Greffe de cheveux : ils sont passés par la case Turquie pour mieux réussir au travail

10. 10. 2024

5 min.

Greffe de cheveux : ils sont passés par la case Turquie pour mieux réussir au travail
autor
Aurélie Cerffond

Journaliste @Welcome to the jungle

přispěvatel

Perdre ses cheveux, bien plus qu'une question d'apparence, peut devenir une véritable épreuve pour l'estime de soi…. jusqu’à impacter la carrière professionnelle. Pas de promotion, mauvaises performances, difficulté à se faire embaucher… Décryptage des motivations qui poussent certains professionnels à franchir le cap de la greffe de cheveux en Turquie pour mieux réussir au travail.

« Dis donc le dégarni, quand est-ce que tu vas en Turquie ? » Ces douces paroles, Nicolas, 36 ans, les a entendues quotidiennement au bureau pendant plusieurs années, avant de prendre la vanne au pied de la lettre, et de s’envoler au pays du Bosphore pour se faire faire une greffe de cheveux. Quatre ans après l’opération, ce conseiller en patrimoine est ravi. « Je ne suis plus le chauve de service auprès de mes collègues ! » Comme lui, chaque année, des centaines d’hommes passent le pas, complexés par une calvitie naissante ou bien installée, qui leur renvoie une image négative d’eux-mêmes. Les chiffres sont éloquents : 240% d’augmentation des interventions chirurgicales de greffes de cheveux en Europe entre 2010 et 2021 d’après l’International Society of Hair Restoration Surgery (2022). Si on imagine aisément, les conséquences d’un complexe physique dans la sphère privée, les répercussions dans le monde professionnel sont tout aussi réelles. « Pour beaucoup d’hommes, perdre ses cheveux c’est perdre de sa superbe. On se sent plus vieux, moins dans le coup, moins attractif pour l’embauche », explique Jérémy Delattre, le fondateur de la clinique francophone Klineva située en Turquie. La salle d’attente de cet entrepreneur lui-même transplanté capillaire ne désemplit pas, avec 40% d’augmentation du nombre de fréquentation entre 2022 et 2023. Des patients de tous bords professionnel, avec en point commun, un défaut d’image face au miroir. « Avant de programmer l’intervention, il y a toujours un échange pour comprendre les motivations à faire cette chirurgie. Nombreux sont ceux qui m’expliquent “vouloir rester dans le coup” au travail en soignant leur apparence. » Une image plus jeune et dynamique qui résiderait dans la chevelure de ces messieurs.

N’est pas Zidane qui veut

Cela peut prêter à sourire mais le sujet est sérieux, tout comme la souffrance des chauves est bien réelle, pour ceux qui le vivent mal. En cause, les standards de beauté - souvent inatteignables - véhiculés dans la société et amplifiés par les réseaux sociaux. Et d’après ces derniers, être « beau », c’est être musclé et arborer une belle crinière. Sociologiquement, des cheveux sains sont synonymes d’énergie, de vitalité. Esthétiquement, ils sont signes d’élégance et d’attractivité. Alors sauf exceptions - type Zidane ou Jason Statham -, perdre ses cheveux peut être très difficile à vivre pour la gent masculine. « La première fois que je m’en suis rendu compte, c’est sur une photo prise par ma sœur pendant le confinement… une claque !, rembobine Nicolas. Avoir de la calvitie à 32 ans ? C’était impensable pour moi. », Et comme tout complexe physique, le sujet peut vite virer à l’obsession. « Dans le miroir je ne voyais plus que ça. Les remarques de mes collègues ne faisaient qu’enfoncer le clou de mon mal être… », se remémore-t-il douloureusement.

