« Mon thème astral a été une révélation » : l'astrologie, la nouvelle boussole pro ?
May 16, 2024
7 mins
De Madame Soleil à la dernière page des magazines féminins, l’horoscope amoureux et professionnel se décline désormais sur moult applications, réseaux sociaux et autres billets sur les ondes, illustrant le grand retour de flamme en faveur de l’astrologie, parmi les croyances contemporaines. Loin d’être anecdotique, certains adeptes poussent même la porte d’un cabinet d’astrologie pour y voir plus clair au sujet de leur carrière ou découvrir la voie professionnelle à emprunter.
« L’année prochaine sera-t-elle la bonne année pour me lancer dans une formation de RH ? », c’est la question posée par Guillaume, 29 ans, non pas à son conseiller d’orientation ou à ChatGPT, mais à son astrologue. Depuis qu’il a découvert cet art de déterminer le caractère et de prévoir la destinée humaine par l’étude de l’influence supposée des astres, sa vie professionnelle a pris un autre tournant. Tour à tour serveur, conseiller en image dans la mode, puis conseiller en insertion professionnelle dans le milieu carcéral, ses choix de carrière se font donc au gré des astres. « Je m’intéressais initialement au développement personnel et au bien être, jusqu’à ce que je découvre le thème astral en consultant une astrologue. J’ai été tellement bluffé par les informations qu’elle m’a transmises lors de cet entretien… une révélation ! », développe le jeune homme. Le principe : sur la base de votre nom, de date, de l’heure et lieu de votre naissance, faire apparaître votre identité astrale, laquelle permet ensuite - à qui adhère à cette croyance - de s’orienter dans la vie. Une idée un brin farfelue ? Pas tant que ça.
Les lignes de la main, la sorcellerie, la voyance, la numérologie, la cartomancie et l’astrologie… D’après une enquête de la Fondation Jean Jaurès datant de 2020, 58% des Français de tous âges croient en au moins une de ces disciplines de parascience. 41% des Français y adhererait, soit une augmentation de 8 points par rapport à 2000, davantage encore que les Américains qui seraient 30% à y croire.
Un phénomène qui prend racine dans des civilisations anciennes. Il y a plusieurs milliers d’années déjà, des prêtres-astronomes babyloniens déchiffraient les constellations pour prédire les destinées individuelles, tandis que les Égyptiens voyaient dans le phénomène cosmique, un lien sacré entre les étoiles et les dieux. En Grèce antique, c’était carrément trendy grâce à des penseurs comme Pythagore et Platon qui ajoutaient leur grain de sel philo-mathématique. Pendant ce temps, en Chine, l’astrologie s’immisçait dans les décisions politiques et agricoles, avec un zodiaque bien à elle. Aujourd’hui, même si la science lève parfois un sourcil, elle continue de captiver prouvant que même dans une époque ultra rationnelle, l’appel des astres reste irrésistible.
Bien que la science batte en brèche le sérieux de l’astrologie considéré comme une parascience, celle-ci n’est pas pour autant une lubie d’esprits peu cartésiens. Marjolaine Lune (son pseudonyme d’astrologue) en est l’exemple. Astrologue et avocate, son parcours professionnel ne ressemble en rien aux CV traditionnels. « À 11 ans, je me passionais pour la psychologie et j’ai découvert l’astrologie par l’entremise d’une tante. C’est devenue ma passion et dès la Terminale, j’ouvrais un petit cabinet d’astrologie non officiel pour mes amis. Et puis, j’ai mal tourné », plaisante celle qui suivra un parcours d’études très sérieux à HEC avant de décrocher le barreau et de porter la robe. Dans des gros cabinets d’affaires, des entreprises ou encore des agences de pub, elle conseille les décideurs sur une base tout à fait rationnelle : le Droit. Pourtant, en sa 37ème année, âge où la configuration astrale « en carré de Pluton » pousserait à une quête de sens très forte, elle plaque tout. « J’ai tout quitté pour prendre une année sabbatique en 2018, alors que Jupiter passait dans ma maison Un, celle de l’affirmation. » Traduction, c’était le moment de foncer. Et pour la trentenaire, enfin s’autoriser à faire ce dont elle a toujours rêvé. Elle explique pour les non initiés : « Chaque personne a une carte du ciel ou un thème astral. Cela consiste à prendre une photo à l’heure de la naissance, du ciel de la maternité et d’y caler une roue hypothétique astrologique des douze signes du zodiaque. » Avec l’heure de naissance on calcule l’ascendant qui fait partir dans cette roue astrologique, douze maisons qui sont douze champs d’expérience. « Chaque planète est dans un signe et dans une maison », résume l’astrologue. La « maison un », serait celle d’un nouveau cycle et Jupiter, la planète de l’expansion, du plaisir, et de la chance. D’où ce changement d’orbite professionnelle.
