La cartographie, la bonne stratégie pour optimiser les compétences de sa boîte ?

13. 2. 2024

4 min.

La cartographie, la bonne stratégie pour optimiser les compétences de sa boîte ?
autor
Paulina Jonquères d'Oriola

Journalist & Content Manager

přispěvatel

C’est la carte aux trésors de l’entreprise : la cartographie des compétences permet en un clin d'œil d’identifier les compétences disponibles, afin d’évaluer l’écart entre les ressources et les besoins de l’organisation. Alors, comment bien utiliser cet outil ? Et quels sont ses avantages et limites ? On fait le point.

Dans la famille de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences (GPEC), je demande la cartographie : un outil bien connu des RH, qui engage également les équipes opérationnelles. Si chaque entreprise peut créer sa propre cartographie des compétences, en choisissant différents items, il s’agit en quelques mots de constater si l’on observe ou non « un fossé entre l’existant et les besoins actuels et futurs d’une entreprise en matière de compétences », pointe la DRH et experte du Lab Céline Méchain. Au sein de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), Johanny Hospod, cheffe de projet GPEC, en a été l’instigatrice. « Il était important d’établir cette cartographie des compétences, car cela faisait plus de 15 ans que l’on n’avait pas remis à jour notre référentiel métier », explique-t-elle.

Comment fonctionne la cartographie des compétences ?

La première phase de la cartographie des compétences consiste à créer des référentiels. Trois dans le cas de l’IRSN. Un référentiel sur les soft skills, un référentiel sur les compétences transférables d’un métier à l’autre, et un référentiel de connaissances (essentiel au sein de l’IRSN qui rassemble près de 200 connaissances chez ses scientifiques). « Pour les deux derniers référentiels, les opérationnels m’ont accompagnée pour les définir, même si j’en étais l’architecte. Il s’agissait de bien comprendre les compétences indispensables pour tel ou tel poste », précise Johanny Hospod.

Ensuite, pour chaque compétence, une note de 1 à 5 est définie dans la fiche métier. Ce sont les managers, en lien avec les collaborateurs, qui, durant les entretiens carrière, évaluent celle-ci au regard de la cible. Bien entendu, il ne s’agit que d’un exemple indicatif : chaque entreprise est libre de cartographier ce qui lui semble prioritaire. De nombreuses organisations ne se concentrent que sur les hard skills, quand d’autres vont jusqu’à intégrer les mad skills.

Des objectifs cruciaux pour l’entreprise

La cartographie des compétences est un outil efficace pour gérer la complexité croissante des compétences présentes en interne, et leur évolution constante. « C’est un investissement lourd mais essentiel, pour garantir la pérennité et la croissance de l’entreprise », confirme Céline Méchain.

Les différents objectifs visés sont :

  • Identifier les compétences dont on dispose en un clin d’œil : dans le cas de l’IRSN, cela leur aurait permis, par exemple, d’identifier en une minute tous les collaborateurs parlant japonais lors de l’accident de Fukushima.
  • Guider les recrutements futurs : en anticipant l’absence de compétences dans certains domaines.
  • Planifier les besoins en formation : pour permettre à chaque collaborateur d’avancer.
  • Identifier les talents à haut potentiel : « Par exemple, un collaborateur qui serait à 100 % sur tous les items et à qui on ne proposerait pas de parcours pour la suite risquerait de quitter l’entreprise », pointe Johanny Hospod.
  • Faciliter la mobilité interne : grâce notamment à la cartographie des compétences transverses.

« L’objectif ultime est d’assurer la diversité des compétences au sein des équipes, favorisant ainsi l’innovation et la réussite à long terme de l’entreprise », résume encore Céline Méchain.

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Un outil utile à toutes les organisations ?

