Mort du vendredi en entreprise : quelles initiatives pour lui redonner vie ?

27 may 2024

5 min

Mort du vendredi en entreprise : quelles initiatives pour lui redonner vie ?
autor
Paulina Jonquères d'Oriola

Journalist & Content Manager

colaborador

Bureaux désertés et productivité en berne : le combo mortel pour enterrer définitivement le vendredi au travail ? Face à ces défis, de nouveaux concepts débarquent pour réenchanter la fin de semaine.

« Aux États-Unis, l’immobilier de bureau victime des vendredis », titre Le Monde dans un article du 8 avril 2024. Malgré une économie sémillante, nos comparses américains peineraient à redonner vie à l’immobilier d’entreprise Outre-Atlantique, particulièrement les vendredis. En effet, seulement 30 % des bureaux seraient occupés en ce jour, mardi étant le jour le plus chargé. « C’est fou, s’est exclamé l’homme d’affaires Barry Diller le 4 avril sur la chaîne CNBC, mais nous allons sensiblement vers une semaine qui ne sera pas forcément de quatre jours, mais où le vendredi sera à la maison. Il faut organiser ce chaos. »

Dans l’Hexagone, même constat : le quartier de la Défense fait grise mine en fin de semaine. Seuls quelques irréductibles continuent à arpenter sa morose esplanade. Dans un reportage diffusé sur BFM TV, on apprend que le taux d’occupation des bureaux peut plonger à 6 ou 7 % dans certaines entreprises le vendredi ! Spécialiste du télétravail, Caroline Diard, professeure-associée au sein de TBS Education, nous confirme cette tendance. « Côté employés, les lundis, mercredis et vendredis sont les jours plébiscités en télétravail. En revanche, on remarque que côté employeurs, il existe encore une défiance, surtout les vendredis où le télétravail peut être assimilé à un week-end prolongé », analyse-t-elle.

Une productivité vraiment altérée

Mais qu’ils soient en télétravail ou en présentiel, côté productivité, impossible de le nier : les employés ne sont pas des foudres de guerre le vendredi. Des chercheurs de la Texas A&M University – School of Public health ont effectivement démontré que les travailleurs sont beaucoup moins productifs en fin de journée et le vendredi. Leur article, publié dans la revue Plos One, repose sur une analyse de l’utilisation des ordinateurs. La conclusion des chercheurs ? « Les salariés ont tapé plus de mots et réalisé davantage de mouvements de souris, ont plus cliqué et scrollé tous les jours du lundi au jeudi, puis beaucoup moins le vendredi », détaille l’un des auteurs, ajoutant que les fautes de frappe sont plus fréquentes l’après-midi, surtout le vendredi.

Alors, plutôt que de s’acharner (inutilement ?) à conserver un vendredi semblable aux autres jours de la semaine, certaines entreprises ont décidé de prendre le taureau par les cornes en proposant une autre version du vendredi, plus sexy, pour redonner un coup de boost aux employés. Qu’en pense notre spécialiste des RH, Caroline Diard ? Voici un petit aperçu des nouvelles façons de concevoir le vendredi en entreprise :

Le casual friday

Si le casual friday inspire de nombreux articles ces derniers mois, il ne s’agit pourtant pas d’une totale nouveauté. « Dans les années 90 est apparue dans les start-ups la mode du friday wear. À l’époque, on portait encore des costumes stricts et le fait de venir en jean le vendredi représentait en quelque sorte un sas de décompression », se souvient Caroline Diard. L’état d’esprit de cette mesure était donc de créer une ambiance plus informelle au bureau le vendredi, pour aménager une douce transition vers le week-end. La limite de la pratique aujourd’hui ? Le casual friday, côté vestimentaire… c’est tous les jours désormais, hormis dans certains secteurs encore très traditionnels comme les banques ou assurances. Reste que le concept démontre que le vendredi a comme un goût de mutinerie depuis déjà trois décennies !

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On vous en dit plus ?

Le friendly friday

Bon, on ne va pas vous le cacher, le friendly friday est une appellation non contrôlée, mais il résume bien les initiatives mises en place par certaines entreprises pour rendre le vendredi plus attractif. En l’occurrence, l’idée est d’en faire un temps dédié à la convivialité : repas d’équipe, coaching sportif, ateliers de co-développement, brainstorming… « L’objectif est de créer des moments informels qui vont vraiment donner envie aux collaborateurs de venir au bureau », analyse Carline Diard. Pour notre experte, il s’agit d’une excellente initiative pour tisser du lien entre les collaborateurs, et donner du sens à leur venue. Mais pour que cela fonctionne, mieux vaut ne pas imposer leur présence, mais plutôt attiser leur désir via une expérience vraiment différenciante. « Ce qui est important, c’est que ces rituels soient discutés en équipe. Je ne pense pas que ce soit aux RH de s’immiscer là-dedans. Cela relève plutôt d’une responsabilité managériale », recommande l’experte.

