Entretien : 7 secrets de pro pour un compte rendu en béton
Oct 15, 2024
5 mins
Souvent négligé, le compte rendu d’entretien est pourtant une étape cruciale du recrutement. Il garantit la conformité légale, structure la prise de décision et limite les biais cognitifs. Alors, comment rédiger un CR efficace et innovant quand on compte parmi une équipe de recrutement ? Suivez le guide.
Le compte rendu (CR) d’entretien joue un rôle clé dans le processus de recrutement. Au-delà de sa fonction administrative, il protège juridiquement l’entreprise en assurant la conformité aux lois sur la non-discrimination. Un CR détaillé prouve que les décisions sont prises sur des bases objectives, limitant ainsi les risques de recours ou de sanctions. En respectant les principes du RGPD, il garantit également une gestion rigoureuse des données personnelles des candidats, notamment en termes de durée de conservation et de sécurité.
Mais au-delà de l’aspect légal, le CR permet de structurer la réflexion autour des compétences des talents et d’assurer une forme de transparence lors de la prise de décision. Selon Marie-Sophie Zambeaux, consultante, auteure et conférencière en recrutement et marque employeur, il s’agit même d’un support de « mémoire collective » pour les équipes de recrutement, surtout lorsque plusieurs intervenants participent au processus. Alors comment organiser l’information ? Quels critères choisir ? Et quid du format ? Voici comment faire du CR l’outil « fil rouge » du recrutement.
Entre critères explicites et choix de la méthode, la recette infaillible d’un compte rendu efficace
Le cadrage des critères
Dans le compte rendu post-entretien, plusieurs éléments doivent être systématiquement inclus pour garantir une évaluation objective et complète du candidat. « En premier lieu, les informations de base telles que son nom, l’intitulé du poste ciblé, la date de l’entretien et le nom de l’intervieweur doivent figurer en en-tête », explique Marie-Sophie Zambeaux. Ensuite, les critères importants pour le poste sont à choisir et à lister. Chacun doit être évalué par le recruteur à l’aide d’une notation et accompagné de verbatims et de retranscriptions des réponses. La rémunération souhaitée, la date de disponibilité et toute information concernant des aménagements de poste nécessaires doivent également être mentionnées. « En fonction du processus, il est possible d’ajouter les résultats des cas pratiques, des tests techniques, des tests de personnalité ou des mises en situation », poursuit l’experte en recrutement. Important : la synthèse finale inclura une recommandation de l’intervieweur et un espace dédié à la décision finale.
« Un CR utile doit aussi inclure des informations classiques, telles que les objectifs professionnels, l’adéquation avec la culture d’entreprise et la motivation du candidat. » Alexandra Josset, directrice de Fyte Intérim et Fyte RH, juridique, achats et logistique, souligne l’importance de cette « exploration approfondie des attentes du candidat ». « Il est essentiel de ne pas négliger ses souhaits et ses exigences, même lorsqu’ils semblent poser un obstacle », précise-t-elle. Des sujets comme la répartition de la rémunération, les modalités de travail (télétravail, temps partiel…) ou la prise en charge de frais doivent être abordés sans hésitation. L’intérêt ? « Ces discussions peuvent souvent mener à des compromis, favorisant l’engagement du candidat tout autant que l’adéquation aux besoins de l’entreprise », indique encore Alexandra Josset.
Le choix de la méthode
On distingue trois méthodes phares :
- L’entretien structuré comme base : pour garantir une évaluation objective des candidats, la méthodologie de l’entretien structuré est largement recommandée. Elle repose sur des questions standardisées posées à tous les candidats, permettant d’évaluer des critères précis en lien direct avec le poste. Chaque réponse est notée selon une grille prédéfinie incluse dans le CR, ce qui limite les biais et assure une comparaison équitable entre candidats.
- La méthode STAR : si l’entretien structuré n’est pas utilisé, la méthode STAR (Situation, Task, Action, Result) constitue une alternative intéressante. Elle invite les candidats à décrire des situations vécues, les tâches qu’ils ont accomplies, les actions entreprises et les résultats obtenus. Cela permet d’évaluer leurs compétences comportementales et techniques dans des contextes réels.
- L’utilisation de l’ATS : enfin, l’utilisation d’un logiciel de recrutement est indispensable pour centraliser les informations relatives aux candidats. « Greenhouse ou SmartRecruiters permettent de centraliser les informations des candidats, d’assurer la sécurité des données et de garantir une uniformisation des processus de recrutement », explique Marie-Sophie Zambeaux. Ces outils facilitent surtout l’utilisation de modèles prédéfinis pour les CR, assurant sa standardisation et l’objectivation de l’évaluation.
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7 conseils de pro pour rédiger un compte rendu utile et efficace
Conseil n°1 : créer un CR par typologie d’entretien
Il est utile de créer un CR pour chaque entretien afin de valider les compétences recherchées. « Le format du compte rendu d’entretien varie selon l’étape du processus de recrutement, qu’elle soit RH ou opérationnelle. Une compétence doit être évaluée grâce à plusieurs questions posées par plusieurs personnes, et ce, de manière très précise, afin d’obtenir des réponses ciblées pour alimenter le CR », explique Léo Bernard, formateur et créateur de contenus sur le recrutement.
