ChatGPT est-il un bon conseiller d'orientation ? On a testé pour vous

31. 7. 2024

8 min.

ChatGPT est-il un bon conseiller d'orientation ? On a testé pour vous
autorpřispěvatel

L’intelligence artificielle a fait une entrée fracassante dans nos vies. Les outils comme ChatGPT ou Midjourney n’existent que depuis quelques années mais sont déjà les compagnons de route d’un nombre considérable d’utilisateurs, bien qu’on ne connaisse pas encore tous leurs secrets. Et alors qu’on fait appel à eux au travail comme dans la vie perso, qu’en est-il de l’orientation professionnelle ? ChatGPT pourrait-il devenir le conseiller d’orientation de demain ? C’est ce que j’ai tenté de découvrir en le testant moi-même. Récit d’un rendez-vous d’orientation pro pas comme les autres.

Mon dernier souvenir d’un conseiller d’orientation remonte au collège, il y a une vingtaine d’années. Et déjà, à l’époque, la discussion tendait à se déshumaniser. En salle informatique, je me rappelle avoir été guidé vers un site web censé me révéler, à travers quelques cases à cocher, quel serait mon métier idéal. La plateforme se présentait sous la forme d’un QCM demandant mes centres d’intérêts, mes qualités, ainsi que mes attentes professionnelles. Je me rappelle avoir mentionné mon goût pour les langues étrangères et les voyages. Verdict ? Mon avenir se trouvait dans l’import-export. Du haut de mes 12 ans, bien que je ne savais même pas ce que le terme « import-export » signifiait, j’étais ravi que la question de mon orientation professionnelle puisse se régler en quelques clics. L’avenir me démontrera par la suite qu’une carrière ne se construit pas aussi facilement.

Des réponses ultra-rapides basées sur l’expérience

Deux décennies plus tard, voici où j’en suis : après un cursus universitaire en communication et des expériences professionnelles en tant que journaliste, content manager, et chef de projet en agence de communication, je me (re)trouve à un carrefour de ma carrière. Avec le sentiment, de ne pas avoir encore trouvé ma voie. Avec ce parcours hybride de journaliste-communicant, je me demande laquelle de ces deux pistes poursuivre, l’une se faisant au détriment de l’autre. Peut-être même, en existe-il une troisième, totalement différente, que je devrais emprunter avant d’atteindre la trentaine ? Alors comme toute personne en quête de réponse facile, j’ai demandé à ChatGPT de m’éclairer.

Premier point positif : il n’est pas nécessaire de prendre rendez-vous en amont pour discuter avec ChatGPT. L’entretien commence quand vous le souhaitez, et vous pouvez arrêter puis reprendre la discussion à votre guise, même si cela s’étale sur plusieurs jours. Commençons. Après un court échange de politesse qui témoigne déjà de mon besoin de chaleur humaine, j’envoie ma première question :

« Pourrais-tu m’aider à réfléchir à mon orientation professionnelle, stp ? »

Sans sourciller, l’IA déroule sa réponse. Et ce qui est bien avec ChatGPT, c’est qu’il n’a pas de préjugés. En même temps, on se connait à peine. Alors, prudemment avant de « m’orienter », il se mue en intervieweur et me demande de lui donner une série de renseignements :

  1. Mes centres d’intérêts : le football, les voyages, la photographie, l’actualité
  2. Mes compétences : gestion de projet, rédaction journalistique, maîtrise de deux langues étrangères
  3. Mes études : un master en communication
  4. Mes expériences professionnelles : journaliste, chef de projet en communication, content manager
  5. Mes aspirations (où vous voyez-vous dans cinq ou dix ans ?) : trouver un métier qui a du sens et dont les tâches ne sont pas répétitives.

S’ensuit un listing détaillé des différentes voies possibles. Les postes cités sont regroupés en cinq catégories, et quelques jobs plus éloignés de mon profil sont proposés en bonus. Ce qui est assez bluffant, c’est la rapidité avec laquelle ChatGPT réussit à traiter ma réponse et à formuler la sienne. Notons également que la liste est plutôt exhaustive. De journaliste spécialisé dans le football à directeur de la communication, en passant par responsable des relations publiques ou encore fondateur d’un média, me voici désormais face à une ribambelle de choix de carrière. Sous chaque regroupement de métiers, ChatGPT revient sur les éléments de mon profil en adéquation avec leurs caractéristiques. Les premiers pas sont encourageants, mais il est encore un peu compliqué de s’y retrouver et faire un choix au milieu de toutes ces options.