Le flow friday

Le flow friday, communément appelé focus friday, est une manière d’appréhender le vendredi en favorisant les plages de deep work. Comment ? En éliminant purement et simplement les réunions. Samuel, dirigeant d’une agence spécialisée dans le social listening, le pratique depuis quelques années. « Quand j’ai démarré les vendredis sans réunions, je ne l’ai pas officialisé auprès de mes clients. Puis, au bout de quelques mois, je leur ai demandé s’ils avaient constaté une différence. Or, ils n’en ont perçu aucune », raconte-t-il. Depuis, il a institutionnalisé ce jour sans réunion, et estime qu’il est important de sanctuariser la démarche pour qu’elle soit véritablement efficace. Les bénéfices selon lui ? Une meilleure concentration, une hausse de la motivation et de la productivité. Pour Caroline Diard, le flow friday est une bonne mesure pour gagner en efficacité. En revanche, attention à ne pas plomber la charge mentale… des autres ! « Certaines personnes envoient des emails à 18 h le vendredi, satisfaites de s’être débarrassées de leur to-do list, mais cela peut être très anxiogène pour le destinataire qui reçoit le message (et possiblement la patate chaude). La bonne pratique serait donc de programmer le message pour le lundi matin », recommande-t-elle.

Le vendredi télétravaillé

Le vendredi en mode survêtement devant l’écran ? C’est déjà une réalité pour bon nombre de salariés. Directrice d’une agence de communication, Julie télétravaille le vendredi depuis déjà huit ans. « À l’origine, c’était plus par obligation, car mes enfants finissaient plus tôt l’école le vendredi. Mais maintenant, je suis convaincue des bienfaits de la pratique. Cela me permet de finaliser ma semaine tranquillement en me projetant sur la suivante. Sans compter que je fais le shabbat, ce qui me permet de concilier ma vie pro et perso en toute liberté », explique-t-elle. Une manière pour la mère de famille de décélérer après une semaine chargée. Pour Caroline Diard, en tant qu’employeur, reste simplement à faire attention au risque d’hyperconnectivité ou de « flicage » à distance : « Certaines entreprises qui acceptent le télétravail le vendredi imposent cependant des réunions à leurs collaborateurs à 17 h. Elles sont soit-disant non obligatoires, mais cela ressemble aussi à un message caché, comme s’il s’agissait de vérifier que les salariés n’étaient pas déjà en week-end », regrette l’experte.

La semaine de 4 jours

Si le vendredi est mort en entreprise, pourquoi ne pas le rendre off ? Ce point de départ dans la réflexion, c’est justement l’un des déclencheurs de la semaine de 4 jours chez Welcome to the Jungle. Puisque nous sommes moins productifs le vendredi, autant libérer ce jour pour permettre aux salariés de gagner en bien-être global en leur accordant davantage de temps pour leur vie personnelle. Dans le paysage RH français, on retrouve aussi d’autres déclinaisons de la semaine de 4 jours, à l’image de la société Love Radius qui a adopté un modèle alternatif : le summer friday, sorte de semaine de 4 jours mais qui a lieu seulement de mai à octobre. Plébiscitée par les salariés, la semaine de 4 jours interroge cependant Caroline Diard : « Condenser le travail en 4 jours peut être un rythme difficile à tenir d’un point de vue biologique car cela suppose de ne pas diminuer le temps de travail hebdomadaire. Le modèle que les syndicats plébiscitent est celui de la semaine de 4 jours en 32 ou 28 h, payées 35 h. Bien sûr, tout le monde ou presque en rêve puisque cela suppose de ne pas s’épuiser les autres jours de la semaine pour avoir son vendredi off. Reste à en déterminer la viabilité dans un contexte de croissance molle ».

Alors, le vendredi libéré oui, mais pas à n’importe quel prix ! L’objectif étant de redonner aux employés une forme de contrôle de leur temps afin de trouver plus de satisfaction au travail – ou en dehors – et ainsi d’aborder le week-end en toute sérénité.


Article écrit par Paulina Jonquères d’Oriola, édité par Aurélie Cerffond, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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