Une semaine 100% focus : « J’ai arrêté de multitasker pour gagner en productivité »

13. 6. 2024

8 min.

Une semaine 100% focus : «  J’ai arrêté de multitasker pour gagner en productivité »

Répondre à ses mails pendant une réunion, faire sa liste de courses discrètement pendant que notre manager nous briefe sur un gros sujet… c’est un peu notre quotidien à tous. Cela s’appelle le « multitasking », soit le fait d’effectuer plusieurs tâches en même temps. Incontournable à notre époque hyper-connectée, mais véritable gouffre pour la concentration et la productivité, je me suis demandé s’il était possible de le bannir de ma vie.

Le terme « multitasking » apparaît pour la première fois en 1965 dans un article de l’entreprise IBM pour décrire les capacités du tout premier ordinateur jamais créé : l’IBM System/360. D’abord utilisé dans le domaine de l’informatique, le terme « multitasking » a ensuite été employé pour décrire notre habitude à faire plusieurs tâches en même temps, comme par exemple, suivre un film en jouant à un jeu sur son téléphone tout en faisant des pauses pour aller sur Instagram régulièrement. Favorisé par les écrans, aujourd’hui personne n’y échappe, pas même moi ! Je peux écrire cette chronique, écouter le titre « What’s Up » des 4 Non Blondes, et entre deux couplets, lire un mail de mon collègue. Or, si les ordinateurs n’ont aucun mal à traiter plusieurs tâches en même temps, ce n’est pas notre cas en tant qu’être humain.

En effet, les neurologues français Étienne Koechlin et Sylvain Charron, du Laboratoire de neurosciences cognitives de l’Inserm, ont prouvé cliniquement par imagerie médicale qu’il est impossible pour le cerveau d’effectuer plus de deux tâches en même temps. En plus de cela, le multitasking nous ferait perdre 20 à 50% d’efficacité sur une tâche simple. Le cerveau est incapable de gérer une telle abondance d’informations. Pour enfoncer le clou, notre QI en prendrait aussi un coup, en s’éparpillant de manière inutile : 10 points en moins (pour Gryffondor !), soit l’équivalent d’une nuit blanche ou d’un joint de cannabis. Et le pire dans tout cela, c’est qu’il est de plus en plus difficile d’y échapper. Avec le développement des smartphones et des réseaux sociaux entre autres, la possibilité de faire plusieurs choses à la fois et l’abondance d’informations s’imposent à nous.

Alors, pour préserver mon cerveau ainsi que mon QI, j’ai voulu jouer le jeu en faisant le test du No-Multitasking pendant une semaine avec pour règle d’or : me contenter de ne faire qu’une seule tâche à la fois. Voici mon retour d’expérience.

Première étape : se fixer des règles !

Je me suis fixée quelques règles pour me mettre dans des conditions optimales et relever ce défi. Elles doivent me permettre de ne pas être dérangée, de me couper de toute cette sollicitation digitale, ainsi que de mieux m’organiser, moi, - pur produit de la génération Z hyper-connectée -, sur mon temps de travail.
Voici donc mes commandements pour ce test :

  • Couper le téléphone et le mettre en mode « concentration ».
    Pour ce faire, il suffit de régler les paramètres de son téléphone pour l’activer pendant une durée déterminée (une heure par exemple). Cela peut aider à fixer des plages de travail.

  • Couper les notifications de la messagerie de boulot (Slack / Teams) pendant un temps déterminé.

  • Mettre son statut à jour sur sa messagerie interne en se déclarant « indisponible » avec un émoji adéquat et un petit mot qui indique que vous êtes concentré(e). Ainsi, cela coupera toutes sources de distractions et d’interruptions.

  • Éviter d’écouter de la musique. Si avoir un casque ou des écouteurs sur les oreilles permet de s’isoler du monde extérieur et d’être dans sa bulle, les paroles des chansons peuvent provoquer des distractions. Tout comme le fait de regarder son téléphone pour changer de chanson.

  • S’isoler dans une pièce seul(e), sans distraction et sans bruit autour de soi.

  • Faire son planning de la journée pour ne pas se laisser déborder en prévoyant bien le temps que va prendre chaque tâche.

Le Test

Une fois ces règles établies, j’ai, chaque matin, organisé mon temps de travail selon les tâches que j’avais à faire et élaboré ma to-do list en fonction des priorités de mon équipe.

