7 astuces pour créer un cadre de travail (vraiment) sécurisant pour son équipe
05. 12. 2024
8 min.
Réunions tendues, objectifs écrasants, atmosphère pesante… Le travail peut rapidement devenir une zone à haut risque pour vos équipes, si vous ne veillez pas à y ramener un peu de souffle. Mais comment créer cet environnement de travail sécurisant pour ses collaborateurs ? Quelles sont les règles à privilégier pour la mise en place de cet environnement de travail favorisant « des esprits sains dans des corps sains » ?
L’anxiété au travail est loin d’être anecdotique. Cette année, 61 % des travailleurs français ont ressenti du stress au moins une fois par semaine en raison de leur job, selon une étude ADP publiée en octobre 2024. Sans grande surprise, certaines catégories sont plus touchées que d’autres. Les femmes (23 %) déclarent ainsi un niveau de stress plus élevé que leurs homologues masculins (15 %), dans la mesure où elles cumulent souvent les sources d’anxiété avec leurs responsabilités familiales et des postes souvent plus précaires. Les seniors arrivent également en bonne place (20 %), sous le poids des changements incessants qui interrogent leur place dans l’entreprise et leur avenir professionnel. Et pour finir, les jeunes ne sont pas en reste (13 %), avec un stress souvent lié à leur précarité ou à des difficultés de projections et de perspectives dès l’entrée dans le monde du travail.
Le pire dans tout ça ? Seuls 14 % des collaborateurs pensent que leur employeur soutient réellement leur bien-être mental, tandis que 31 % estiment que leur entreprise ne fait… rien pour remédier à la situation. Un fossé entre les attentes des salariés et les actions des employeurs qui met en lumière une prise de conscience encore trop timide. Pourtant, prendre soin du bien-être de ses collaborateurs est bien plus qu’un geste « sympa » : c’est un investissement en matière d’engagement, de performance et de fidélisation des talents. S’il est désormais largement considéré que créer un environnement de travail sécurisant ne se limite pas à poser un baby-foot dans la salle de pause ou à organiser un séminaire par an, quelles actions concrètes cela nécessite-t-il alors ? Comment faire la différence en répondant aux besoins réels de ses collaborateurs ?
Surmenage, paradoxes managériaux… Ces principaux facteurs de stress en entreprise
Crises sanitaires, bouleversements économiques, réorganisations à répétition… Ces turbulences ont bien sûr mis en lumière la question du bien-être mental au travail. Mais elles ont aussi, paradoxalement, renforcé les attentes des salariés. « Désormais, les collaborateurs attendent un environnement respectueux de leurs limites, mais aussi porteur de sens », renchérit Christophe Nguyen, psychologue du travail et spécialiste des risques psychosociaux (RPS). Or, la réalité de terrain est souvent encore loin de ces aspirations. L’intensification des rythmes de travail, motivée par une recherche constante de productivité, est une source majeure de stress. Pourtant, peu d’actions concrètes sont prises pour y remédier. « Beaucoup d’entreprises, quand elles font des états des lieux, constatent que c’est la charge de travail qui pose problème. Elles le reconnaissent, mais n’agissent pas assez sur ce phénomène partagé », déplore le psychologue.
Sans compter les paradoxes managériaux, qui ajoutent à la confusion de salariés déjà fragilisés. « C’est un paradoxe courant : on valorise l’autonomie et la flexibilité, mais on enferme parfois les collaborateurs dans des process qui manquent de sens », explique Christophe Nguyen. Pour certains salariés, le stress devient alors un compagnon de route. Nathalie, 42 ans, a bien connu ce quotidien rythmé de réunions interminables, déplacements fréquents et objectifs toujours plus ambitieux. « Au début, je pensais que c’était normal. Tout le monde semblait accepter la pression constante : répondre à des mails à minuit, rattraper les dossiers le week-end, toujours avoir son téléphone à portée de main, même en vacances », se souvient cette ex-cadre commerciale dans une multinationale.
