Managers : et si ChatGPT vous aidait à « pimper » vos entretiens annuels ?

Un « long fleuve pénible ». Voici comment la philosophe et écrivaine Julia de Funès décrivait l’entretien annuel dans une chronique pour l’Express en 2023. Il faut dire que ce rendez-vous formel est fortement décrié : selon une étude menée par la plateforme de gestion de la performance Elevo, les salariés sont, en effet, 44 % à le rejeter et les non-managers sont même 55 % à le trouver inutile.

L’exercice reste, pourtant, plébiscité par 73 % des dirigeants et chefs d’équipe, qui y voient un moment clé pour valoriser les réussites individuelles, fixer des objectifs et accompagner le développement de carrière. Alors, comment rendre l’entretien annuel plus fluide et plus engageant pour les salariés ? La réponse pourrait bien venir de l’IA. Car avec ChatGPT, les managers trouvent un allié technologique capable de transformer ce bilan routinier en un temps d’échange vraiment constructif.

Quand l’IA s’invite dans la boîte à outils des managers

L’IA n’est plus seulement un outil réservé aux experts techniques. Elle s’impose notamment dans le quotidien de nombreux managers. Romain Rissoan est consultant-formateur en transformation digitale et coach en IA pour dirigeants. Il accompagne ainsi de nombreuses entreprises dans l’intégration d’outils comme ChatGPT, mais aussi Midjourney, Firefly, Copilot ou encore Heygen. « Mon travail repose encore beaucoup sur de l’évangélisation, car il subsiste de nombreuses réticences face à l’IA. Mais dans certaines entreprises, l’intégration technique des solutions est déjà bien engagée », explique-t-il. Il faut dire que les cas d’usage concrets de l’IA dans le management et la gestion des ressources humaines ne manquent pas. En recrutement, par exemple, beaucoup d’entreprises se servent déjà de ChatGPT, soit de manière simple, pour rédiger des offres d’emploi et synthétiser des notes d’entretien, soit de manière plus sophistiquée, en développant notamment des chatbots personnalisés, dédiés à la préqualification des candidatures.

Mais les solutions qu’offrent les outils d’IA ont aussi un grand potentiel dans la gestion quotidienne des talents, comme dans les tâches de suivi et d’évaluation, parmi lesquelles l’entretien annuel. À notern cependant, que de tels cas d’usage s’adressent aux utilisateurs qui ont déjà une certaine expérience avec ChatGPT. Alors si vous débutez avec l’outil, commencez plutôt par apprendre les bases : « Formez-vous au prompting, et prenez le réflexe de tester et d’ajuster en permanence pour progresser petit à petit », conseille Romain Rissoan. Une fois ces fondamentaux maîtrisés, vous serez prêt à explorer des applications plus avancées et tirer pleinement parti des capacités de ChatGPT.

Comment ChatGPT promet de réenchanter l’expérience de la revue de performance

Vers un modèle plus fluide et plus interactif

Le rejet massif de l’entretien annuel repose sur des facteurs bien identifiés. L’étude Elevo précédemment citée pointe notamment un format obsolète. Dans beaucoup d’entreprises, les évaluations sont menées sur la base de tableurs vieillots ou de questionnaires dépassés. À cela s’ajoute un rythme inadapté, avec une seule rencontre par an, soit à peine 1h-1h30 pour tout balayer, la frustration est inévitable. Heureusement, ChatGPT ouvre de nouvelles perspectives. Sans prétendre être une solution miracle, l’outil peut en effet aider à répondre à ces problématiques, d’une part, en remplaçant les outils rigides et statiques de préparation par une approche plus dynamique et personnalisée, et d’autre part, en épaulant les managers dans la structuration de leurs entretiens, pour qu’ils soient plus pertinents sans pour autant être plus longs.

Le cas d’usage concret à retenir : vous pouvez utiliser ChatGPT pour engager des conversations préparatoires avec vos collaborateurs, avant l’entretien annuel. Pour cela, il vous suffit de créer un GPT, c’est-à-dire un chatbot sur-mesure, capable d’interagir de manière ciblée avec vos équipes selon des objectifs définis à l’avance. « Ce type de modèle peut poser des questions ouvertes ou fermées, recueillir des réponses et fournir un retour instantané, exactement comme le ferait un manager ou un responsable RH lors d’une revue de performance classique », explique Romain Rissoan. De quoi déblayer le terrain, et recueillir des informations clés, pour vous permettre d’avoir des échanges plus ciblés le jour J. Certains outils peuvent même vous permettre de gamifier l’expérience pour la rendre plus engageante. « Grâce à des plateformes comme ChatGPT 4o with Canvas ou Bolt, il est possible de créer des applications ou des serious games, et ce, même sans compétences en programmation », ajoute Romain Rissoan.

