SOS : « Mes parents s’immiscent trop dans ma recherche d’emploi ! »

20 nov 2024

6 min

SOS : « Mes parents s’immiscent trop dans ma recherche d’emploi ! »
autorcolaborador

Nos parents sont souvent nos meilleurs alliés. Soutien indéfectible, ils sont disposés à nous apporter leur aide en toute circonstance. En recherche d’emploi, leur expérience et leur connaissance du monde du travail peuvent s’avérer très utiles. Mais cela peut-il aller trop loin, au point de devenir gênant voire pesant ? Zoom sur la difficulté à gérer des parents qui s’immiscent un peu trop dans la recherche d’emploi de leur progéniture.

Que serions-nous sans ceux qui nous ont tout appris ? Lors de nos premiers pas, ils étaient déjà là pour nous empêcher de trébucher. La première fois que nous sommes montés sur un vélo sans roulettes, ils couraient à nos côtés pour nous rappeler de regarder droit devant nous. Quand vint le moment du premier rasage ou des premières règles, ils étaient encore là pour nous soutenir. Nos chers parents, toujours présents dans les petits comme les grands moments, et jamais à court de conseils pour s’assurer que tout aille bien dans nos vies. Mais parfois, leur implication peut devenir envahissante, surtout quand on devient adulte et qu’ils continuent à nous surveiller de près. Et lorsqu’on parle de recherche d’emploi, des parents trop actifs ou entreprenants peuvent vite devenir un boulet difficile à traîner !

Recherche d’emploi ou cahier de vacances ?

Raphaël sait bien de quoi il s’agit. Il l’a vécu tout au long de sa vie professionnelle, commencée en 1998. Sa mère, aussi protectrice que pleine de bonnes intentions, a toujours été très impliquée dans sa vie au point d’avoir du mal à le laisser voler de ses propres ailes, y compris lors des périodes de recherche d’emploi. « À la fin de mes études, j’habitais encore chez mes parents, à Marseille. Lorsque j’ai commencé à chercher du travail, ma mère a pris l’initiative de m’aider dans mes recherches. Cela partait vraiment d’une bonne intention, mais ça s’est transformé en un véritable camp d’entraînement, se souvient-il. Tous les jours, elle me questionnait sur les candidatures que j’avais envoyées, sur le contenu de mon CV ou sur les annonces qu’elle repérait. Elle me confrontait sans cesse à l’injonction contradictoire de devoir bien réfléchir au métier que je voulais exercer tout en devant absolument trouver rapidement quelque chose, par sécurité. »

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J’irai où tu iras

Jusqu’ici, rien de vraiment anormal. La fin des études et le premier emploi sonne souvent comme le début d’une nouvelle vie, alors accompagner une dernière fois son enfant dans la découverte du monde professionnel paraît fort compréhensible. Mais quand on a quitté le domicile familial et qu’on a fait nos preuves, cette omniprésence a de quoi exaspérer. « Le problème c’est que la situation s’est répétée tout au long de ma carrière, ajoute Raphaël. Lorsque j’ai décidé de reprendre mes études pour m’ouvrir à de nouvelles perspectives d’évolution, ma mère s’est remise en “mission” : appels quotidiens, analyse de mon CV et conseils pour le corriger, transfert d’offres d’emploi, etc. » Plus tard, vers 35 ans, il choisit de se réorienter pour devenir graphiste, avec un plan bien précis en tête. « Mais, là encore, elle s’est sentie obligée de s’en mêler ! Au bout de deux semaines, voyant que les offres dans mon secteur n’étaient pas nombreuses, elle commençait même à m’envoyer des annonces n’ayant rien à voir avec mes envies, un peu comme pour me suggérer de changer de voie. » En 2022, à presque 50 ans et après un burn-out qui l’a poussé à quitter son travail pour embrasser une autre carrière dans la fonction publique, les souvenirs des épisodes précédents l’ont poussé à cacher sa recherche d’emploi à sa mère. « Je n’en ai parlé à mes parents qu’une fois le concours écrit passé, quand tout était déjà presque fini. Je voulais leur montrer que j’avais fait tout comme il fallait et leur éviter de s’inquiéter… ou de s’impliquer, raconte le cinquantenaire aux multiples vies professionnelles. Ce qui est comique, c’est que le jour de l’oral, ma mère a quand même tenu à m’accompagner à Paris pour me faire répéter juste avant mon passage. » Décidément, Céline Dion disait vrai : on ne change pas.

L’absence de satisfaction personnelle

Il y a des parents qui sont trop présents dans la recherche d’emploi, comme la mère de Raphaël, et puis il y a ceux qui font carrément à notre place alors qu’on s’en sortirait très bien tout seul. Désormais chargée de marketing, Anaïs, elle, se souvient combien elle a souffert de l’implication (bien trop forte) de ses parents dans sa recherche de stage de fin de cycle. « J’avais fait tout le nécessaire pour décrocher un stage qui me convenait. Après avoir passé les entretiens, obtenu ma place et accepté l’offre, mes parents m’ont obligé à décliner. Tous les papiers étaient signés, mais ils m’ont forcé à rejoindre une entreprise dans laquelle ils m’avaient pistonné par le biais d’une de leurs relations. » La jeune femme se rappelle être tombée de haut à cette époque, comme si on lui avait arraché le contrôle d’une situation qu’elle pensait maîtriser. Si elle reconnaît, avec le recul, que le stage trouvé par ses parents lui a sûrement été très bénéfique pour la suite, elle n’en garde pas moins un mauvais souvenir. « C’était délicat vis-à-vis de la première entreprise, je me sentais mal de n’avoir pas pu honorer ma parole. Et puis j’étais super fière des efforts que j’avais fait pour décrocher ce stage, sans aucune aide, se remémore Anaïs. Désormais, je refuse systématiquement qu’ils m’aident dans mes recherches d’emploi et j’ai horreur de faire appel à mon réseau. » Une expérience qui a engendré un sentiment d’illégitimité, difficile à surmonter, mais qui a également forgé une candidate autonome, déterminée à compter uniquement sur ses propres efforts pour décrocher un emploi.