Jusqu’au jour où son corps lui dit stop : « Je me souviens très bien de cette réunion. On était en train de débriefer les résultats trimestriels. D’un coup, j’ai eu des vertiges, mon cœur s’est emballé et je me suis effondrée. » Après des examens médicaux, le verdict tombe : surmenage. « C’était un électrochoc. J’ai réalisé que je mettais ma santé en danger pour un poste où on me traitait comme un numéro », confie Nathalie, qui prend dès lors la décision radicale de démissionner. Elle rejoint, par la suite, une PME où la charge de travail est nettement plus humaine et où les limites personnelles sont respectées. « Aujourd’hui, je ne culpabilise plus de m’arrêter à 18h. Mes collègues non plus. Je peux enfin passer du temps avec ma famille sans avoir l’impression de devoir me justifier. J’ai eu la chance de pouvoir faire ce choix, mais combien continuent de subir faute d’alternative ? »
La sécurité psychologique, un pilier pour des équipes performantes et engagées
Entre explosion des taux d’absentéisme et turn-over galopant, la sécurité psychologique est devenue un enjeu stratégique pour les entreprises. Pour Christophe Nguyen, deux approches essentielles méritent d’être envisagées en la matière :
- Une approche humaine : « Cela signifie avoir le droit à l’erreur, pouvoir échanger en toute bienveillance et évoluer dans un environnement authentique, où chacun peut être réellement entendu. On pourrait la résumer par la sécurité relationnelle. »
- Une approche opérationnelle : qui concerne les actions concrètes que l’entreprise met en place pour prévenir le stress et améliorer les conditions de travail (suivi régulier, accompagnements adaptés, procédures efficaces…)
Pourtant, la sécurité psychologique reste, aujourd’hui encore, souvent mal comprise, voire réduite à des actions de façade. « Proposer un atelier de gestion du stress ou installer une table de ping-pong, c’est bien, mais ça ne suffit pas si, dans le même temps, les collaborateurs croulent sous une charge de travail démesurée », avertit encore le psychologue du travail. Ces démarches mal alignées avec les besoins réels risquent, au contraire, de provoquer un effet boomerang, alimentant frustration et cynisme chez les équipes.
À l’inverse, un véritable climat de sécurité psychologique peut transformer la dynamique d’une entreprise. Les collaborateurs se sentent plus libres de proposer des idées, d’identifier des problèmes ou encore de prendre des initiatives. En clair, des comportements qui boostent non seulement le bien-être, mais aussi la performance globale. Et c’est bien là tout l’enjeu : une sécurité psychologique bien intégrée n’est pas qu’un « nice-to-have », mais un levier pour des équipes engagées et des résultats durables.
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Pour faire la différence, certaines mesures permettent de répondre aux besoins réels des équipes, tout en s’intégrant durablement à la culture d’entreprise.
Conseil n°1 : évaluez et régulez la charge de travail
« Si on ne mesure pas correctement ce qui pose problème, il est difficile d’agir efficacement », souligne Christophe Nguyen. Autrement dit, pour réduire le stress en entreprise, il faut commencer par un bon diagnostic. Des outils comme des baromètres internes, des enquêtes anonymes ou encore des entretiens permettent d’identifier les points de tension, qu’il s’agisse de tâches chronophages, de pics d’activité mal gérés ou de délais irréalistes.
Une fois les données en main, il faut agir. Cela passe par des solutions concrètes, comme par exemple une priorisation plus claire des tâches, une meilleure répartition de la charge de travail ou encore des périodes de décompression après des deadlines importantes.
Conseil n°2 : co-construisez des plans d’action mesurables
Christophe Nguyen partage trois étapes clés pour bâtir un plan d’action efficace dans le champ de la prévention des risques psychosociaux et du bien-être au travail :
- Impliquer les collaborateurs dès le départ : pour savoir ce qui va ou ne va pas, il faut poser les bonnes questions, en organisant par exemple des ateliers, des groupes de travail ou des enquêtes internes pour comprendre les attentes des équipes. « Cela permet d’aller au-delà des perceptions globales et de cibler précisément ce qui coince », précise l’expert.
- Établir des objectifs concrets et mesurables : réduire le temps moyen passé en réunion de 20 %, augmenter de 10 points le score de satisfaction sur la charge de travail ou limiter les heures supplémentaires, voilà des objectifs précis, atteignables et directement alignés sur les priorités des équipes.
- Suivre et ajuster grâce à des comités de pilotage : « Sans suivi, on ne peut pas savoir si les mesures ont été efficaces », insiste Christophe Nguyen. Les comités de pilotage, composés de RH, de managers et de représentants des salariés, jouent le rôle clé de garder le cap, en ajustant les actions si nécessaire, et en communiquant régulièrement sur les avancées.
Conseil n°3 : promouvez la flexibilité horaire et le droit à la déconnexion
« Les RH doivent favoriser une culture de la transparence et de la communication bienveillante, en établissant des pratiques qui soutiennent les équipes », rappelle Céline Méchain, experte en ressources humaines. Pour alléger la pression au quotidien, la flexibilité horaire fait des merveilles. Elle consiste en la possibilité d’adapter son planning selon ses contraintes personnelles : arriver plus tôt ou plus tard, ajuster une journée de télétravail en cas d’imprévu, ou même organiser ses tâches selon ses pics de productivité. Un souffle d’air dans l’agenda qui peut faire toute la différence.
Son pendant n’est autre que le droit à la déconnexion qui, comme son nom l’indique, est protégé par la loi. Depuis 2016, les entreprises françaises ont l’obligation d’encadrer les pratiques numériques pour garantir aux salariés des moments de repos sans interruption professionnelle. Cela signifie limiter les sollicitations en dehors des heures de travail, réguler les mails tardifs et respecter les plages de repos des collaborateurs.
