8 conseils pour dépasser le modèle pyramidal sans transformer sa boîte de A à Z
02 oct 2024
7 min
Mettre à terre un système pyramidal dépassé et respecter l’envie de plus de démocratie des salariés. Le tout, sans faire de votre entreprise une SCOP ou une entreprise libérée. Possible ? C’est la proposition d’Anaïs Vega, notre experte spécialiste du leadership régénératif, qui vous dévoile ses conseils pour y parvenir en douceur.
« Une entreprise c’est une pyramide, et tout part de la tête. » Lors d’un déjeuner, Claude m’assène cette phrase comme une vérité absolue. « Le reste cascade et exécute… » Il liste ses enjeux actuels de dirigeant : silotage, perte d’efficacité collective, démotivation, turnover… « Les gens ne veulent plus travailler ! » Je challenge : « Ne veulent-ils plus travailler, ou plus ainsi ? » Ce genre de discussion existe donc encore bel et bien…
Rien d’étonnant quand on sait que des générations d’hommes et de femmes ont évolué dans une vision mécaniste des sociétés. Autrement dit, à la recherche du fonctionnement optimal via divers processus et outils de contrôle, de gestion ou encore de pilotage, permettant de scruter entrées et sorties, plans, flux, leviers, optimisations… Loin du fonctionnement humain, dans ce modèle pyramidal le « command & control » règne, la séparation des tâches et le silotage font des ravages, tandis que les conclusions sont hâtives sur les causes de démotivation et de désengagement de celles et ceux qui y travaillent. Mais comment le dépasser durablement ?
Les pyramides atteignent leurs limites
Concentration de luttes d’égos, d’influences et de pouvoir : le quotidien des acteurs de l’entreprise crie que quelque chose ne va plus dans nos organisations ! Qui peut sincèrement se sentir bien dans ce type d’environnement ? La culture managériale traditionnelle mène à des sociétés vides d’énergie vitale et de sens. Et nous sommes comme pris au piège d’un modèle à bout de souffle, au détriment de nos ressources : individuelles, collectives et maintenant planétaires.
Les maux du système sont inhérents au système. Pour preuve, même les tentatives de transformations échouent. Il ne peut en être autrement. Elles sont conçues et déroulées dans la même veine : un petit groupe de personnes, souvent aidé de consultants, pense et conçoit de façon top-down, ce qui sera ensuite attendu en termes d’exécution. Si 93 % des entreprises font des transformations, 70 % échouent. Dans le monde de permacrises et de complexité croissante dans lequel nous évoluons, ce paradigme pyramidal atteint d’autant plus ses limites : en manquant de réactivité et d’agilité, il ne trouve plus les bonnes réponses.
Pourtant, les sciences sociales ont largement prouvé que les structures hiérarchiques font baisser la performance comme la motivation. Malheureusement, par méconnaissance ou résistance des équipes de direction, le modèle traditionnel descendant reste encore prédominant. Et ce bien que ces études aient mis en lumière trois besoins universels qui nous permettent de fonctionner de manière optimale et avec vitalité au travail :
- L’autonomie : soit la confiance et la responsabilisation pour faire reculer le contrôle,
- L’affiliation : des relations de qualité, avec écoute et respect amenuisant rivalités et défenses,
- La compétence : l’expression de nos talents et capacités tout comme le sentiment d’efficacité.
De tels environnements augmentent le bien-être, l’engagement, la créativité et la motivation des équipes, ainsi que l’innovation. Ils facilitent des solutions durables et efficaces face aux problèmes systémiques du monde actuel. Remettre véritablement les acteurs de l’entreprise au cœur de l’activité et ouvrir le champ d’initiative des équipes passe par un leadership revisité. Son rôle est de capter les signaux et les voix du terrain, afin de faire émerger des décisions et de lâcher-prise avec le contrôle. Je vous livre donc ici quelques bonnes pratiques, glanées au gré de mes accompagnements et recherches, forts en rencontres humaines.
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Leadership : 8 conseils pour faire autrement sans transformer totalement son modèle
1. Changez la façon dont vous menez les réunions
Si en plus de décider de l’ordre du jour vous avez le monopole des messages descendants -vous animez, régulez, distribuez la parole, tenez le temps de la réunion, répondez aux questions…-, alors vous ne laissez que peu de place à l’intelligence collective et à l’autonomie de l’équipe. Commencez par distribuer les rôles que vous tenez lors d’une réunion (ordre du jour, animation, gardien du sens, du temps…). Laissez choisir qui fait quoi en imposant un roulement à chaque réunion. L’ordre du jour se fera en consultant tous les membres de l’équipe, manager inclus. De la sorte, d’autres dynamiques vont se créer et les sujets qui importent sur le terrain remonteront plus facilement. Vous serez également plus à même de capter les bons signaux pour prendre de meilleures décisions.
2. Soyez au clair sur les attentes de l’équipe vis-à-vis du management et du management vis-à-vis de l’équipe
Un exercice de miroir permet de construire des bases solides qui devront évoluer avec le temps. Adrien Eymard, directeur du développement durable chez Continental Automotive vient de prendre la direction d’une nouvelle équipe. Il a organisé un atelier sur les attentes et contributions de chacun. « Cela a permis d’ouvrir des discussions que nous n’avons habituellement pas. Les équipes m’ont remonté ce qu’elles attendent de moi, de mon rôle de leader et j’ai fait de même. Nous continuerons à nous ajuster pour avoir ces discussions structurantes sur la façon dont nous travaillons ensemble. Pour moi, cela a aussi permis de poser des bases de sécurité pour la parole de chacun, d’augmenter la confiance et la transparence, notamment sur nos différences », explique-t-il.
