Managers : 7 fausses croyances qui peuvent vous faire du tort
Oct 03, 2024
5 mins
Depuis de nombreuses années, le management semble être arrivé dans une voie sans issue. Si beaucoup pointent les difficultés de ce rôle soumis aux demandes croissantes, certaines fausses croyances qui gravitent autour du statut ne sont pas en reste. Mais quelles sont-elles et comment en venir à bout ?
Tandis que les attentes à leur égard ne font qu’accroître, les managers semblent à bout de souffle. Selon un baromètre Alan de 2023, un manager sur deux est angoissé contre 35 % des non-encadrants. La faute, certainement, au manque de suivi et de formation (un manager sur trois demande plus de soutien dans sa fonction de la part de son employeur), tout comme aux injonctions paradoxales auxquelles cette population fait face tous les jours (plus d’un manager sur quatre peine à concilier les attentes de sa hiérarchie et les besoins de son équipe).
Mais les fausses croyances qui perdurent en la matière, et qui portent elles-mêmes leur lot de contradictions, n’y sont pas étrangères non plus. Alexis Eve et Ludovic Girodon, nos deux experts du Lab spécialisés dans l’accompagnement des managers, nous en proposent un florilège, avec en prime leurs antidotes !
Croyance n°1 : un manager est censé être le/la meilleur·e de son équipe
Pourquoi c’est un mythe : tout comme le job d’un sélectionneur n’est pas d’aller marquer lui-même des buts (coucou Dédé), le rôle du manager ne consiste pas à s’agiter tout azimut sur le terrain, mais d’augmenter au global les résultats de son équipe. Et pour cela, il doit recruter, onboarder, féliciter, recadrer… « Bien sûr, il doit avoir un niveau d’expertise suffisant pour bien encadrer son équipe. Mais vouloir être le meilleur, c’est soit une question d’ego, soit une vraie vocation de contributeur individuel (et donc pas de manager), soit un syndrome de l’imposteur lié à la peur de ne pas être respecté par ses équipes » , analyse Alexis Eve.
L’antidote : développez suffisamment votre expertise métier pour être en capacité de faire progresser votre équipe et d’acquérir assez de légitimité pour les embarquer. Une fois que vous avez atteint ce stade, mettez toute votre énergie dans le management pur et dur, en devenant le meilleur recruteur, formateur, coach… Et observez votre légitimité augmenter au fur et à mesure que votre équipe devient meilleure grâce à vous.
Croyance n°2 : en tant que manager, il faut toujours se montrer fort
Pourquoi c’est un mythe : vouloir en permanence être au top sans jamais se planter ou se permettre de coup de mou, c’est ce que l’on appelle la posture du manager « superman ». Sauf que ce n’est pas tenable à la longue. « Un manager pense souvent qu’il doit être exemplaire, en transmettant en permanence de l’énergie. Or, cette attitude comporte des risques, à commencer par celui de créer des incompréhensions chez un collaborateur qui se sentirait totalement déconnecté ou pas écouté face à un manager dont il ignore en fait le passage à vide » , analyse Ludovic Girodon.
L’antidote : plutôt que de vous acharner dans cette posture de surhomme, mieux vaut parfois repousser certains temps forts comme une réunion. En bref, vous mettre en retrait le temps d’une journée pour mieux revenir. L’objectif étant d’accueillir vos émotions négatives pour qu’elles ne rejaillissent pas ensuite sur votre équipe.
Croyance n°3 : en tant que manager, mieux vaut être craint qu’aimé
Pourquoi c’est un mythe : être craint pour obtenir le respect a longtemps été perçu comme le socle d’une organisation efficace. Et ce n’est pas entièrement faux dans certains environnements, comme dans l’armée, par exemple, où il existe une hiérarchie que personne ne questionne sous peine de faire exploser le système. Mais dans une plus large majorité, le management par la soumission n’est pas un graal. « Dans des univers comme le tertiaire, cela ne marche pas. Comme on dit, on rejoint une entreprise, mais on quitte un manager » , analyse Alexis Eve.
L’antidote : plutôt que de chercher à être craint comme un chef de guerre façon Game of Thrones à qui l’on finira par couper la tête, essayez plutôt d’être un leader horizontal à la The Walking Dead ou Lost. « Dans ces séries, le leader est au même niveau que les autres, mais il émerge par sa capacité à créer de la cohésion d’équipe », illustre Alexis Eve. Pour ce faire, embrassez le fait que les bases du leadership sont avant tout relationnelles : développez un relationnel fort et une confiance solide avec chaque membre de votre équipe, lors de points réguliers notamment, et endossez votre rôle de capitaine pour les embarquer.