Si la cartographie des compétences prend tout son sens dans une structure comme l’IRSN, qui rassemble un peu moins de 1 800 collaborateurs, qu’en est-il dans des organisations de plus petite taille ? D’après Céline Méchain, il est a priori inutile de la mettre en œuvre avant le passage à une taille critique. « Tout le monde se côtoie et se connaît bien. Aussi, les relations interpersonnelles suffisent pour connaître les compétences de chacun, même si c’est uniquement de façon informelle », explique-elle. De plus, les petites équipes, concentrées sur la croissance peuvent difficilement prioriser ce projet, qui ne peut se faire sans la participation des managers opérationnels.

Un point de vue corroboré par l’expérience terrain de Paul-Antoine Mocchi, multi-franchisé d’enseignes de bricolage, qui gère plusieurs unités composées d’une vingtaine de collaborateurs en Corse du Sud. « La maison mère nous a poussés à mettre en œuvre une cartographie des compétences, parce que celle-ci avait eu un impact sur les ventes au niveau national », raconte-t-il. Concrètement, il s’agissait de remplir un logiciel interne pour renseigner les compétences de chaque collaborateur, jugées nécessaires pour performer dans son métier.

Mais de son propre aveu : « Ce logiciel était infâme à utiliser. C’était plus un caractère bloquant pour envoyer nos équipes en formation car c’était un passage obligé. Or, on n’arrivait pas à trouver le temps de remplir les informations. » Notre interlocuteur explique de surcroît enregistrer un fort turnover. Pour autant, Paul-Antoine Mocchi ne nie pas l’utilité d’un tel dispositif pour piloter des centaines de collaborateurs, mais doute de sa pertinence à plus petite échelle. « Je trouve que l’idée est géniale, mais que la mise en œuvre est compliquée sur le terrain. Pour nous, des entretiens individuels tous les trimestres me semblent plus efficaces* », résume-t-il.

4 conseils avant de se lancer dans une cartographie des compétences

1. Concentrez-vous uniquement sur les fonctions clés et les plus grandes équipes

Il est crucial de ne pas tomber dans la sur-complexité, en voulant cartographier toutes les compétences sur tous les postes possibles. « Cela évite de créer une cartographie à la Prévert, trop dense pour être lisible et exploitable », conseille Céline Méchain. Un point de vue néanmoins nuancé par Johanny Hospod, qui affirme avoir cartographié l’ensemble de ses collaborateurs : « Nous avons fait de cette cartographie un point de départ pour d’autres politiques RH. »

2. Assurez-vous d’obtenir un visuel clair et synthétique

La synthèse est primordiale pour une lecture instantanée et une compréhension rapide. Trop de détails peuvent noyer l’essentiel. L’ajout d’un visuel, tel qu’un graphique ou un tableau interactif, facilite la compréhension rapide des compétences disponibles. Cela permet notamment d’identifier rapidement les compétences les moins présentes au sein des équipes. « Les graphiques en toile d’araignée sont très appréciés. Ils permettent de visualiser instantanément les compétences et le niveau requis pour chacune, et le niveau évalué du collaborateur », recommande Céline Méchain.

3. Jouez la carte du travail collaboratif avec les managers

La réalisation d’une cartographie des compétences n’est pas une tâche isolée pour le service RH. « Il s’agit d’un travail collaboratif avec les managers, qui connaissent parfaitement les compétences spécifiques de chaque membre de leurs équipes », constate Céline Méchain. Le/la RH orchestre le projet, impliquant activement les managers pour garantir une cartographie pertinente et en phase avec les besoins opérationnels. « Si on n’implique pas les opérationnels, la cartographie ne sert à rien », renchérit Johanny Hospod.

4. Mettez à jour la cartographie de manière annuelle

« Cela permet de suivre les évolutions des métiers et d’anticiper beaucoup plus facilement les besoins à venir, sous peine de devoir recommencer le travail de zéro », conclut la cheffe de projet GPEC de l’IRSN.

La cartographie est donc un outil clé pour l’avenir, mais il s’agit d’une tâche chronophage et dans laquelle les RH ne peuvent pas faire cavalier seul. Il convient donc de la mettre en place dans les structures adaptées pour un faire un véritable allier.

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Article édité par Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