Entretien d’embauche : 7 conseils de recruteurs pour se démarquer
Jun 17, 2024
6 mins
Selon la théorie de l’entrepreneur et marketeur américain Seth Godin, introduire une vache pourpre dans nos créations permettrait de nous différencier du troupeau monochrome. Se rendre déguisé en vache colorée en entretien d’embauche n’étant à priori pas la meilleure idée, comment se distinguer des autres candidats en lice pour un poste ? Dans un contexte où tout le monde souhaite marquer les esprits et où chaque recruteur est unique, est-il seulement possible de faire une plus grande impression ?
« Dans un monde utopiste où toutes les entreprises seraient formées au recrutement, les candidats n’auraient pas besoin de se différencier puisqu’ils seraient sélectionnés selon leurs compétences, hard et soft skills », entame Léo Bernard, formateur en recrutement.
Sauf que voilà : les recruteurs ne se départissant pas forcément de leur subjectivité, la nécessité de se démarquer reste bien présente et peut clairement jouer positivement dans la balance au moment de ne retenir qu’un candidat. « On demande au recruteur de ne pas être biaisé, mais en tant que candidat, c’est presque l’inverse qui s’opère : il s’agit de jouer sur les leviers que l’on sait impactants pour le recruteur », poursuit notre expert. Ce peut être un humour similaire, une discussion fluide, une attention que d’autres n’auront pas… L’objectif est d’autant plus atteignable que, si la plupart des candidats désirent se démarquer, peu font l’effort de créer ce petit plus.
Et pour cause, il peut être difficile de savoir quelle carte jouer. « Les candidats doivent trouver le moyen de capter l’attention des recruteurs, alors même qu’ils ne savent pas exactement quels critères seront prioritaires aux yeux de leur potentiel futur employeur, ni à quelles personnes ils seront comparés. Cet exercice est loin d’être facile ! », rappelle Céline Méchain, DRH freelance.
Mais pour Marie-Sophie Zambeaux, consultante et conférencière en recrutement, inutile de miser sur du spectaculaire. « L’idée n’est pas de créer un effet “waouh” époustouflant, mais plutôt la petite différence qui nous rendra assez impactant pour rester dans l’esprit du recruteur, de lui laisser penser que l’on pourrait déjà faire partie de l’équipe », temporise-t-elle.
Mais comment trouver la bonne façon de faire mouche ? Entre attentions cohérentes et adaptées, nos trois experts vous livrent leurs conseils pour terminer dans la liste des chouchous du recruteur.
Conseil n°1 : glissez-vous dans la peau d’un enquêteur
Pour ne pas vous rendre à l’entretien à l’aveugle, renseignez-vous sur les salariés de l’entreprise via LinkedIn, le site de l’entreprise et les sites de carrière : c’est une étape cruciale de la différenciation. « Étudiez les parcours professionnels des salariés, surtout de ceux qui pourraient être vos collègues directs, pour identifier des points communs tels que des expériences de travail similaires, des formations partagées ou des compétences identiques… ou au contraire, cela peut permettre d’identifier ce que vous apporteriez pour compléter le groupe en place », glisse Céline Méchain. Toutes ces informations glanées pourraient constituer des wagons à raccrocher le jour de l’entretien. « Les entreprises ont malheureusement tendance à vouloir embaucher des clones, cela a un côté rassurant. L’une des premières craintes en recrutement est l’erreur de casting, or quelqu’un qui a la même formation, la même expérience ou les mêmes hobbies est plus rassurant », constate Marie-Sophie Zambeaux. Et au passage, profitez-en pour brosser le recruteur dans le sens du poil (sans trop en faire non plus). « Un recruteur est un être humain, et il est toujours appréciable de rencontrer un candidat qui s’est renseigné sur lui et qui valorise son travail* », ajoute Léo Bernard.
Conseil n°2 : imprégnez-vous de la culture d’entreprise
Avant l’entretien toujours, essayez de visualiser la culture de la boîte que vous visez. Connaître les grandes lignes de son histoire constitue déjà un vrai plus. « Il y a deux écoles sur ce point. La plus traditionnelle considère qu’un manque de connaissances sur l’entreprise est rédhibitoire en entretien. L’école nouvelle, quant à elle, a conscience que cela ne fait pas tout et qu’un bon candidat peut être passé à côté d’une information clé, sans que cela ne remette en cause la qualité de son profil et sa motivation », affirme Marie-Sophie Zambeaux. Autre astuce : attardez-vous sur le « tone of voice » de l’entreprise, à travers sa communication ou les prises de parole de ses salariés sur leurs réseaux professionnels. « Il s’agit de la manière dont une boîte parle d’elle-même : elles peuvent adopter un ton très corporate, institutionnel, décalé… C’est un très bon indicateur pour un salarié, non seulement pour savoir si l’entreprise lui plaît, mais aussi pour incarner le candidat idéal, en réutilisant certains mots-clés et/ou expressions utilisées », affirme Léo Bernard. Captez le ton, certaines expressions et ressortez-les subtilement au cours de l’entretien : l’idéal pour créer un sentiment d’évidence, comme si vous aviez toujours été là !