Croyance n°4 : un manager ne doit pas trop féliciter ses collaborateurs au risque qu’ils se reposent sur leurs lauriers
Pourquoi c’est un mythe : s’il pense tirer sa légitimité de sa capacité à pointer du doigt ce qui ne va pas ou reste à améliorer, le manager a forcément tendance à formuler davantage de feedbacks négatifs que positifs. C’est le fameux « C’est bien mais… » ou comment voir le verre à moitié vide. « Sauf que dans la réalité, le feedback sandwich, ça ne marche pas. Du moins, on sait que le cerveau va se concentrer sur les axes d’amélioration et oublier les bons points soulevés auparavant » , pointe Ludovic Girodon. Alors même que le rôle du manager est de remplir le réservoir à estime de soi de son équipe.
L’antidote : formulez un retour positif, un vrai ! Pas uniquement un « Bravo, ta présentation était super », mais un feedback construit qui reprend point par point ce qui a été bien fait. N’oubliez pas non plus que pour un feedback négatif, il faut équilibrer en face par plusieurs feedbacks positifs.
Cultiver votre marque employeur, c'est faire grandir vos équipes.
Croyance n°5 : un manager considère son équipe comme une grande famille
Pourquoi c’est un mythe : considérer qu’une équipe se manage comme une famille, c’est mal comprendre les objectifs d’un manager. « Une famille n’a pas d’objectif de performance, mais la volonté de faire vivre et protéger les liens entre ses membres », relève Alexis Eve. Or, dans le cadre d’une collaboration professionnelle, cela a naturellement ses limites.
L’antidote : « Vous devez parvenir à trouver un équilibre entre le soin des relations et la performance collective. Une fois encore, l’idée est de vous considérer comme le leader d’une équipe de sport et non comme un “bon père de famille” », recommande Alexis Eve. L’idée ? Ne pas opposer performance et relationnel. Le manager a nécessairement un enjeu relationnel (un coach de NBA a besoin d’avoir un relationnel en béton avec ses joueurs), mais il cherche aussi de la performance (le but est de gagner).
Croyance n°6 : un manager peut faire ami-ami avec son équipe
Pourquoi c’est un mythe : le manager bisounours, qui fait « ami-ami » avec ses équipes, a souvent du mal à tenir sur la durée. Loin de nous l’idée de réfuter les bienfaits de la posture du manager coach qui pourrait être compatible avec cette velléité de proximité. Seulement, « on ne doit pas oublier que le rôle du manager est aussi de prendre des décisions, parfois impopulaires, comme se séparer d’une personne, ou encore mettre les pieds dans le plat pour désamorcer un conflit » , insiste Ludovic Girodon.
L’antidote : chaque mois ou chaque trimestre, accordez-vous trente minutes rien que pour vous durant lesquelles vous prendrez de la hauteur sur votre relation managériale avec votre équipe. Réfléchissez à ce qui fonctionne bien, et ce qui peut être amélioré. « Si vous constatez que vous passez plus de temps avec telle personne et moins avec une autre, essayez de contrecarrer ces affinités naturelles et de rééquilibrer les rapports pour ne pas faire de favoritisme » , recommande Ludovic Girodon.
Croyance n° 7 : la porte d’un manager doit toujours rester ouverte
Pourquoi c’est un mythe : un manager qui se déclarerait en permanence disponible serait sans cesse inondé de requêtes de la part de ses collaborateurs. « Le problème, c’est qu’il n’existe quasiment pas de managers totalement délestés d’une part d’opérationnel. Le manager a donc aussi besoin de temps pour se concentrer sur ses sujets » , lance Ludovic Girodon. D’autant plus que le versant obscur de cette posture est qu’elle rend l’équipe dépendante de son manager, en étant moins prompte à résoudre ses problèmes par elle-même plutôt que de solliciter son supérieur.
L’antidote : créez un cadre avec votre équipe, afin de définir des plages de disponibilité durant lesquelles elles peuvent vous solliciter à vau-l’eau (hors urgence). « La plupart du temps, on se rend compte que les choses peuvent attendre quelques heures, voire quelques jours » , remarque Ludovic Girodon. Une manière pour les managers de s’offrir des focus time dans des agendas bien chargés !
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Article rédigé par Paulina Jonquères d’Oriola et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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