Vers une évaluation plus pertinente et plus juste

Mesurer la performance d’un collaborateur est un exercice délicat, qui implique souvent d’analyser de nombreuses informations de sources et de natures différentes. Mais là encore, bonne nouvelle : ChatGPT se distingue justement par sa capacité à traiter rapidement de grandes quantités de données. L’outil peut bien sûr vous aider à analyser plus rapidement des données structurées, comme des indicateurs de performance chiffrés (nombre de ventes, nombre de tickets traités, atteinte d’objectifs spécifiques…). Mais là où il a le plus de valeur ajoutée, c’est dans l’analyse de données non structurées, comme des données qualitatives qui nécessitent une analyse plus fine pour être exploitées.

Le cas d’usage concret à retenir : « Si vous managez des commerciaux ou des téléconseillers, vous pouvez utiliser ChatGPT pour analyser leurs conversations, qu’elles soient audio ou textuelles, en vous basant sur des critères tels que la gestion des objections ou la satisfaction du client ». Même chose pour les développeurs : « ChatGPT peut analyser leur code, en mesurant des critères comme sa propreté ou son respect des standards de qualité », souligne-t-il. ChatGPT peut ainsi être utilisé ponctuellement pour préparer l’entretien annuel, mais l’idéal est néanmoins d’en faire un outil d’évaluation continue des collaborateurs, pour aller au-delà du simple échantillonnage. « On peut imaginer un système par lequel les collaborateurs reçoivent un email après chaque appel ou chaque soumission de code, avec une mini-évaluation de leur performance générée par ChatGPT », suggère Romain Rissoan. Ces retours en temps réel peuvent, selon lui, constituer un puissant levier de progression et de motivation.

Vers des échanges qui mènent davantage à des actions concrètes

Autre point de friction récurrent dans les entretiens annuels : le manque de suivi. Les échanges restent souvent sans suite et ne se traduisent pas suffisamment par des actions concrètes. Pour y remédier, ChatGPT offre des solutions intéressantes. « L’IA peut permettre d’accélérer les décisions et réduire les délais de mise en œuvre des mesures prises à l’issue de l’entretien », affirme Romain Rissoan. Comment ? En facilitant la prise de notes et la génération de comptes rendus, en créant automatiquement des rappels ou des tâches à assigner, ou encore en automatisant certaines actions comme la demande de devis pour une formation. Mais l’outil peut même aller plus loin, en facilitant la prise de décision directement pendant l’entretien.

Le cas d’usage concret à retenir : imaginez pouvoir inviter les dirigeants de votre entreprise à la table de vos entretiens annuels, pour apporter des pistes de réponses immédiates aux demandes de vos collaborateurs, en matière de formation, de mobilité professionnelle ou encore d’augmentation salariale. Eh bien avec ChatGPT, c’est possible (ou presque) : l’outil permet de créer un “digital twin”, c’est-à-dire une réplique virtuelle d’un individu ou d’un groupe, capable de simuler ses réactions. « Concrètement, ce digital twin peut permettre de compléter les réponses du manager ou du responsable RH qui mène l’entretien, pour apporter de premiers éléments de réponse aux demandes des collaborateurs, et leur éviter ainsi d’attendre des semaines, voire des mois avant d’avoir un retour », précise Romain Rissoan. Si l’idée peut sembler futuriste, son potentiel pour révolutionner les entretiens est indéniable.

Un outil à utiliser avec prudence, mais sans hypervigilance

ChatGPT n’est toutefois pas infaillible. Nous avons tous fait l’expérience de ses réponses peu nuancées ou imprécises. Il est donc essentiel de garder du recul sur ses résultats. Pour cela, veillez à adopter une approche expérimentale : testez, ajustez et itérez sans cesse pour affiner vos prompts et tirer le meilleur parti de ChatGPT. Mais surtout, gardez à l’esprit que l’IA reste un assistant. Les décisions finales doivent toujours reposer sur votre jugement et votre expertise.

Malgré ses imperfections, Romain Rissoan observe, toutefois, que ChatGPT est souvent bien accueilli par les équipes. « Les salariés sont généralement plus enclins à accepter les faiblesses d’un outil en développement, comme l’IA, plutôt que celles de méthodes qu’ils jugent dépassées, comme les tests ou formulaires d’évaluation classiques », note-t-il. Mais attention, pour que ces outils soient bien acceptés, il est essentiel de garantir que les évaluations reflètent fidèlement les contributions des collaborateurs. Cela passe par une démarche proactive : recueillir régulièrement leur feedback, accueillir leurs critiques avec ouverture et ajuster le processus en conséquence pour renforcer leur confiance. Enfin, une communication pédagogique est clé. Expliquez clairement que l’IA ne remplace pas l’expertise humaine, mais vient la compléter.

Pour finir, quid de la sécurité ? L’utilisation de ChatGPT dans la préparation des entretiens annuels est-elle compatible avec les enjeux de protection des données confidentielles et de RGPD ? Romain Rissoan se veut rassurant sur la question : « ChatGPT n’a pas pour vocation à utiliser les données qui lui sont fournies à des fins autres que celles liées à l’interaction, et les craintes sur le sujet sont plutôt exagérées. » Il serait donc, selon lui, fort regrettable de passer à côté du potentiel transformateur de l’IA par excès de prudence !

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Article rédigé par Ingrid de Chevigny et édité par Clémence Lesacq, photo par Thomas Decamps.