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Conseil n°3 : basez-vous sur la science
Malgré leurs efforts d’objectivité, les recruteurs n’échappent pas aux biais cognitifs, ces raccourcis de pensées faussement logiques qui peuvent nous induire en erreur. Or, vous pouvez malgré tout en jouer pour tenter de tirer votre épingle du jeu parmi la foule des candidats. À commencer par le biais de primauté. « Nous nous souvenons mieux des derniers candidats rencontrés et donc des dernières informations engrangées. À compétences égales, nous aurons tendance à privilégier et à préférer le dernier bon candidat rencontré uniquement pour la simple – et non bonne – raison que nous l’avons récemment rencontré et que nos échanges et interactions avec lui sont plus frais dans notre mémoire et notre esprit », confie Marie-Sophie Zambeaux. Si le recruteur vous offre le choix de programmer votre rendez-vous, tentez donc de viser le premier entretien ou le dernier, mais évitez le « ventre mou » des entretiens, où vous serez statistiquement moins mémorable. Sans compter le biais d’extraordinaireté qui se traduit par un effet « wahou » face à une compétence rare ou une expérience hors du commun, l’effet de simple exposition qui améliore l’impression du recruteur envers une personne qu’il a déjà rencontrée auparavant, ou encore le biais d’appartenance qui se manifeste par la tendance à préférer les candidats auxquels les recruteurs s’identifient via le partage de points communs.
Conseil n°4 : soignez votre présentation
C’est tristement basique, mais c’est un constat dont vous pouvez vous emparer. « Si la première impression que nous avons d’un candidat est positive, nous allons interpréter favorablement tout ce que cette personne dit ou fait par la suite. En revanche, si cette première impression est négative, nous allons alors voir ce candidat sous un prisme négatif », détaille Marie-Sophie Zambeaux sur un autre biais cognitif : le fameux « effet de halo ». Selon une étude du cabinet Talent In Sight menée auprès de 2 000 dirigeants, 33 % des recruteurs savent, après seulement 90 secondes, si le candidat sera recruté. Dans le top des attitudes rédhibitoires, 67 % des recruteurs n’apprécient pas les candidats au regard fuyant, 38 % tiquent s’ils ne sourient pas et 33 % gardent une mauvaise impression s’ils se tiennent mal. Soignez donc votre présentation avec une tenue adaptée à la situation, sans vous mettre sur votre 31 non plus : toujours selon la même étude, 70 % des recruteurs disent ne pas rechercher de candidats trop à la mode. En revanche, une poignée de main assurée, un regard affirmé… pourrait bien vous donner le beau rôle.
Conseil n°5 : tentez d’allumer la flamme
À l’image d’un rapport de séduction, l’entretien d’embauche est le théâtre d’une rencontre, et donc d’une potentielle alchimie entre deux individus. Vous voulez certes être recruté pour vos compétences, mais si votre charisme et votre conversation peuvent contribuer à donner envie au recruteur de vous rappeler, autant mettre le paquet. Par exemple en tentant quelques traits d’humour, tout en restant attentif aux réactions de l’autre. « C’est de l’intelligence situationnelle, il faut tenter de s’adapter à la personne qui nous fait face en prêtant attention à ce qu’elle nous renvoie », pose Léo Bernard. Certains recruteurs vont ainsi apprécier qu’un candidat prenne les devants et pose des questions avant d’y être invité, tandis que d’autres préféreront procéder méthodiquement pour consacrer un temps à chaque type d’échange. Dans l’ensemble, mieux vaut respecter les consignes indiquées par le recruteur et tâter le terrain pour discerner les marges de liberté dont vous disposez. « Lorsqu’ils vous demandent de vous présenter, certains recruteurs attendent entre 3 et 5 minutes de présentation, d’autres vont demander aux candidats des réponses structurées et attendre un discours de ce type… Mieux vaut être dans le respect de la consigne car certains n’aiment pas qu’on leur force la main », ajoute notre expert. Là encore, testez, analysez et adaptez-vous pour rester sur les mêmes rails que votre interlocuteur.
Conseil n°6 : évitez le fayotage
Personne n’aime les premiers de la classe qui tentent ostensiblement de s’attirer les faveurs des profs. Et si les bancs de l’école n’ont plus leur place dans le monde du travail, faire du zèle a toujours autant mauvaise presse. Selon une étude menée par l’institut CSA et le quotidien Direct Matin, le fayotage se retrouve en troisième position (18 %) des défauts que les Français ne supportent pas au travail. Ce sont surtout les hommes qui tiennent en horreur cette caractéristique, puisque plus d’un homme sur 10 le citent comme le pire défaut de tous. Attention donc à ne pas trop en faire, au risque de perdre complètement l’intérêt de votre interlocuteur. « À trop tenter de séduire le recruteur, on peut paraître hypocrite ou manipulateur, et donc susciter de la méfiance. L’entretien d’embauche implique un subtil équilibre à trouver entre le jeu de séduction et l’authenticité », rappelle Marie-Sophie Zambeaux.
Conseil n°7 : continuez de faire bonne impression après l’entretien
Le message de remerciement post-entretien a beau être un classique, il est loin d’être mis en pratique par tous les candidats. Cette petite attention a le mérite d’appuyer un peu plus votre engouement, mais également votre professionnalisme et votre courtoisie. Mais plutôt que d’envoyer un message de remerciement plat et potentiellement ennuyeux, tentez d’y ajouter un petit twist. « Mentionnez des points spécifiques discutés lors de l’entretien pour montrer que vous avez été attentif et que vous avez compris les priorités du poste, expliquez pourquoi vous êtes particulièrement motivé par ces aspects et soulignez comment vous pouvez apporter une valeur ajoutée à l’entreprise », conseille Céline Méchain. « C’est avec un mail de remerciement plus personnalisé et incarné que vous pourrez vous différencier », appuie Léo Bernard.
Compte tenu de l’individualité de chaque entreprise et surtout de chaque recruteur, se démarquer en entretien tient à un savant mélange d’analyse, de subtilité et d’adaptation. Un exercice loin d’être aisé, mais qui a de fortes chances de s’avérer payant, littéralement.
Article rédigé par Pauline Allione et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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