Création d’entreprise : ce que j’ai appris lors de ma formation France Travail

30. 10. 2024

6 min.

Création d’entreprise : ce que j’ai appris lors de ma formation France Travail
autor
Romane Ganneval

Journaliste - Welcome to the Jungle

přispěvatel

Pour donner vie à mon projet entrepreneurial, j'ai décidé de suivre la formation de France Travail pour la création d’entreprise. Cette expérience m’a permis d'explorer les étapes clés pour monter ma structure tout en rencontrant d'autres futurs entrepreneurs. Je vous raconte.

Après presque dix ans à savourer les joies (et les aléas) du salariat, j’ai décidé de franchir le pas : me lancer à mon compte. Bien sûr, à force d’en discuter autour de verres avec des amis, j’avais déjà anticipé certaines difficultés : l’irrégularité des revenus, l’angoisse de prospecter quand on n’a pas l’âme d’une vendeuse, et surtout le casse-tête administratif des déclarations fiscales, toujours un terrain miné… Oui, si une erreur de paperasse peut sembler insignifiante pour celles et ceux qui maîtrisent les rouages du système, pour moi, c’est une source de panique. À chaque doute, je ferme les yeux pour essayer de me détendre, mais aussitôt, mon esprit vagabonde vers des scénarios de trop-perçu, de déclarations bancales ou de paiements en retard. Je dois avouer que ces dernières semaines, j’ai presque perdu le sommeil. Alors, quand mon conseiller chez France Travail m’a proposé une formation pour apprendre à gérer mon activité comme une pro en deux heures, je n’ai pas hésité. J’étais impatiente de m’asseoir, d’écouter des experts et de bâtir un plan solide.

Le jour J, j’entre dans l’agence France Travail où je suis inscrite depuis deux mois, et on me guide vers une petite salle en sous-sol. À peine installée, je suis assez surprise par le profil de mes compagnons de route. Je m’étais imaginée entourée de trentenaires un peu déçus du salariat, mais je constate que la plupart des participants ont la quarantaine bien entamée et semblent enthousiastes à l’idée de se lancer à leur compte. Les deux formateurs, quant à eux, sont chaleureux. Hugo, de l’association la Ruche, parle avec passion des entrepreneurs engagés qui souhaitent changer le monde, tandis que Louis (1), conseiller à France Travail depuis une décennie, témoigne de son expertise et nous parle des dispositifs qui pourraient nous aider à transformer nos rêves en projets concrets.

« Pour moi, être entrepreneure, c’est synonyme d’insécurité »

Quand chacun présente son projet, je découvre que ma voisine, une Anglaise d’une soixantaine d’années, a élaboré une méthode d’apprentissage de l’anglais centrée sur la conversation. Devant l’assemblée, elle exprime ses doutes avec une sincérité touchante : « Me lancer à mon âge, et sans la nationalité française, c’est très compliqué, avoue-t-elle. Après, je sais que je n’ai pas choisi la voie la plus simple en travaillant avec des enfants. Si je suis venue aujourd’hui, c’est parce que j’aimerais vraiment qu’on m’aide dans mes démarches. » À côté de nous, une femme aux cheveux rouges à la retraite depuis un an rêve d’ouvrir une boutique pour exposer les bijoux qu’elle fabrique, bien qu’elle soit consciente des défis que cela implique. « Pour moi, être entrepreneure, c’est synonyme d’insécurité, reconnaît-elle. Mais c’est aussi la seule manière de réaliser quelque chose qui me tient à cœur depuis longtemps. »

De l’autre côté de la salle, les profils se révèlent tout aussi éclectiques. Un ingénieur de trente-cinq ans, spécialisé dans l’intelligence artificielle, vient de quitter son emploi pour proposer ses services aux entreprises, désireux de leur développer des IA sur mesure. Déjà bien informé des dispositifs à sa disposition, il a sollicité l’aide à la reprise et à la création d’entreprise.) (Arce), qui lui permet de recevoir en deux versements 60 % de son allocation chômage. Il a également demandé l’aide aux créateurs et repreneurs d’entreprise (Acre) à l’Urssaf, qui lui garantit un taux préférentiel pour le calcul de ses cotisations et contributions sociales pendant un an. À ses côtés, un homme à la retraite, qui vient de recevoir une licence de VTC, nourrit un projet audacieux : exporter de l’alcool vers l’Amérique latine. « Je suis ancien dirigeant d’entreprise, explique-t-il. Si je suis ici, c’est que toutes les démarches et lois ont évolué depuis ma dernière activité, et je ne veux surtout pas commettre d’erreur, car ça peut coûter cher. » Pour clore le panel, une artiste plasticienne partage son rêve d’ouvrir une boutique-atelier, un jeune homme se projette dans une entreprise de location de voitures, tandis qu’un autre d’une quarantaine d’années, créateur d’une marque de parfum et de vêtements sur Instagram, aspire à franchir un nouveau cap.

