Fake quitting, resenteeism... ces 10 tendances RH qui bousculent le monde du travail
05. 11. 2024
7 min.
Quiet quitting, loud quitting, rage applying, resenteeism… Chaque saison produit son lot de nouvelles expressions, comme si un concept en chassait un autre toujours plus vite. Notre experte Laetitia Vitaud revient sur cette multiplication des anglicismes pour parler du travail, la signification véritable des tendances sous-jacentes, ainsi que ses conseils pour les envisager sereinement, loin des effets de mode.
C’est un peu comme si l’américanisation du marché du travail était en marche et qu’on ne pouvait plus rien faire pour l’arrêter. Sans compter que, comme dans le marketing, on aurait l’air à la fois plus moderne et plus expert quand on égrène son discours de mots anglais. Pourtant, les expressions en question font souvent référence à des phénomènes qui n’ont absolument rien de nouveau -être fatigué par son travail, avoir envie de partir ou postuler auprès d’autres employeurs, ce n’est pas inédit. Mais, habillés autrement, ces derniers apparaissent comme des tendances nouvelles qu’il faudrait saisir pour rester à la page.
Parfois, il s’agit de concepts que les Anglophones savent effectivement mieux nommer, avec économie et humour. Et puis, force est de constater que les médias grand public se sont emparés des sujets relatifs au travail comme jamais auparavant. Rien de tel alors que le FOMO et le sentiment d’urgence produits par les phénomènes de mode pour alimenter les clics. L’usage de ces anglicismes reflète aussi l’influence des réseaux sociaux et le poids encore lourd de la Silicon Valley sur les discussions mondiales à propos du travail.
Quoiqu’il en soit, la langue du monde des ressources humaines, pleine de termes juridiques, a longtemps été plutôt conservatrice. L’adoption de ces anglicismes semble donner un coup de pied dans la fourmilière, nous faisant regarder le travail avec des yeux neufs. Voici un tour d’horizon des 10 tendances RH qui font parler d’elles dernièrement, avec mes astuces pour bien les appréhender.
Tendance n°1 : le quiet quitting
Degré de nuisance : attention à l’eau qui dort
Traduction : l’expression désigne un désengagement passif au travail, où un salarié se limite à sa fiche de poste sans chercher à faire du zèle.
Les causes possibles : plutôt que de quitter son emploi, le collaborateur « démissionne mentalement », devenant progressivement de moins en moins engagé. Ce phénomène a gagné en visibilité après la pandémie de COVID-19. Il reflète la volonté des salariés de préserver leur bien-être face à un déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, le quiet quitting pose un défi, car un salarié désengagé peut nuire à la productivité et à la dynamique d’équipe. Pour y faire face, il est essentiel de favoriser un dialogue ouvert, de développer une culture de la reconnaissance, et de proposer plus de flexibilité et d’autonomie. S’il n’y avait qu’une action managériale à retenir : dire « merci » quand un salarié a fourni un effort !
Tendance n°2 : le loud quitting
Degré de nuisance : tous aux abris
Traduction : il s’agit pour le salarié qui démissionne d’exprimer ouvertement et bruyamment son mécontentement concernant ses conditions de travail.
Les causes possibles : le loud quitting se manifeste par des critiques publiques sur les réseaux sociaux ou dans les médias, où les salariés sur le départ partagent leurs expériences négatives liées à une culture d’entreprise toxique ou un manque de reconnaissance. Ce phénomène reflète un besoin croissant de transparence et d’authenticité, notamment parmi les jeunes générations qui voudraient un alignement entre leurs valeurs et celles de l’entreprise.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, le loud quitting constitue une menace car il abîme fortement la marque employeur. Il pousse à soigner l’offboarding et à prendre la mesure du pouvoir d’influence des anciens salariés sur les futures recrues. Une action clé ? Prêter une oreille attentive aux salariés qui se disent débordés !