Jour 1 : La première chose que j’ai faite a été de mettre à jour mon statut sur Slack pour informer mes collègues et ma manager de mes phases de concentration afin de ne pas être dérangée. Puis, j’ai pris connaissance de mes tâches du jour pour organiser ma journée dans une to-do list complète. Ce qui m’a frappée dès le début de la journée, c’est à quel point on retrouve vite ses facultés de concentration quand on n’est pas dérangé. C’est peut-être naïf de dire cela ainsi, mais l’effet était presque immédiat. D’ailleurs, j’ai tellement été absorbée par mon travail que j’en ai oublié de faire une pause pour souffler. Sur les rotules dès la fin de la matinée, j’ai décidé à ce moment-là d’adapter les règles pour le lendemain en prévoyant des petites pauses obligatoires, histoire de ne pas réitérer. Dans l’ensemble, j’ai appliqué les règles très vite, mais le plus dur a été de me « séparer » de mon téléphone pendant ces temps de travail par peur de manquer des messages, des infos, de ne pas regarder mes réseaux sociaux.

Jour 2 : Pour le deuxième jour, j’ai repris mes habitudes de la veille : mise à jour du statut Slack, to-do list et au travail ! Je me suis rapidement rendu compte que j’avais moins tendance à chercher la connexion numérique que la veille. Là où j’avais des difficultés à laisser mon téléphone de côté et à regarder mes notifications lors du jour 1, cette fois-ci, je m’en suis passé facilement. Mieux encore, j’ai mis le mode concentration qui m’a permis pendant plusieurs heures de n’être jamais dérangée. Finalement, en fin de matinée et jusqu’à la fin de la journée, je n’ai pas ressenti autant de fatigue que la première journée.

Jour 3 : Télétravail. S’il y a bien un endroit pour moi où il est difficile d’avoir une réelle discipline de travail, c’est chez moi, mes deux années de fac en pleine pandémie mondiale ayant laissé des séquelles sur ma discipline. Pour le bon déroulement de ce test, je me suis fait violence. J’ai démarré avec un chocolat chaud et n’ai pas perdu les bonnes habitudes de la veille : to-do list, notifications coupées et tutti quanti. De mon point de vue, la maison est un endroit de repos et non de travail, c’est pour cela que je préfère habituellement aller au bureau. Bien qu’il soit agréable de travailler depuis son lit ou son canapé avec un petit plaid, il m’est plus difficile de me mettre dans une vraie ambiance de travail. Mais cela reste propre à chacun. Malgré tout, j’ai pu appliquer mes règles de la même manière que les deux derniers jours. Mais si la fatigue n’était pas bien élevée, la productivité et la concentration, elles, ont décidé de faire la grasse matinée. Dans l’ensemble, ça n’a pas été une journée aussi productive que je l’aurais espéré. Pour moi, le changement d’environnement peut favoriser une déconcentration partielle voire totale malgré les règles strictes que je me suis fixées.

Jour 4 et 5 : Ces deux dernières journées ont suivi leur cours. J’ai appliqué les règles très simplement et le rythme a été tenu jusqu’à la fin de la semaine. Comme pour les premiers jours, mon téléphone est resté loin de moi tout comme mon casque. Les règles sont rentrées sans souci dans mon quotidien. Ce test s’est donc achevé sur une note positive.

Bilan du test

À l’issue de cette semaine de test, le bilan est plutôt positif.
Récap’ des règles que je vais garder et celles que je n’appliquerais que pour des occasions spécifiques.

Ce que je garde :

  • Tout d’abord, le téléphone en mute. Tel un membre de notre famille, il s’incruste à table, se glisse facilement dans notre paume et s’accroche à notre main « tel un sixième doigt », comme me le disait mon professeur d’histoire. D’après une étude de l’INSEE en 2021, 94% des 15-29 ans possèdent un smartphone et passent environ 3h30 par jour devant leur écran.

Pourtant, même pour moi qui ai du mal à me séparer de mon cellulaire, ce test m’a considérablement aidée à ne plus regarder mon téléphone toutes les 5 minutes. Un bénéfice que je souhaite à tout le monde d’expérimenter. Surtout que ce changement s’opère avec plus de facilité qu’il n’y paraît. Pour certains aspects il est mieux de s’en passer, cependant quand vous avez une urgence professionnelle ou familiale, rien ne vous empêche de garder votre téléphone près de vous exceptionnellement pour répondre au plus vite. En dehors de ces exemples, ne pas regarder mon téléphone aussi souvent qu’avant ne m’a pas particulièrement manqué, à ma bonne surprise. Seuls moments où j’ai craqué ? Ma journée en télétravail ou j’ai été moins assidue qu’au bureau. Mais outre cet écart, à aucun moment je n’ai regardé mon portable en dehors des pauses que je m’étais fixées. Et si les pauses scroll sont prévues par plage dans 5 minutes dans le planning de la journée, il n’y a pas mort d’homme ! Et votre concentration vous remerciera grandement.