Conseil n°2 : standardiser les comptes rendus pour tous les candidats
Pour assurer une évaluation équitable, il est indispensable d’établir, par entretien, un format standardisé. Cette homogénéité facilite la prise de décision en permettant de comparer les candidats sur des bases identiques et objectives. « Nous évaluons les candidats sur la base d’une grille de compétences et de soft skills, établie en amont avec le client lors de la phase de cadrage du recrutement. Cette méthode offre une trame précise pour rédiger un résumé structuré du parcours professionnel, en mettant en valeur les compétences et les atouts qu’il pourrait apporter à l’entreprise », précise Alexandra Josset.
Conseil n°3 : retranscrire fidèlement les propos des candidats
« Il est essentiel de retranscrire les propos du candidat de manière exacte, sans les interpréter ou les modifier. Et ce n’est pas si simple ! », insiste Marie-Sophie Zambeaux. L’utilisation de verbatims (citations directes) permet de conserver la fidélité des échanges et de limiter les biais d’interprétation. « Illustrer chaque compétence évoquée par une situation précise partagée par le candidat aide à donner du corps et de la véracité à l’évaluation », ajoute Alexandra Josset.
Conseil n°4 : réaliser le CR dans les 48 heures max
Rédiger le compte rendu dans les deux jours suivant l’entretien permet de préserver la précision des informations, selon Marie-Sophie Zambeaux. Pourquoi ? « Attendre trop longtemps peut biaiser la mémoire, entraînant des oublis ou des distorsions involontaires. » De plus, il est recommandé de ne pas reporter cette tâche après avoir rencontré tous les talents, car cela pourrait créer un effet de récence, où le dernier candidat rencontré bénéficie d’une attention disproportionnée. Léo Bernard insiste également sur la célérité pour éviter de retarder le processus de recrutement et risquer de perdre un candidat.
Conseil n°5 : éviter l’influence des autres évaluateurs
Lorsque plusieurs recruteurs participent à un processus d’évaluation, il est important que chacun remplisse son compte rendu avant d’avoir accès aux évaluations des autres. Cette pratique réduit les biais d’influence ou d’effet de groupe. « Chez Google, toutes les évaluations des entretiens sont saisies avant que les recruteurs ne partagent leurs opinions entre eux. Ainsi, chaque recruteur donne son avis sans être influencé par les autres, garantissant une évaluation plus objective », explique Marie-Sophie Zambeaux.
Conseil n°6 : former les recruteurs et managers aux biais cognitifs
Sensibiliser les recruteurs et les managers aux biais cognitifs est un incontournable pour garantir une évaluation objective. Certains biais courants à surveiller incluent, selon Marie-Sophie Zambeaux, le biais de similarité (préférence pour les candidats qui nous ressemblent), le biais de halo (généralisation d’une caractéristique positive ou négative à l’ensemble de l’évaluation), le biais de confirmation (recherche d’informations qui confirment une première impression) et l’effet de contraste (comparer les candidats entre eux plutôt qu’aux critères objectifs).
Conseil n°7 : éviter les pièges classiques de l’omission ou de l’ajout
Certains écueils doivent absolument être évités lors de la rédaction d’un compte rendu. L’omission de critères essentiels est l’un des pièges les plus courants. « Un compte rendu incomplet ne permet pas de prendre une décision éclairée. Tous les critères d’évaluation, qu’il s’agisse des compétences techniques ou comportementales (soft skills), doivent être systématiquement examinés », souligne Marie-Sophie Zambeaux. De même, il faut éviter d’inclure des commentaires inappropriés (âge, apparence physique, situation familiale), car ces éléments non pertinents sont non seulement illégaux mais aussi source de discrimination.
CR & IA : vers un rôle (toujours) plus humain pour le recruteur ?
Selon Léo Bernard, l’introduction de l’IA dans la prise de notes et la rédaction des comptes rendus d’entretien tend à modifier le rôle du recruteur de manière significative. « Avec les outils fondés sur l’IA - tels que Metaview ou Noota - qui sont capables de gérer efficacement la prise de notes et la synthèse des informations pendant et après l’entretien, le recruteur peut se concentrer davantage sur l’aspect humain de celui-ci. » Son rôle devient alors celui de faciliter la mise en confiance du candidat, de créer une atmosphère plus détendue et engageante, plutôt que de se concentrer sur la collecte des données.
Cette évolution permet également de rendre le processus de recrutement plus fluide et rapide, car l’IA peut générer et envoyer le compte rendu quasiment en temps réel. « Cependant, des questions se posent sur l’éthique de l’usage de l’IA dans l’évaluation des candidats, certaines critiques pointant les risques de discrimination », conclut Marie-Sophie Zambeaux.
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Article rédigé par Laure Girardot et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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