Licenciement : pourquoi faut-il communiquer sur le départ de vos salariés ?

09. 7. 2024

7 min.

Licenciement : pourquoi faut-il communiquer sur le départ de vos salariés ?
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Alexis EveLab expert

Coach de managers et dirigeants, et psychologue du travail

prispievatel

En cas de licenciement d’un collaborateur, beaucoup d’entreprises gardent le silence, ne faisant aucune communication en interne. Mais aux yeux de notre expert Alexis Eve une telle stratégie s’avère hasardeuse tant elle peut coûter cher au premier concerné, à son équipe et plus globalement à l’entreprise.

Il faut dire qu’aborder ouvertement le sujet est délicat : licencier est toujours une décision difficile, qui a des impacts émotionnels, et qui se fait parfois dans un climat conflictuel. Les managers, RH ou dirigeants sont par ailleurs bien souvent trop occupés à repenser l’organisation de l’équipe et gérer l’éventuel remplacement de la personne remerciée pour se soucier véritablement de la com’. Mais passer un licenciement sous silence est une grave erreur ! Car le départ forcé d’un salarié va inévitablement faire l’objet de bavardages, de spéculations, voire même de fausses rumeurs. Et cela peut avoir des conséquences très néfastes sur l’entreprise… Alors pourquoi faut-il à tout prix éviter de faire du licenciement un tabou ? Et comment s’y prendre pour communiquer efficacement autour du départ d’un salarié ? On fait le point.

Les dangers du non-dit autour du licenciement

La porte ouverte aux malentendus

Le test de Rorschach, ça vous parle ? Vous savez, ce sont ces tâches d’encre symétriques dans lesquelles on peut voir un papillon, un visage humain, une créature effrayante, ou mille autres choses. Ce test montre de manière fascinante comment nos esprits peuvent interpréter la même image de plein de façons différentes. Eh bien lorsqu’aucune communication n’est faite suite à un licenciement, c’est un peu la même chose ! Chaque collaborateur peut interpréter l’événement à sa manière, et mal comprendre les raisons qui le justifient. C’est d’autant plus vrai que ces raisons sont parfois totalement invisibles de l’extérieur, même pour l’équipe du collaborateur licencié.

Au quotidien, chacun est dans son couloir de nage, absorbé par ses propres tâches, et on peut très bien ne pas remarquer les difficultés de performance d’un collègue, ou son désalignement avec la culture de l’entreprise. Ces problèmes sont le plus souvent uniquement abordés dans l’enceinte des discussions du salarié avec son manager, et passent totalement sous le radar du reste de l’équipe. Résultat : l’absence de communication autour du licenciement d’un salarié peut semer la confusion. La décision peut même être vue comme arbitraire, prise sur un coup de tête, alors qu’elle est souvent le résultat de plusieurs mois de discussions, d’évaluations et de tentatives d’amélioration.

Une dégradation du climat de travail

Pour ses collègues, le salarié licencié est souvent quelqu’un de sympathique, pour qui ils ont un certain attachement. L’annonce du licenciement génère donc inévitablement un impact affectif. Et ce, d’autant plus lorsque la décision n’est pas totalement comprise. Le reste de l’équipe peut, par exemple, éprouver un sentiment d’injustice, de trahison, voire même de la colère. Et c’est évidemment très préjudiciable pour la fidélisation et même pour la réputation de l’entreprise.

Mais ce n’est pas tout : un licenciement mal communiqué peut aussi générer du stress au sein des équipes en poste, qui peuvent être amenées à se demander : « Et si c’était moi la prochaine personne à se faire sortir ? » Ainsi, 54% des Français craindraient plus de perdre leur job que… de mourir. Aussi, le manque de clarté sur les raisons du départ peut engendrer une peur généralisée et une atmosphère de méfiance, où chacun se sent constamment sur la sellette. Et bien sûr, cela affecte la motivation et la productivité.