Conseil n°4 : renforcez la reconnaissance et l’équité dans le management
La sécurité psychologique des équipes passe d’abord par un management juste et bienveillant qui peut recouvrir trois dimensions :
- Faire preuve de reconnaissance : pas besoin de rédiger un poème à chaque fois qu’un collaborateur atteint un objectif, mais un petit mot d’encouragement, un feedback constructif ou une valorisation en réunion peuvent énormément jouer. Un collaborateur qui se sent reconnu aujourd’hui, s’investit d’autant plus demain.
- Établir un cadre clair et équitable : on exclut donc le favoritisme déguisé ou les passe-droits qui plombent l’ambiance. Les collaborateurs ont un radar ultra-sensible pour détecter les injustices. Répartir les tâches de manière équilibrée, garantir des opportunités égales pour tous et communiquer en transparence sur les décisions, c’est poser les bases d’une confiance solide.
- Adopter une posture d’écoute active : « Un salarié verra tout de suite si un manager cherche vraiment à comprendre ses besoins », prévient Christophe Nguyen. Il faut également être attentif aux signaux faibles. Si un collaborateur devient plus silencieux, s’isole ou baisse la tête à chaque réunion, cela peut cacher des tensions qui méritent d’être adressées avant qu’elles ne dégénèrent.
Conseil n°5 : formez et accompagnez les managers
Être manager, c’est savoir jongler entre le stress des équipes, les tensions à désamorcer et le bien-être à préserver. Pour réussir dans ce rôle complexe, Céline Méchain souligne l’importance d’un accompagnement solide, qui commence par la formation. D’abord, à la communication bienveillante, afin d’apprendre à écouter activement, à donner des feedbacks constructifs et à désamorcer les petits conflits avant qu’ils ne prennent des proportions conséquentes. Ensuite, à la gestion du stress, pour détecter les signaux de saturation chez les équipes et trouver des solutions concrètes pour les soulager.
Pour s’assurer que cette formation soit efficace, l’experte recommande de mettre en place des espaces d’échange réguliers avec les RH pour partager leurs problématiques, demander conseil et trouver des solutions. « Cela permet de s’assurer que les managers se sentent soutenus et soient mis en capacité d’appliquer ces principes au quotidien », rappelle-t-elle.
Conseil n°6 : proposez des solutions de soutien
Pour que les collaborateurs se sentent vraiment soutenus au-delà des discours, il faut leur faire bénéficier de ressources concrètes et accessibles. Les consultations psychologiques anonymes, par exemple, sont une bonne façon de briser les tabous autour de la santé mentale. « Faciliter l’accès à des services de soutien aide les collaborateurs à exprimer leurs difficultés et à trouver des solutions dans un cadre sécurisé », explique Céline Méchain. Ces consultations, souvent intégrées à un programme d’aide aux employés (PAE), permettent à chacun de bénéficier d’un soutien sans crainte de jugement ou de conséquences au bureau.
Pour compléter, les outils de feedback anonymes, comme des enquêtes régulières ou des applications dédiées, permettent aux collaborateurs de s’exprimer librement sur ce qui va ou non. Cela aide l’entreprise à comprendre les vrais besoins sur le terrain, tout en créant un dialogue plus constructif entre les équipes et la direction. Sans oublier, le toujours populaire team building. Journée sportive, soirée jeux, atelier cuisine… Peu importe le format, il peut resserrer les liens et renforcer la cohésion d’équipe.
Conseil n°7 : parvenez à convaincre la direction d’investir dans le bien-être
Faire passer le bien-être de « joli concept RH » à « priorité stratégique », pas si simple ? « Pour convaincre la direction, les RH doivent présenter des arguments chiffrés et tangibles », rappelle Céline Méchain. Réduction de l’absentéisme, limitation du turn-over ou encore augmentation de la productivité sont autant de métriques qui touchent directement au portefeuille de l’entreprise et peuvent avoir plus d’impact qu’un long discours. Tout comme miser sur l’image de marque. « *Les attentes sociétales évoluent, et la perception externe de l’entreprise en matière de qualité de vie au travail influence aussi son attractivité », explique Céline Méchain. Traduction : un employeur qui prend soin de ses équipes, ça fait envie, et ça attire les meilleurs profils.
Un autre levier est celui des success stories*, qu’il s’agisse des réussites internes ou des exemples concrets d’entreprises ayant transformé leur performance grâce à des politiques de bien-être.
Reste qu’une entreprise où il fait bon travailler, c’est une organisation qui adopte une approche globale de la sécurité psychologique : où l’on écoute, soutient, ajuste et agit.
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Article rédigé par Sarah Torné et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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