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Quid de la formation ?

Bien que toutes ces directions soient possibles sur le papier, je remarque que je n’ai pas vraiment d’informations sur ce qu’il me faudrait réaliser pour réussir à décrocher l’un ou l’autre de ces postes. Faut-il, par exemple, repasser par la case formation ? En posant la question à « Chat », comme je l’appelle amicalement, celui-ci me redonne une réponse sous forme de listing, correspondant cette fois aux formations ou certifications nécessaires pour réussir ma transition vers chacun des métiers présentés précédemment.

Encore une fois, sa rapidité est surprenante. Il faut dire que le plus pratique avec ce genre d’outil, c’est qu’il m’évite d’aller moi-même à la pêche aux informations. Plutôt que d’empiler les recherches sur Google en épluchant les milliers de fiches métier existantes, l’intelligence artificielle s’occupe de tout collecter et trier avant de fournir une réponse synthétique à mes questions. Et tout cela quasi instantanément !

La rémunération, un détail pour ChatGPT ?

Les informations sont en revanche assez limitées à mon sens, et manquent un peu de concret. Ni le prix, ni la durée ou le mode de financement de ces formations ne sont précisés. De quoi me laisser dans le flou, sachant que je ne suis même pas sûr d’avoir envie de retourner sur les bancs de l’école après tant d’années. Et ChatGPT ne me dit pas si c’est indispensable ou non. Si les formations ne m’avancent pas plus que ça, peut-être devrais-je me pencher sur la rémunération pour départager les jobs qu’on me propose.

« ChatGPT, peux-tu m’indiquer la rémunération moyenne des métiers que tu m’as présentés ? »

Adepte des bullet points, mon conseiller virtuel me ressort encore une liste longue comme le bras. Pour chaque métier, un nouveau descriptif ainsi qu’une fourchette de rémunération correspondante. Dans une courte conclusion en fin de réponse, il m’explique que les métiers de la communication sont mieux rémunérés et plus stables que ceux du journalisme. Sur ce point, ChatGPT ne m’apprend rien de nouveau. Mais c’est tout de même satisfaisant d’avoir toutes ces informations centralisées sur une seule page. Cela me permet de comparer facilement les rémunérations entre elles et d’en garder une trace que je pourrai retrouver à tout moment en me reconnectant.

Un conseiller peu entreprenant

À part cela, je suis assez frustré du manque de hiérarchie dans les réponses. Depuis le début de la discussion, on me présente différentes options, mais sans aucun ordre de préférence. Bref, je trouve que « Chat » ne se mouille pas, alors je le lui réclame :

« À ton avis, laquelle de ces voies me correspond le mieux ? »

Fait surprenant : l’algorithme a l’air un peu plus hésitant sur cette dernière question. Les secondes passent et ChatGPT reste muet, en chargement. L’intelligence artificielle aurait-elle atteint ses limites car je lui demande son avis ? Après un peu moins d’une minute, mon nouveau conseiller d’orientation se jette à l’eau. Je n’ai pas encore droit à son coup de cœur mais les options sont, cette fois, annotées de leur degré de correspondance avec mon profil. Quatre niveaux de hiérarchie : très bonne correspondance, bonne, moyenne et basse. Et à chaque fois, la note est accompagnée d’une explication de ce qui matche bien avec mes compétences et aspirations. Le niveau de rémunération entre aussi en ligne de compte dans son jugement.

D’après ChatGPT, Content Manager et Directeur de la communication sont les postes qui me conviendraient le mieux. Le premier est assez logique, je l’ai même déjà exercé auparavant. Le second est sans doute un peu moins accessible, et trop stratégique pour un profil comme le mien. Sans compter qu’il faut en général gravir les échelons en occupant d’autres postes intermédiaires avant d’atteindre un tel niveau de responsabilité. Mon cher « Chat » n’est pas hors sujet, certes, mais j’ai tout de même la sensation que mon conseiller passe à côté de quelque chose : à aucun moment il ne s’est intéressé à ce qui ne me convenait pas ou aux red flags professionnels qui me feraient fuir un emploi.