3. Co-construisez la raison d’être de votre équipe, en équipe
Pour bien faire, il vous faut dans un premier temps, identifier tous les interlocuteurs et parties prenantes de l’équipe et ce qu’ils attendent de vous. Puis, dans un second temps, vous poser collectivement la question : « Que manquerait-il à notre écosystème si notre équipe n’existait pas ? » De la sorte, vous pourrez sans mal rédiger la raison d’être de votre équipe et des rôles qui s’y trouvent. Co-construire une raison d’être, c’est construire un phare qui guide les actions, permet un engagement amplifié et facilite la confiance du management et l’autonomie des équipes.
4. Faites baisser les egos en réunion
Cet exercice un brin chronophage ne peut s’appliquer à toutes les réunions, mais peut commencer par les plus importantes. C’est à vous de juger, reste que la répétition est essentielle pour que cela fonctionne. Vous pouvez, par exemple, commencer en posant une règle d’accueil et de non jugement, en débutant par une minute de silence, ou encore en faisant un « état des lieux » des participants pour savoir dans quel état d’esprit ils abordent ce moment privilégié. Une autre méthode consiste à laisser une chaise vide qui représente la raison d’être et s’y asseoir à tour de rôle pour partager son ressenti. C’est l’occasion de s’assurer si l’équipe va dans la même direction et laisser à chacun l’opportunité de soulever des axes de progrès.
5. Développez la culture du feedback à différents niveaux
Le feedback est indispensable pour ne pas avancer dans le noir et s’ajuster en permanence. Chez Vivobarefoot, une équipe de facilitateurs collecte du feedback auprès de toute l’organisation. Cela permet de détecter ce qui fonctionne bien, ou au contraire, les blocages, les tensions, le sur-stress… Des moments de feedback constructifs en duo sont encouragés, avec la particularité de se parler souvent dans la nature, sans aucun écran. Selon le cofondateur Galahad Clark, le but est de faciliter tout à la fois le dialogue, l’écoute ou encore le partage de problématiques. Une technique qui porte visiblement ses fruits puisqu’entre janvier 2020 et janvier 2022, l’indice de bien-être de leurs talents a augmenté de 36 %.
6. Prenez quelques minutes à la fin de chaque réunion pour travailler la réflexivité en équipe
Les collaborateurs de Vivobarefoot sont invités à développer leur conscience de soi et la conscience collective, tout en analysant comment cela impacte leur écosystème au sens large. Individuellement et collectivement, ils sont donc amenés à se demander : « Me suis-je senti écouté ? », « Pouvons-nous réellement faire part de nos doutes et difficultés ?», « Portons-nous des masques ? » « Osons-nous montrer nos vulnérabilités et dire “je ne sais pas” ou partager nos inquiétudes ? » et bien plus encore. Le déroulé suppose de prendre quelques minutes individuellement par écrit, avant de partager les réponses en sous-groupes de deux personnes au reste de l’équipe dans un second temps.
7. Écoutez toutes les voix… dont celle de la planète
D’autres équipes vont jusqu’à écouter les « voix » de la Terre, des limites planétaires et de la société au sens large. Chez Mustella, entreprise spécialisée dans les soins du nouveau-né, la décision a été prise en 2021 d’arrêter les lingettes pour bébé à horizon 2027, ce qui représente pas moins de 20 % de leur CA. Leur motivation ? « Il n’est pas acceptable de proposer à des enfants qui viennent de naître un produit qui compromet leur futur », indique la directrice générale du groupe Sophie Robert-Velut. À « visée régénérative », les entreprises comme Mustella qui font du vivant un membre à part entière de leur Codir, ont une vision forte de la soutenabilité de leur activité. Elles incluent ainsi l’aspect environnemental et social dans leurs prises de décision.
8. Évoluez vous-même pour monter en régime
Votre rôle et votre posture sont essentiels pour que cette démarche de changement puisse véritablement voir le jour. Vous pouvez notamment interroger :
- Votre rapport au pouvoir et au contrôle : à quel point faites-vous confiance à vos équipes dans leurs prises de décision quotidiennes ?
- Votre niveau d’écoute : êtes vous pleinement présent lorsque vous écoutez ou pensez-vous à ce que vous allez répondre ? Faites-vous attention aux signaux non-verbaux ?
- Vos représentations mentales : cela consiste à revoir et questionner nos croyances, les « vérités » qui sous-tendent nos pensées, en créant des espaces collectifs pour développer un nouveau type de discernement.
- Votre vision de l’échec : elle mérite d’être considérée comme une façon d’avancer. Ne vous réfugiez pas dans le contrôle au moindre souci, mais privilégiez la méthode des petits pas : testez des pratiques, observez ce qu’elles produisent et itérez selon.
- Votre degré de patience : nous sommes (mal)habitués à des résultats quasi immédiats. Les évolutions de leadership prennent du temps et sont parfois le travail de toute une vie…
- Votre singularité : LA solution toute faite et réplicable n’existe pas. Il est important de travailler sur soi et de s’ouvrir à d’autres façons de faire pour parvenir à la sienne.
Dans la nature, la direction prise par une nuée d’oiseaux n’est pas celle de quelques-uns au centre, mais de ceux basés aux extrémités qui captent directement les changements de l’environnement extérieur. De même que le cerveau n’est pas le seul aux commandes pour diriger l’être humain. Écouter plusieurs voix est donc une propriété de la nature depuis des milliards d’années. N’est-il pas sage de faire confiance à des modes d’organisations qui font leur preuve depuis si longtemps ? Voir nos sociétés comme un système vivant et non plus seulement comme des machines me semble une belle voie à explorer pour nous diriger, lentement mais sûrement, loin des pyramides.
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Article rédigé par Anaïs Vega et édité par Clémence Lesacq et Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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