Marché de l’emploi : quelles opportunités saisir en 2023 ?

L’être humain ne doit pas sa survie à ses crocs acérés, ni à ses griffes tranchantes, et encore moins à sa carapace indestructible. La vraie force de l’Homme, c’est sa capacité d’adaptation. Une véritable agilité face aux changements de son environnement. Ces dernières années, le salarié 2.0 a d’ailleurs eu de multiples occasions de faire usage de cette élasticité. 2023 est une année d’autant plus particulière qu’elle est marquée par un contexte économique et géopolitique particulier (inflation, guerres, etc…), ainsi que par l’explosion soudaine des outils d’intelligence artificielle - créant du remous dans de nombreux secteurs d’activités. Mais alors, quelles sont les opportunités et les menaces qui en résultent sur le marché de l’emploi ? Grâce au témoignage de Julien Duhamel, Consultant RH/Recrutement et Coach en Insertion Professionnelle, on débroussaille les perspectives auxquelles il faut s’attendre en 2023.

Intelligence artificielle : quelles conséquences sur le marché de l’emploi en 2023 ?

Difficile d’être passé à côté de cette bombe technologique. Depuis le début de l’année, un nom est sur toutes les lèvres : chatGPT. Développé par la société OpenAI, cet outil d’intelligence artificielle est un chat conversationnel qui fait tout ce qu’on lui demande : rédiger une dissertation sur l’avenir de la neuropsychologie, transformer un tutoriel Ikéa en poème, rédiger une lettre de motivation… Vous pouvez même le charger d’écrire une ligne de code ou de vous pondre une stratégie de communication de A à Z.

Au même moment, un autre outil a beaucoup fait parler de lui : Midjourney. À partir d’une simple description textuelle (« pot de fleur posé sur une table en bois »), ce programme d’IA génère une image entièrement personnalisée. Demandez-lui de ressembler à une peinture du XVIIIème siècle, il le fera. Vous préférez une photo en noir et blanc ? Des roses plutôt que des lilas ? Un simple ajout de mot-clé dans le « prompt » et c’est chose faite. Les résultats sont stupéfiants.

Néanmoins, Julien Duhamel ne constate pas encore « d’effet d’aubaine » sur le marché de l’emploi : « Au niveau de mes clients, je n’ai pas constaté d’impact fort. Je pense qu’il faut attendre que la technologie arrive davantage à maturité », estime-t-il. De plus, si ces outils ont fait le buzz, l’IA n’a pas attendu leur arrivée pour être mis à profit : « Actuellement, tout ce qui touche à l’IA est principalement utilisé dans le domaine de la data science. Il y a énormément de profils de Data Engineers ou Data Scientists qui sont formés, et nous sommes déjà presque à saturation sur le marché », analyse Julien Duhamel.

Le développement de l’IA et du machine learning ne se limitent donc pas à la génération de contenu. L’intelligence artificielle investit toutes les sphères de la société, de l’industrie à l’agriculture, en passant par la santé et l’armée. Son utilisation est applicable à tous les domaines. Beaucoup se sentent pris de court par son évolution rapide, et son impact sur le marché de l’emploi pourrait bientôt se faire sentir.

Les professions intellectuelles plus menacées que les métiers manuels

Faut-il craindre que la science-fiction devienne réalité et que la machine remplace l’humain ? Comme à chaque fois qu’on assiste à une avancée technologique majeure, certains métiers sont voués à se transformer, voire à disparaître. Il est encore difficile de prédire de quelle manière le marché de l’emploi, mais selon une [étude publiée en 2023](https://arxiv.org/pdf/2303.10130.pdf] et réalisée par OpenIA en collaboration avec l’université de Pennsylvanie, voici les métiers les plus vulnérables aux modèles de langage avancés tels que ChatGPT :

• Journaliste ;
• Comptable ;
• Analyste quantitatif ;
• Mathématicien ;
• Designer graphique ;
• Traducteur ;
• Ingénieur blockchain ;
• Secrétaire juridique ;

Au contraire, les métiers manuels tels que cuisinier, maçon, charpentier, peintre, plombier, boucher… semblent à l’abri du risque. On remarque donc que ce sont les métiers dits les plus qualifiés qui sont le plus exposés. Le rapport publié par Goldman Sachs en 2023 avance d’ailleurs un chiffre parlant : l’I.A générative pourrait remplacer jusqu’à 1 job sur 4 aux Etats-Unis et en Europe.