Des situations qui peuvent tourner au chaos

Dans certains cas, le manque de communication suite à un licenciement peut même mener à des scénarios catastrophe. J’ai par exemple eu l’occasion de constater une situation particulièrement désastreuse, dans une start-up reconnue, avec une culture solide et un engagement fort des salariés. L’entreprise avait décidé de se séparer de l’une de ses VP pour des raisons légitimes : cette personne avait fait perdre des millions d’euros à l’entreprise à cause d’une mauvaise décision, et était extrêmement désengagée sur son poste depuis déjà plusieurs mois.

Problème : faute de communication adaptée, la nouvelle a provoqué des réactions émotionnelles fortes en interne. Faisant partie des salariés historiques, le licenciement de la VP a été perçu comme un profond symbole de changement de culture, avec l’arrivée de méthodes de management brutales. L’événement a alors provoqué une véritable levée de boucliers en interne, jusqu’à la mobilisation du CSE pour intervenir auprès de la direction, afin d’exiger le retour de la collaboratrice sur son poste. Au final, les fondateurs et les RH ont passé une semaine à expliquer factuellement la situation, en gérant les réactions de certaines équipes au bord de l’implosion. Un drame qui aurait pourtant pu être évité avec une communication transparente, et une stratégie de conduite du changement bien ficelée…

Une bonne communication interne commence par un licenciement dans les règles de l’art

La personne qui se fait licencier va parler avec ses collègues. C’est inévitable. Sa version des faits va donc circuler, et même devenir la première source d’information pour certains collaborateurs proches. Il est d’ailleurs tout à fait normal que le salarié exprime son ressenti, et vous ne devez pas chercher à le bâillonner. Une seule solution donc pour éviter que ce dernier ne propage des messages trop négatifs : faire en sorte que le licenciement se passe le mieux possible. Faire les choses « proprement » d’un point de vue juridique et moral. C’est évidemment crucial pour le collaborateur sur le départ, car une fin de contrat mal gérée peut être très difficile à vivre, surtout si la personne concernée s’est beaucoup investie. Mais c’est aussi crucial pour ceux qui restent. Alors comment « bien licencier » ?

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On vous en dit plus ?

Les prérequis d’un bon process de licenciement

Lorsqu’un licenciement est bien fait, il doit être clair que ce n’est ni vous en tant que manager ou RH, ni votre entreprise qui virent le salarié, mais bien un écart de performance ou un désalignement culturel. C’est-à-dire que la décision doit reposer sur des critères objectifs et mesurables, et surtout pas sur des aspects personnels.

Pour cela, il faut poser des bases solides, et ce, bien avant un quelconque licenciement :

  • Définir un cadre extrêmement clair : vous devez définir et expliciter avec transparence les attentes vis-à-vis de vos collaborateurs dès l’embauche. Cela recouvre à la fois :
    Les règles de performance : les objectifs doivent être clairs et mesurables, avec des OKR (Objectives and Key Results) ou des KPI (Key Performance Indicators) ciblés et non ambigus.
    Les règles de vie commune : la vision, la mission, la culture, les valeurs doivent être formalisés et les politiques en matière de télétravail, de congés ou encore de méthode de travail doivent être claires comme de l’eau de roche.
    L’acceptation de ces règles permet de sceller un « deal » clair entre l’entreprise et le salarié.
  • Faire du feedback régulier au salarié : n’importe quel collaborateur doit savoir à tout moment comment il se situe par rapport à ce « deal ». En tant que manager, vous êtes donc responsable de fournir à vos N-1 des retours constants, en leur communiquant clairement les éventuels écarts entre ce qui est attendu d’eux et ce qui est réalisé. Attention, le feedback doit toutefois être délivré avec bienveillance : il est important de faire aussi des retours positifs pour que le salarié puisse comprendre et accepter ses axes d’amélioration sans se sentir attaqué.