Dans un premier temps, Marjolaine réalise un bilan de compétence classique, pour trouver son job d’après. « J’avais envie d’explorer - phase hyper importante - et de chercher dans tous les aspects de ma personnalité ce qui me faisait plaisir », explique-t-elle. Si pour ses proches la reconversion en astrologue semble évidente, ça ne l’est pas pour elle. « Je répondais à plein d’offres d’emploi. J’ai aussi donné des cours d’écriture à des ingénieurs qui souhaitaient rédiger des articles techniques pour voir si je pouvais devenir formatrice. Mais j’ai ressenti un trac terrible avant et pendant l’exercice, ce qui m’a convaincu que ce n’était pas un métier pour moi. » Marjolaine tente alors un autre métier fantasmé, celui d’écrivaine et rédige carrément un roman. Mais les nombreuses journées passées devant un ordinateur, coupée de tout contact humain, et une œuvre refusée par tous les éditeurs « pour des bonnes raisons » selon elle, lui font rebrousser chemin. Quand un jour, le hasard (ou le destin ?) met sur sa route l’annonce suivante « cherche astrologue pour orientation professionnelle » : bingo ! « J’ai reçu cette femme chez moi et tout m’a plu dans cette consultation. » Sa vocation d’astrologue spécialiste de la vie professionnelle est née.
Mais du côté des salariés, quelle quête mystique les pousse à s’en remettre aux étoiles pour décider de leur avenir pro ? C’est que l’astrologie a le mérite de répondre à plusieurs interrogations essentielles.
Trouver sa voie (lactée)
« La plupart des personnes qui viennent me consulter n’ont jamais vu d’astrologue ou de voyante avant. Dans un premier temps, je dirais que ça leur permet de mieux se connaître à travers leur thème astral. » Par visio, téléphone ou en présentiel, il faut compter une heure environ pour cette révélation. Après un temps de préparation et de discussion autour de l’amour et de la santé, l’astrologue propose un métier de prédilection. Selon ses stats perso, la professionnelle estime que 99% des gens viennent pour cette raison. Mais s’entendre dire après huit ans d’études de médecine, qu’on ferait un meilleur boulanger est un peu abrupt. Alors aux trois quart de la séance, s’ensuit une discussion basée sur le ressenti. Le moment où la piste professionnelle évoquée conforte une idée qui cheminait déjà, ou offre une nouvelle réflexion. Exemple concret, une fois, Marjolaine a dit la bonne aventure à une personne qui souhaitait faire de l’hypnose. « La piste de l’hypnose est apparue dans la liste des métiers de Neptune en dominante, mais comme cette personne avait un thème astral très solaire, je lui ai aussi parlé de formation, de transmission. » Et quelque lunes plus tard, le projet d’une école d’hypnose est né pour cet ex-salarié.
Révéler ses qualités
De son côté, rencontrer une astrologue a permis à Guillaume d’ouvrir les yeux ce qui le faisait vraiment kiffer : aider les autres. Un pur truc de Lion ascendant Verseau avec un lunaire vierge, d’après lui. « Quand je faisais du conseil dans la mode, c’était hyper superficiel et je n’étais pas du tout épanoui », retrace-t-il. « Tu brilles mais tu ne rayonnes pas », lui assène son astrologue après une première consultation qui aura traîné six heures et ne s’achèvera que pour lui permettre de choper le dernier métro. Ni une ni deux, le Lion se met en quête d’un taf plus chaleureux où il pourra pleinement exprimer son envie d’accompagner. « J’ai laissé tombé mon boulot avant de partir en voyage puis de devenir conseiller en insertion professionnelle dans le milieu carcéral via une association. Je m’y sens vraiment à ma place. » C’est aussi une des fonctions de l’art astral, permettre aux personnes de s’interroger sur leurs compétences. « Des gens ont parfois des qualités extraordinaires et ne se rendent pas compte que c’est une compétence métier », explique Marjolaine. Vous êtes doué pour organiser des dîners pour quinze personnes ? Pour l’astrologue, cette appétence à gérer l’imprévu et accueillir du public ferait une merveilleuse compétence dans le milieu de l’évènementiel.