  • Il en est de même pour la musique. Le simple fait d’écouter de la musique ne permet pas de bien se concentrer (on se rappelle que le cerveau peut à peine se concentrer sur deux tâches à la fois). Vous imaginez, avoir une petite voix qui chante dans vôtre tête, pendant que vous essayez de formuler vos phrases ou de réfléchir à votre planning ? Difficile de s’entendre penser. Encore plus quand on se retrouve à passer plusieurs minutes à trouver la musique « parfaite » pour nous accompagner dans notre concentration et donc… faire appel à son téléphone. C’est un cercle vicieux qui n’en finit jamais. Et puis le simple fait de s’ouvrir au monde en délaissant son casque ou ses écouteurs ne fait pas de mal non plus. Si le bruit de l’open space vous gêne réellement, les boules Quies sont disponibles en pharmacie. Je garde aussi cette règle pour mon confort personnel (et mieux préserver mes oreilles). Ce test m’a permis de constater qu’à la longue, le casque sur les oreilles peut provoquer une certaine gêne et une fatigue.

Cependant, il s’est montré assez nécessaire lorsque j’avais des petites baisses de motivation, notamment en télétravail (alors que l’on peut en plus écouter la musique sur une enceinte). Les musiques pop sont un bon moteur et dynamisantes… mais gare aux paroles pour accompagner les tâches qui demandent à écrire. Ma préférence personnelle va à la musique classique qui a des vertus relaxantes. Je vous recommande chaudement les quatres saisons de Vivaldi (surtout le printemps !)

  • Une autre règle que je garde avec plaisir, c’est la mise à jour du statut sur la messagerie interne en « ne pas déranger », couplée avec les notifications en « mute ». Une fois que ma to-do list et que les réunions avec mon équipes sont passées, je n’avais plus qu’à rentrer dans un tunnel de travail, libérée de toute interruption. Le bémol en revanche, c’est que j’avais, moi aussi parfois besoin de solliciter des collègues pour obtenir certains fichiers ou informations au cours de la journée… et donc de replonger dans ma messagerie interne et résister à la tentation d’aller consulter tous les messages publiés sur des canaux qui me concernent moins. Outre cet exemple, c’est une règle que je pourrais tout à fait mettre en place tous les jours. Petit conseil : vous pouvez aussi paramétrer votre messagerie interne pour ne recevoir que les notifications des messages qui vous concernent directement, ou vous prévoir une plage de cinq minutes par heure pour aller vérifier les messages reçus.

  • Enfin, une des règles qui m’a le plus aidée a été de construire mon planning en début de journée pour jouir d’une vue d’ensemble. Je garderai donc l’habitude d’écrire mes tâches sur un carnet, pour l’avoir toujours dans mon champ de vision. Prévoir ma to-do list avec des créneaux pour chaque mission m’a aidée à ne pas me retrouver avec des moments de creux, mais surtout à ne pas m’encombrer l’esprit en me demandant chaque heure : « qu’est-ce que je dois faire déjà maintenant ? Ah oui, j’ai ça et ça et ça ! » Le meilleur moyen pour s’éparpiller et mener simultanément toutes ses tâches.

Ce que je ne garderai pas ou peu :

L’unique règle que je n’appliquerai pas, sauf en cas de besoin, c’est l’isolement seule dans une pièce. S’il permet en théorie une concentration accrue, dans la pratique, cela peut devenir anxiogène sur une journée complète. À ne conserver qu’en cas de force majeure, quand il y a besoin d’un grand moment de concentration pour préparer un entretien ou une présentation par exemple.

Au-delà de réaliser à quel point être multi-tâche jouait sur ma productivité, j’ajouterais que mon niveau de fatigue a considérablement baissé une fois que je me suis approprié les règles du test. Cette semaine m’a montré l’importance de limiter les distractions numériques pour mieux préserver mon efficacité… et mon bien-être mental.

Article rédigé par Marguerite Valiere, édité par Gabrielle Predko, photo par Thomas Decamps.

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