Une image de soi dégradée qui peut nuire à la carrière. « En abîmant son estime de soi, on perd confiance et cela peut se ressentir dans notre comportement au travail voire se refléter dans nos performances, surtout pour les professions en contact fréquent avec du public », regrette le directeur de la clinique esthétique. Et le coupable est tout trouvé : l’effet de halo. Ce biais cognitif affecte la perception que l’on a d’une personne en se basant sur une première impression. Il a été montré que l’on prête de multiples qualités aux personnes dont on juge positivement l’apparence physique. Ainsi, on a tendance à percevoir les personnes belles comme plus intelligentes que les autres. Ce qui au travail peut être discriminant ! Moins de promotion, moins d’embauche, d’augmentation de salaire… Il ne fait pas bon être mal dans sa peau au boulot. « Quand on bosse en banque, l’apparence est hyper importante, même ma tenue doit toujours être impeccable, précise Nicolas. Cela rassure les clients, leur donne davantage envie de signer avec vous. » À l’inverse, avoir confiance en soi, nous ferait rayonner et nous aiderait à réussir professionnellement. C’est l’avis de Damien, également greffé capillaire, vendeur dans une célèbre enseigne de grande distribution : « Il y a eu un avant et un après ! Les clients viennent plus facilement vers moi dans le magasin, me posent plus de questions… L’ impact est énorme sur mes résultats. » Pour le trentenaire, le changement de regard des gens à son encontre, aurait ainsi donné un second souffle à sa carrière.

Tous dans le même bateau

Si d’instinct, on imagine que les hommes qui optent pour la greffe de cheveux à des fins professionnelles sont ceux dont le métier les exposent beaucoup au monde extérieur, il n’en est rien. Du comptable au chauffeur livreur, tous les travailleurs sont susceptibles de franchir les portes d’une clinique esthétique d’après Jérémy Delattre : « On n’accueille pas plus de banquiers que de professeurs d’école que de pilotes d’avion… On rencontre toutes les professions, y compris des médecins. On a même reçu un chirurgien esthétique la semaine dernière. Il y a aussi des personnes sans emploi. » Il faut dire que le prix accessible de cette opération esthétique participe grandement à sa démocratisation. Comptez un budget compris entre 2500 et 3000 euros pour l’opération, deux nuits à l’hôtel, le suivi post-opératoire, les médicaments, hors billets d’avion. L’avantage principal à se tourner vers les cliniques en Turquie, étant que le coût est maîtrisé, quand en France, les praticiens facturent un prix au greffon (de 2,5 à 5 euros selon les cliniques). Une note qui peut vite grimper jusqu’à atteindre des sommes qui donnent le tournis : 6,8,10 mille euros, 15 mille pour les cas de calvitie les plus sévères et les cliniques les plus cotées.

Passer sur le billard, ce n’est pas rien

La popularité de cette opération et les résultats probants si l’on croit le retour de nos témoins, ne doivent pas faire penser que la greffe de cheveux se fait en un coup de baguette magique. C’est une opération esthétique longue (entre 6 et 8 heures selon le nombre de greffons), avec un suivi post opératoire conséquent, qu’il faut être capable de mener soigneusement pour garantir une bonne cicatrisation. « Le process est assez long. Il y a des lavages spécifiques à faire. La période de cicatrisation impose des consignes strictes : faire attention au soleil, à la pluie, ne pas faire de sport pendant plusieurs semaines…, détaille Jérémy Delattre. Et puis, on a des croutes au-dessus du crâne pendant quinze jours, ce qui n’est pas forcément compatible avec tous les jobs », alerte l’entrepreneur. Face à ces contraintes, les patients doivent être réellement motivés : sans un suivi post opératoire soigné, les résultats peuvent décevoir. Une motivation que le directeur de la clinique essaie de jauger en amont de la relation, quand lors du premier échange, le patient explicite les raisons qui le pousse à se lancer dans une greffe capillaire. « Je déboute les patients trop jeunes car en dessous de 30 ans, la calvitie risque de continuer à évoluer et cela augure des opérations à répétition. J’ai aussi déjà refusé d’opérer un homme que je sentais contraint par sa femme. Je suis contre : il faut le faire pour soi, pas pour les autres », philosophe le directeur de clinique.

Une pression pour plaire aux autres à déplorer aussi du côté des professionnels, qui, se sentant discriminés professionnellement pour leur apparence, s’obligent à la changer. Reste à espérer un monde du travail plus inclusif, qui permettrait de lever ce type d’injonction esthétique insidieuse.


Article écrit par Aurélie Cerffond, édité par Gabrielle Predko ; photo par Thomas Decamps.

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