Tendance n°3 : le conscious quitting
Degré de nuisance : tel est pris, qui croyait prendre
Traduction : le conscious quitting, c’est la décision mûrement réfléchie d’un salarié de quitter son emploi à cause d’un conflit de valeurs avec son employeur. Le départ est motivé par la quête de sens et d’alignement éthique.
Les causes possibles : ce phénomène est caractéristique des jeunes générations qui voudraient des environnements de travail en accord avec leurs convictions environnementales. Mais, il peut, en réalité, toucher toutes les générations.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, le conscious quitting met en lumière la nécessité d’une culture d’entreprise authentique, alignée sur des valeurs partagées, plutôt que de miser sur des initiatives de green washing ou de purpose washing, qui peuvent logiquement se retourner contre les entreprises qui s’y adonnent. En matière de sens et de valeurs, mieux vaut en effet rester authentique. Commencez donc par chasser les fausses promesses de votre communication !
Tendance n°4 : le resenteeism
Degré de nuisance : poison lent mais puissant
Traduction : « To resent », en anglais, c’est « éprouver du ressentiment ». Le resenteeism se réfère à la situation d’un salarié qui, bien que mécontent de son job, choisit néanmoins de rester en raison du manque d’options ou de la peur du changement.
Les causes possibles : ce phénomène se manifeste par une absence de motivation et un sentiment de stagnation, où le salarié endure son travail plutôt que de s’investir pleinement, où il a l’impression qu’il n’a nulle part d’autre où aller et en veut à son employeur du sentiment d’enfermement qu’il éprouve. C’est évidemment un désastre pour le bien-être mental et physique.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, des salariés démoralisés dégradent l’ambiance de travail et la productivité. Il est donc important non seulement d’améliorer la satisfaction au travail, mais aussi d’offrir des opportunités de développement professionnel et de mobilité. Posez-vous la question : comment puis-je faire grandir cette personne dans les mois à venir ?
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Tendance n°5 : le rage applying
Degré de nuisance : plus néfaste qu’il n’y paraît a priori
Traduction : le rage applying consiste pour un salarié à postuler de manière impulsive à un grand nombre d’offres d’emploi, par frustration envers son employeur actuel.
Les causes possibles : un peu comme quelqu’un en couple passerait du temps sur des sites de dating après une dispute avec son conjoint, ce phénomène ne présage rien de bon appliqué à la sphère professionnelle. Il peut traduire une lassitude ou être déclenché par un incident particulier qui pousse le salarié à chercher une échappatoire immédiate.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, le rage applying peut entraîner des départs importants et créer un climat de désengagement. Il est important de vite prendre en compte les signaux envoyés par les salariés. Soyez attentifs aux signaux faibles, comme la baisse des interactions spontanées au bureau.
Tendance n°6 : le career cushioning
Degré de nuisance : pas si mal, ce besoin d’airbags
Traduction : le terme cushioning peut être traduit par « amortissement » ou « protection ». Si bien que le career cushioning désigne la pratique visant à préparer un plan B professionnel, en anticipant une éventuelle perte d’emploi.
Les causes possibles : c’est une approche de plus en plus courante dans un environnement de travail instable où les incertitudes économiques, l’IA et les crises en tout genre peuvent menacer la sécurité de l’emploi. Les salariés qui font du career cushioning investissent du temps et des efforts pour développer de nouvelles compétences, élargir leur réseau professionnel ou explorer des opportunités alternatives.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, le career cushioning signale un manque de confiance dans la stabilité de l’organisation. Il est donc essentiel d’offrir des perspectives de carrière, de favoriser la formation continue et d’encourager le développement des compétences afin de réduire l’anxiété liée à la sécurité de l’emploi. Dans les entretiens avec le salarié, prenez soin de projeter la relation que vous avez avec lui/elle dans l’avenir, par exemple en évoquant le prochain projet ou poste que vous pourrez lui proposer.