Un discours trop lisse

D’ailleurs, globalement, on peut dire que ChatGPT n’est pas très à l’aise avec ce qui relève du négatif. Dans toutes ses propositions, il s’attarde volontiers sur les avantages et les correspondances avec mon profil, mais ne mentionne jamais les limites ou les problèmes que l’on rencontre dans ces métiers. Pourquoi ne pas me prévenir que certains postes en communication, en agence par exemple, ne sont pas toujours bien rémunérés ? Pourquoi ne pas pointer le fait que la communication peut parfois se mettre au service d’entreprises ou de dirigeants dont nous ne cautionnons pas les comportements, et atténuer le sens que l’on trouve dans son travail ? Ou qu’aujourd’hui l’un des principaux objectifs des départements de communication est de vanter le bilan environnemental des entreprises même lorsque celui-ci n’est pas reluisant ? Pourquoi ne pas annoncer dès le début que le métier de journaliste offre peu de sécurité ? Ce sont toutes ces omissions qui, pour l’instant, me font sentir que je ne suis pas face à un être humain, mais bien en train de discuter avec une machine au discours lisse et formaté.

Mauvais guide, bon conseiller ?

Je reconnais les efforts de mon ami ChatGPT, mais malgré tout, ses propositions en surbrillance ne m’emballent pas. En vérité, ce qui me parle le plus dans toutes les options, c’est le métier de journaliste. Mais avec un parcours hybride comme le mien, comment parvenir à me faire une place dans un secteur si compétitif et instable ?

Sur ce coup-là, ChatGPT m’a bluffé. Plus à l’aise pour donner des conseils que pour s’inscrire dans une réflexion bipartite, l’outil développe une réponse digne d’un très bon article de blog, aussi synthétique que complète. Il me conseille de renforcer et diversifier mes compétences, par des formations sur le métier de journaliste et un entraînement à certains outils ; me suggère de construire un portfolio, d’entretenir un blog ou une page sur les réseaux sociaux afin de rendre visible mon travail ; insiste sur l’importance du réseau à ne pas négliger et donne des bonnes pratiques pour le développer, etc. Je vous épargne le reste des conseils, mais vous assure qu’il a fait le tour de la question. Comme s’il avait une fine connaissance du secteur.

Je pense que cette dernière réponse est finalement la plus utile de toutes. Car ce sont ces conseils qui me permettront d’avancer et de poursuivre mon objectif final. Le plus gros risque lorsqu’on réfléchit à son orientation, c’est de faire du surplace et c’est justement ce que je vais pouvoir éviter grâce à ces éléments. Grâce au contenu de cette réponse et à sa présentation sous forme de bullet points, je dispose d’une méthodologie claire pour me rapprocher pas à pas de mon Graal professionnel.

Si je devais faire le bilan de cette conversation avec une Intelligence Artificielle, je dirais qu’elle n’est pas encore suffisamment développée pour être un véritable conseiller d’orientation. Elle manque encore de force de proposition et ses réponses ne sont pas assez tranchantes puisqu’elles m’ont souvent laissé seul face à un choix entre des éléments d’apparence équivalents les uns par rapport aux autres. En revanche, lorsqu’on a déjà une ou plusieurs pistes de réflexion et qu’on donne une direction à ChatGPT, il s’agit d’un formidable outil pour obtenir des conseils et informations pertinents, ce qui permet de gagner tout de même, un temps considérable.

Comment ChatGPT peut-il s’améliorer en conseil d’orientation ?

Pour résumer, je dirais que ChatGPT n’est pas le meilleur interlocuteur pour guider son parcours professionnel. En tout cas, qu’il ne faut pas attendre de lui qu’il nous apporte une révélation, prête à l’emploi. Je me retrouve donc à lui donner, à mon tour, un conseil pour réussir dans le métier de conseiller d’orientation. À mon sens, dès le début de la discussion, il aurait fallu que ChatGPT me pose cette question primordiale, en plus de toutes les autres :

« Qu’est-ce qui me manque dans mon job actuel ? »

C’est bien le point de départ de toute réflexion sur son orientation quand on y pense. Est-ce qu’on se sent bien dans son job ? Qu’est-ce qui nous déplaît dans notre situation professionnelle actuelle ? Si l’on a besoin d’aide pour son orientation, c’est souvent qu’on ressent un manque, et l’on ne sait pas dans quelle direction aller pour le combler. ChatGPT devrait donc partir du présent plutôt que chercher à condenser notre passé pour déboucher sur un mix parfait. En bref, prendre le temps de nous questionner sur notre rapport au travail et sur ce qui peut nous rendre heureux dans notre métier, pour identifier les manques à combler. Une réflexion peut-être encore trop abstraite pour ChatGPT, dont l’intelligence (artificielle) manque sans doute d’une dimension plus émotionnelle.


Article écrit par Alexandre Nessler et edité par Aurélie Cerffond - Photo Thomas Decamps pour WTTJ

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