Un manque de confiance apparent

Pour Marlène Martin, psychologue spécialiste de l’enfance, ces histoires traduisent une angoisse profonde des parents à l’idée du lâcher prise. « Les parents veulent conserver leur rôle de parent pour garder la maîtrise et se rassurer, même lorsque leur enfant est grand et n’a plus besoin de leur aide, remarque la psychologue. Sauf que cela pousse à adopter un comportement infantilisant ! Ce n’est pas aux parents de trouver du travail à leurs enfants. Cela me fait penser aux grands-parents qui s’impliquent trop dans l’éducation de leurs petits-enfants. Il y a beaucoup de similarités dans cette volonté de garder le contrôle et de se sentir indispensable », explique-t-elle. Évidemment, chaque relation enfant-parent est unique et a sa propre histoire, ce qui signifie que l’origine de ces situations varie beaucoup selon les cas. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’il n’y a pas de véritable volonté de nuire dans cette surimplication. « À la base, je pense que cela vient d’une inquiétude qui est assez naturelle et part d’un bon sentiment. Mais cela peut aussi se conjuguer avec un manque de confiance, un peu comme si, pour eux, vous n’étiez pas capable de vous en sortir tout·e seul·e. » C’est probablement le cas de Raphaël, qui se souvient par ailleurs que sa mère a toujours refusé de faire jouer son réseau personnel pour lui obtenir des opportunités. « Elle connaissait des gens qui auraient pu m’aider, mais elle n’a jamais voulu leur parler de moi. Un peu comme si elle ne croyait pas vraiment que je puisse être à la hauteur pour ses amis. »

Vos parents ne sont pas vos managers, mais vos alliés

Cette inquiétude et ce manque de confiance s’expliquent par la personnalité des parents, mais aussi les expériences passées, le genre d’enfant que vous étiez et les éventuelles difficultés que vous avez rencontrées pendant votre éducation. S’ils ont dû être particulièrement à vos côtés lors d’une épreuve dans votre enfance, un redoublement, des difficultés sociales… alors il peut leur sembler naturel de devoir encore être très impliqués. « Mais le rôle des parents n’est pas de faire à votre place. Normalement, ils sont là pour se tenir à vos côtés aux cas où, précise Marlène Martin. Certes, il est important qu’ils vous accompagnent et soient disponibles pour vous aider, mais seulement lorsque vous les sollicitez ou lorsque vous êtes bloqués. Là où cela devient malsain, c’est lorsque leur “aide” n’est pas constructive. »

S’ouvrir pour expliquer ce qui ne va pas

Mais alors comment se débarrasser de parents trop encombrants pendant sa recherche d’emploi ? Comme souvent, le premier pas consiste à communiquer sur ses sentiments. Pour Raphaël, les sollicitations de sa mère et ses conseils étaient tellement fréquents que cela en devenait oppressant. La situation lui pesait et lui mettait « une pression dingue », selon ses propres paroles. Quant à Anaïs, le fait de se voir arracher l’opportunité obtenue par le fruit de son travail a créé un profond sentiment de dévalorisation, voire un syndrome de l’imposteur. La psychologue Marlène Martin estime que « quand les parents prennent le relai de force, cela peut être rabaissant. On en arrive à perdre confiance en soi et à se sentir déconsidérer. C’est pourquoi il est essentiel d’en parler avec eux pour leur expliquer ce que leurs actes provoquent en nous. » En somme, il faudrait expliciter ses pensées à ses parents, sans tomber pour autant dans un ton accusateur. Par exemple : « Je sais que cela part d’une bonne intention, mais quand vous faites cela, je perds confiance en moi et ressens deux fois plus de pression dans ma recherche d’emploi. J’ai besoin d’être plus autonome pour me faire ma propre expérience. »

Les rassurer pour éviter que cela ne recommence

Après avoir verbalisé ce qui n’allait pas, la deuxième étape consiste à prendre le problème à la source. « Montrez à vos parents que vous savez ce que vous faites, que vous avez un plan précis et que vous faites le nécessaire », encourage Marlène Martin. Que penser de couper les communications lors de la recherche d’emploi, à l’exemple de Raphaël ? « Cela peut vous permettre d’avoir la paix dans l’immédiat pour vous concentrer sur vos recherches, mais cela ne résout pas le problème. Il est juste repoussé, estime la psychologue. Par ailleurs, je pense que cela participe à entretenir l’infantilisation en décidant de dissimuler certaines choses qui n’ont aucune raison de l’être. C’est un peu comme si, du haut de vos 25, 30 ou 40 ans, vous étiez encore cet adolescent qui fume en cachette dans sa chambre. »

Finalement, les relations avec vos parents, cela ne regarde que vous, et chaque famille a son histoire. Mais lorsque votre recherche d’emploi est en jeu, il est important de poser le cadre qui va vous permettre de gérer au mieux - et par vous-même - cette étape déterminante de votre vie. Alors, identifiez quand cela va trop loin pour vous et fixez les limites de cette “aide” parentale.

Article édité par Aurélie Cerffond et Camille Perdriaud ; Photo de Thomas Decamps

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