

Article édité par Gabrielle Predko