Tendance n°7 : le boundaries setting
Degré de nuisance : à vous de jouer !
Traduction : le boundaries setting concerne l’établissement de limites claires entre la vie personnelle et professionnelle pour préserver son bien-être.
Les causes possibles : ce concept est particulièrement pertinent dans le contexte du télétravail et des environnements de travail hybrides, où les frontières entre les deux sphères peuvent facilement s’estomper. En définissant des horaires de travail, des espaces dédiés et des règles de disponibilité, les salariés peuvent mieux gérer leur temps et éviter le surmenage.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, le boundaries setting est essentiel pour maintenir un climat de travail sain et productif. Encourager les salariés à respecter leurs limites contribue non seulement à leur bien-être personnel, mais aussi à leur performance globale. Cela peut impliquer de promouvoir des pratiques de déconnexion, d’encourager des pauses régulières et de soutenir les employés dans leur quête d’un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Il est essentiel de balayer d’abord devant sa porte : l’exemplarité managériale a beaucoup d’influence. Faire attention à ne pas rester tard au bureau ou à envoyer des mails à pas d’heure, c’est déjà un bon point de départ.
Tendance n°8 : le quiet thriving
Degré de nuisance : que du bonheur !
Traduction : voilà un concept plus positif. Le quiet thriving s’incarne dans un engagement discret au travail, où le salarié cherche à s’épanouir et rendre son poste plus gratifiant sans nécessairement changer d’emploi.
Les causes possibles : cela peut passer par des initiatives personnelles, comme l’apprentissage de nouvelles compétences, la recherche de mentors ou le développement de relations positives au sein de l’équipe.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, c’est une opportunité précieuse à encourager pour avoir une équipe engagée et motivée. Cela nécessite cependant une culture d’entreprise qui favorise l’autonomie, la créativité et la reconnaissance. La question à se poser : comment puis-je donner aujourd’hui plus d’autonomie à mes salariés ?
Tendance n°9 : le ghost quitting
Degré de nuisance : coûteux en chaos organisationnel
Traduction : le ghost quitting fait référence à la décision d’un salarié de quitter son emploi sans rien dire à personne, souvent sans préavis ni explication à son employeur.
Les causes possibles : en somme, il s’agit de ghoster l’employeur avec ce qui ressemble à un abandon de poste. Souvent motivé par le désir d’éviter les conflits ou les confrontations, le ghost quitting n’est pas indolore pour des salariés qui peuvent se voir reprocher une faute professionnelle. Dans tous les cas, il reflète un fort désengagement ou insatisfaction.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, le ghost quitting comme les no show ont des conséquences néfastes sur la continuité des opérations. Les départs inattendus perturbent les projets en cours et peuvent affecter douloureusement le moral des employés restants. Il est donc crucial pour les entreprises de favoriser un climat de confiance où les salariés se sentent suffisamment à l’aise pour discuter ouvertement de leurs intentions de départ. Une action : surveillez les arrêts de travail dans vos équipes. Si les chiffres sont trop élevés, il y a probablement un problème de management toxique à éliminer.
Tendance n°10 : le fake quitting
Degré de nuisance : gare à la confiance à long terme !
Traduction : le fake quitting, c’est une stratégie qui consiste à menacer de quitter son emploi, sans réelle intention de partir.
Les causes possibles : en somme, c’est un outil de négociation pour obtenir de meilleures conditions de travail ou une augmentation salariale. Bien que cela puisse parfois porter ses fruits, cette approche peut quand même nuire à la relation de confiance entre salarié et entreprise.
La bonne posture à adopter : pour les employeurs, le fake quitting représente un signal d’alerte concernant le niveau de satisfaction des salariés. Plutôt que de réagir aux menaces de départ, il est préférable de s’engager dans un dialogue ouvert sur leurs besoins et attentes. N’attendez pas les menaces de départ pour discuter des augmentations. Prenez les devants !
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Article rédigé par Laetitia Vitaud et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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