Une vision de l’année à venir
À part jouer les conseillères d’orientation, un astrologue dégaine aussi sa boussole astrale pour remettre des prédictions professionnelles. Une façon de savoir si cette année sera la bonne pour mener à bien ses projets. « Quand Jupiter est passé dans ma maison dix de la carrière, j’étais en train de lire des conditions de non discrimination du grand groupe international dans lequel je travaillais. » Attirée par une clause de discrimination sur les écarts de niveau de salaire entre collègues, Marjolaine réclame illico une augmentation à sa hiérarchie. « J’ai eu une augmentation extrêmement importante. » Et ça ne pouvait que marcher avec Jupiter en soutien, affirme-t-elle. L’astrologie serait même capable de déterminer un mois de la carrière, le bon moment pour mener à bien les demandes d’augmentation ou une promotion.
Comprendre les relations professionnelles
Pour Guillaume, l’astrologie est aussi vertueuse dans les dynamiques sociales. Elle lui donne la possibilité d’être plus attentif aux autres. Il connaît le signe astrologique de ses collègues, sait ceux avec lesquelles il aura des facilités à collaborer (Les Poissons et les Scorpions) ou du mal à bosser, « s’il y a un Sagittaire dans la salle, je sais que ça va être très compliqué », précise t-il. À l’aise avec la psychologie, le jeune homme essaie de déceler le caractère et les sensibilités de chacun : « Ça aide à l’acceptation. On se dit, non ce n’est pas un con, c’est son tempérament de tel signe, et il est bien à sa place en tant que commercial. »
Donner un sens à sa vie pro
Pourtant le jeune homme l’admet, l’astrologie tient plus de la croyance que de la science, « on prend ou on ne prend pas, mais perso, ça me fait du bien ». À côté des gadgets divinatoires et autres boules magique 8, lui a pris le prétexte de la consultation astrale comme un tremplin pour se rediriger professionnellement. « Cela m’aide à prendre du recul, et à me questionner sur ce que je veux dans la vie pro à connaître mes atouts, en somme à savoir qui je suis ». Une façon parmi tant d’autres, de trouver du sens face à l’incertitude des temps modernes.
« On en a (pas) marr’ de café »
Pour autant, l’astrologie peut-elle sérieusement se substituer au conseiller d’orientation voire aux psychologues ? En 1682 (oui on voyage dans le temps), l’art divinatoire et l’astrologie ont été condamnés par ordonnance royale car considérés comme une atteinte au libre-arbitre. D’ailleurs Guillaume l’a bien compris : « Il ne faut pas tout voir par le prisme de l’astrologie », dit celui qui une fois par an revient consulter lors d’une « révolution solaire », pour avancer en terrain balisé. « Je n’ai pas besoin de regarder tous les matins mon horoscope ou de chercher tous les jours un sens à ma vie, confie-t-il. Je trouve même un peu dangereux de ne se rassurer qu’avec ça. Ce n’est pas parce que mon horoscope me dit qu’aujourd’hui je ne dois pas boire de café car c’est mauvais pour moi que je vais le suivre. Je le vois comme un outil d’aiguillage, qui ne m’empêche pas de garder ma marge de manœuvre et mon autonomie. »
Qu’on y adhère ou non, certains salariés trouvent dans l’astrologie une réponse à la quête de sens que nos boulots n’offrent pas toujours (coucou les bullshit jobs). Au point de prendre des décisions professionnelles radicales. Un dernier mot de Marjolaine en cadeau : si vous êtes d’ascendant vierge, il se pourrait que votre année soit extraordinaire pour votre carrière. On utilise le conditionnel, mais Marjolaine, elle, en est persuadée : « cette année vous pouvez l’écrire au futur. »
Article écrit par Manuel Avenel (Lion), édité par Aurélie Cerffond (Bélier), photographie par Thomas Decamps (Lion)
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