Des raisons d’être optimiste

N’allons pas jusqu’à tirer la sonnette d’alarme, car ces prévisions sont encore très théoriques. Combien de métiers ont fait leur dernière prière dans les années 2000, en pensant être remplacés par l’arrivée de l’Internet ? Ce qui est certain, c’est que l’intelligence artificielle aura un impact significatif sur le monde de l’emploi, sans pour autant que cela ne résulte en un cataclysme.

Selon l’Artificial Intelligence Index Report 2023[https://aiindex.stanford.edu/wp-content/uploads/2023/04/HAI_AI-Index-Report_2023.pdf], publié par l’Institut pour l’intelligence artificielle centrée sur l’humain (HAI) de l’université de Stanford, les entreprises recherchent de plus en plus de compétences liées à l’I.A. Aux Etats-Unis, le nombre d’offres d’emploi liées à l’IA a augmenté en moyenne de 1,7 % en 2021 à 1,9 % en 2022. Cette croissance pourrait même s’accélérer dans les années à venir.

Il faut donc s’attendre à de nombreuses créations d’emploi en lien avec l’intelligence artificielle. Le World Economic Forum table sur 97 millions de nouveaux jobs créés d’ici 2025 grâce à l’IA. On voit déjà apparaître de nouvelles professions qui répondent aux besoins croissants dans ce domaine, telles que :

• Ingénieur en machine learning ;
• Cogniticien ;
• Data Scientist ;
• Développeur Data IA ;
• Analyste de données ;
• Analyste financier spécialisé en IA ;

Si ces métiers sont essentiellement centrés sur l’IA, il ne faut pas oublier que l’intelligence artificielle est potentiellement utile pour presque tous les métiers. D’où l’importance, quel que soit votre domaine, de vous former aux nouvelles technologies de l’intelligence artificielle et de rester attentif à l’impact que ces dernières pourraient avoir sur votre profession. Prenez en main les outils à votre disposition, testez-les, expérimentez et faites-en des alliés pour augmenter votre productivité. Là réside la clé pour une bonne approche vis-à-vis de l’IA : réfléchissez dès maintenant à la manière dont elle pourrait enrichir votre carrière, et prenez une longueur d’avance en anticipant les nouveaux besoins en compétences que son arrivée va entraîner.

Emplois verts : un développement durable ?

En 2018, près de 140 000 salariés exerçaient un « métier vert » (source : Ministère de la Transition écologique) sur le marché de l’emploi, la majorité d’entre eux étant liés à la production ainsi qu’à la distribution d’énergie et d’eau ou encore à l’assainissement et au traitement des déchets. Ce chiffre est encore relativement faible, mais face à la réalité du changement climatique, le monde semble enfin vouloir passer à l’action : d’après le rapport sur les tendances de l’investissement dans la transition énergétique 2023, les montants dédiés à la transition énergétique ont bondi de 31 % en 2022, atteignant un total de 1.100 milliards de dollars.