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Les étapes essentielles d’un projet entrepreneurial qui se tient

Le cours peut enfin commencer. « Alors, selon vous, quelles sont les étapes à suivre pour lancer son activité ? », demande Hugo, l’un de nos instructeurs, avec une assurance qui met en confiance. À ma grande surprise, la plupart des participants évoquent le business plan) avant même de parler de l’idée ou du produit qu’ils souhaitent vendre. Hugo commence à énumérer les phases clés : d’abord, il faut avoir une idée, puis étudier le marché, prototyper et tester son offre, la structurer en fonction des retours, et déterminer le fonctionnement de sa structure pour limiter les coûts. Enfin, il faudra établir un business plan, une étape certes cruciale, mais loin d’être la première. Les futurs entrepreneurs hochent la tête, mais je sens une tension dans l’air ; ces termes, bien que familiers, sont intimidants.

Pour apaiser les esprits, le conseiller de France Travail nous pose une question simple : « Que veut dire “étudier un marché” ? ». Alors que certains d’entre nous parlent de la prospection chez des concurrents, Hugo souligne l’importance de définir un « territoire ». L’intervenant de La Ruche nous offre quelques pistes précieuses : il faut déterminer un espace physique ou un secteur d’activité bien spécifique pour comprendre ce qui est déjà proposé, identifier ce qui fonctionne et ce qui fait défaut, et réfléchir à la manière dont nous pouvons nous démarquer de la concurrence. Il nous rappelle aussi d’examiner les prix du marché et d’identifier d’éventuels partenaires qui pourraient nous aider à développer notre offre. Enfin, il insiste sur l’importance d’évaluer nos propres forces et faiblesses dans ce territoire, un exercice qui peut s’avérer révélateur et déterminant pour notre avenir entrepreneurial.

La réalisation de son persona, un oublié fondamental

Ensuite, il est important de comprendre sa cible et d’anticiper ses besoins. « Il faut toujours garder en tête que le principal motif d’échec dans la création d’entreprise, c’est l’absence de besoin », souligne le spécialiste de l’accompagnement d’un ton presque solennel. Encore une fois, il nous guide en énumérant la marche à suivre. Pour agir comme un véritable professionnel du marketing, il est essentiel de connaître les désirs et les attentes de nos potentiels clients, ce qu’ils aiment et ce qu’ils rejettent. Pour cela, il faut sortir de sa zone de confort et aller à la rencontre des personnes à qui nous souhaitons nous adresser ; c’est la seule manière de comprendre comment leur parler et à quel moment. Mais c’est aussi une opportunité précieuse pour cerner le besoin réel et le vide que nous avons perçu.

Pour y parvenir, nous sommes encouragés à créer notre « persona », un terme marketing qui désigne un personnage semi-fictif, ou un avatar, représentant un groupe de personnes partageant la même problématique vis-à-vis de notre offre. En d’autres termes, c’est notre cœur de cible, la personne qui est la plus susceptible d’être intéressée par nos produits ou nos services. En l’élaborant, je réalise que c’est un exercice qui demande une certaine introspection, mais qui promet de rendre notre approche bien plus pertinente et efficace.

Autour de moi, les questions fusent, illustrant l’inquiétude ambiante. « Comment faire son persona si les gens ne répondent pas honnêtement ? », s’interroge le designer de vêtements. La créatrice de bijoux et la professeure d’anglais partagent cette crainte. L’instructeur de la Ruche répond que la première étape se fait seul, lorsque l’on pose notre client idéal sur papier. Ce n’est qu’ensuite que l’on passe aux questionnaires. Pour garantir des résultats fiables, il faut les diffuser à un large public sur Internet, tout en veillant à limiter le nombre de questions. Une approche à la fois pragmatique et stratégique, même si elle nécessite une certaine audace.

Des questions qui restent sans réponses

Les autres étapes défilent sur le PowerPoint qui est projeté depuis le début du cours, sans que nous puissions hélas approfondir chaque sujet. Quand l’atelier touche à sa fin, un dernier point est soulevé : il est essentiel de se faire accompagner par des professionnels. Certains participants commencent alors à partager leurs préoccupations, que ce soit sur le choix du type de structure ou des questions comptables. D’autres évoquent les formations incluses dans le CPF et les bilans de compétences.

Si le temps manque pour entrer dans les détails, il ne faut pas oublier que cet atelier n’est qu’une première approche, un aperçu rapide de ce que signifie « entreprendre » et diriger une boîte. Il permet de comprendre que se lancer ne se fait pas en un claquement de doigts et nécessite une réflexion plus profonde. Bien sûr, il ne peut remplacer des formations plus poussées, comme celles proposées par Sciences Po, l’Institut Français du Leadership Positif, ou encore des associations telles que La Source. Après, les encadrants sont formels, pour aller plus loin, le terrain reste la meilleure des écoles ; confronter ses idées aux réalités professionnelles est indispensable pour tout futur décideur.


(1) Le prénom a été modifié
Article écrit par Romane Ganneval, édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