Les étapes d’un bon process de licenciement

Une fois que ces fondamentaux sont mis en place, si un salarié s’écarte du « deal » qui est défini, les étapes sont simples :

  • Étape 1 : faire un premier recadrage : alertez votre collaborateur, en lui fixant une échéance claire pour rectifier le tir, par exemple une période d’un mois. Annoncez-lui clairement la couleur, en lui disant que si l’amélioration n’est pas au rendez-vous, vos chemins devront se séparer. Mais pas question de laisser votre salarié seul dans cette démarche : vous devez l’aider à mettre en place un plan d’action spécifique pour renouer avec les attentes données.
  • Étape 2 : faire un second recadrage : si le premier recadrage n’a pas fonctionné, l’idéal est de redonner une chance à votre collaborateur, en lui proposant une nouvelle échéance, par exemple d’un mois supplémentaire, et en fixant avec lui un nouveau plan d’action.
  • Étape 3 : annoncer le licenciement au salarié : à ce stade, la décision ne devrait pas être une surprise pour le salarié. Et il devrait lui-même comprendre que la séparation est inévitable en raison de l’absence d’amélioration. Mais acter le licenciement et engager les procédures est toujours une étape délicate. Heureusement, il existe de multiples bonnes pratiques à connaître pour le faire de manière empathique et assurer une séparation en douceur.

Mode d’emploi pour une communication interne optimale en cas de licenciement

Impliquer (si possible) le salarié licencié

Donner au collaborateur une voix dans la manière dont son départ est communiqué permet de lui concéder un peu de contrôle et de lui témoigner du respect et de l’empathie. Cela peut atténuer ses sentiments négatifs, et améliorer la manière dont le licenciement est perçu, tant par la personne concernée que par ses collègues. En effet, pour de nombreux travailleurs, un licenciement peut être source de honte (75%), au point que 1 personne sur 3 avoue l’avoir déjà caché à sa famille.

Alors comment faire concrètement pour faciliter un tel moment ? Vous pouvez commencer par demander au salarié concerné comment il/elle souhaite que l’on parle de son licenciement. Et lui proposer d’organiser un pot de départ pour reconnaître ses contributions et marquer la fin de la collaboration de manière positive. C’est un geste qui peut contribuer à préserver le moral des équipes et à maintenir un climat de travail sain. Mais bien sûr, tout cela n’est possible que si le licenciement s’est déroulé dans des conditions relativement apaisées.

Faire preuve de transparence sans surcommuniquer

Annoncer le licenciement d’un salarié à toute l’entreprise n’est généralement pas nécessaire. Limitez la communication aux membres de l’équipe directe et, si nécessaire, aux autres équipes qui travaillaient étroitement avec le collaborateur. Sinon, vous risquez de provoquer un « effet loupe » et d’amplifier l’importance de l’événement, ce qui peut conduire à une sur-dramatisation.

Ce que je conseille aux managers que j’accompagne est d’organiser une session « Ask me anything » en réunion d’équipe, pour permettre à chaque collaborateur d’exprimer ses éventuels doutes et préoccupations, et d’y répondre de manière ouverte. Mieux vaut toutefois le faire une fois que la personne est partie, pour garantir une discussion sereine.
Finalement, la clé est de trouver un équilibre entre transparence et discrétion. Pour gérer la situation avec finesse, il faut miser sur une communication ciblée et mesurée, qui évite d’amplifier les tensions et permet de maintenir un climat de travail serein.

Être attentif aux réactions des équipes

La communication interne suite à un licenciement passe également par des échanges et un suivi individuel. L’objectif étant de comprendre et d’accompagner les émotions de chacun, en favorisant une atmosphère de confiance et de transparence. Cela peut, par exemple, passer par une question ouverte posée en point individuel, comme : « Comment tu te sens par rapport au départ de Romain ? »

Pour adopter la bonne posture et accompagner au mieux vos collaborateurs, vous pouvez d’ailleurs vous référer à la courbe du changement, elle-même inspirée de la courbe du deuil d’Elisabeth Kübler-Ross. Cette dernière détaille les différentes phases émotionnelles par lesquelles passe un individu lorsqu’il est face à un changement : choc, déni, révolte, frustration, tristesse, anxiété, acceptation, rebond… Comprendre ces phases permet de mieux accompagner les équipes et de répondre à leurs besoins émotionnels pendant cette période difficile.

Pour conclure, reconnaissons-le : un licenciement ne sera jamais un événement positif dans la vie d’une entreprise. Mais en prenant des mesures adaptées, il peut devenir un levier de résilience et d’innovation, qui peut aller jusqu’à renforcer la cohésion de l’équipe !
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Article rédigé par Alexis Eve et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.

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