Le rapport 2023 sur l’avenir de l’emploi du World Economic Forum prévoit que la transition écologique pourrait même être l’un des principaux moteurs de l’emploi d’ici 2030. Pour les métiers liés à l’environnement et développement durable, les signaux sont donc au « vert » : « Indéniablement, il va y avoir du boulot », affirme Julien Duhamel, pour qui le secteur de l’énergie est la spécialité depuis près de 15 ans. « *On est déjà à saturation sur le marché, c’est-à-dire qu’il y a plus d’offres que de candidats disponibles. Il y aura donc une grosse demande - en cours et à venir - sur le secteur de l’énergie, et notamment le nucléaire », ajoute-t-il. En effet, le gouvernement aurait choisi d’augmenter son parc nucléaire avec la construction de nouvelles centrales, afin de disposer d’une énergie propre et à faible coût. Cela devrait créer de nombreux emplois dans le secteur.

Mais alors quels sont-ils, ces métiers de demain ? Voici quelques professions en plein développement (durable) :

• Ingénieur environnement ;
• Responsable RSE ;
• Responsable de la gestion des déchets ;
• Responsable énergie (energy manager) ;
• Chef de projet énergies renouvelables ;
• Ingénieur hydrologue.

« Il y aura énormément de demande, principalement pour les métiers niveau Bac à Bac+3. Beaucoup de formations vont également être mises en place, car les cursus existants ne suffisent pas à répondre aux besoins actuels », selon Julien Duhamel. Ajoutons à cela les métiers indirectement liés à ce « verdissement » de l’économie, comme celui de Chef de projet marketing durable ou UX designer écoresponsable. Que vous soyez communicant, avocat ou commercial, les opportunités sur le marché de l’emploi durable se feront donc de plus en plus nombreuses à mesure que les marques éco-responsables continuent à fleurir. L’avenir est en marche.

Services : un marché de l’emploi en manque de candidats

Selon les résultats de l’enquête Besoins en Main d’Oeuvre (BMO) 2023 réalisée par Pôle Emploi, 1/3 des entreprises envisagent de recruter cette année. Sur le plan économique, c’est une bonne nouvelle, cela traduit le dynamisme du marché de l’emploi. Le problème, c’est que 62 % de ces projets de d’embauche concernent les métiers des services, ce qui traduit les difficultés du secteur à trouver des candidats.

D’ailleurs, parmi les 10 postes les plus recherchés par les employeurs en 2023, on retrouve le métier de serveur, d’employé polyvalent de cuisine, d’agent d’entretien ou encore d’aide à domicile et d’aide-soignant. Rien que dans l’hôtellerie-restauration, plus de 200 000 postes seraient vacants, selon l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) : « Il y a un réel souci de main d’œuvre pour les domaines du service. Ce sont des métiers fatigants, et la nouvelle génération recherche un meilleur équilibre entre la vie pro et la vie perso », constate Julien Duhamel. Pour beaucoup de personnes en recherche d’emploi, plus question de travailler en horaires décalés et dans des conditions parfois difficiles : « ces métiers vont vraiment avoir besoin de changer d’approche, en travaillant leur marque employeur et en améliorant l’expérience salarié », affirme Julien.

Certains employeurs ont déjà commencé à chercher des solutions. Par exemple, certains campings - qui embauchent majoritairement des saisonniers - offrent des primes aux travailleurs qui promettent de revenir à chaque saison. À chacun sa méthode pour remédier à la pénurie de travailleurs qui frappe ces secteurs.

Une aubaine pour ceux qui veulent s’insérer dans le monde de l’emploi ? « Assurément. Aujourd’hui, ces métiers-là sont tellement en demande qu’on peut se faire financer sa formation par Pôle Emploi, voire directement par les entreprises », explique Julien Duhamel. Il existe notamment un dispositif appelé préparation opérationnelle à l’emploi (POE), qui permet de se former à des compétences spécifiques lorsqu’un besoin manquant a été identifié par une entreprise. Quand c’est tout un secteur qui nécessite des candidats qualifiés, on parle de POE collective (POEC), et la formation est alors dispensée en groupe. Elle est intégralement financée par Pôle Emploi. «Ces dispositifs sont très fortement utilisés par les domaines du service en général», précise Julien Duhamel.

Article édité par Gabrielle Predko, photographie par Thomas Decamps