Votre entreprise vous propose des BSPCE : comment ça marche ?

Nov 21, 2022

8 mins

Votre entreprise vous propose des BSPCE : comment ça marche ?
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Sylvain Guillet

Journaliste web

Situons-nous : vous avez envoyé 234 (mille) CV aux recruteurs et vous avez repassé tellement de chemises pour vos entretiens que vous avez une tendinite au poignet. Et là, surprise, vous recevez une proposition d’embauche. Pendant que vous dansez sur la table de votre salon en relisant cette bonne nouvelle, vous remarquez que l'employeur inclut des BSPCE dans son package. Vous froncez alors les sourcils d’un air dubitatif : c’est quoi, les Bons de Souscription de Parts de Créateur d'Entreprise (BSPCE) ? Est-ce que ça vaut vraiment le coup ? Réponse dans cet article.

Sommaire :

  • BSPCE : définition
  • Quelles sont les conditions pour pouvoir bénéficier des BSPCE ?
  • Combien ça peut rapporter, les BSPCE ?
  • Quelle fiscalité s’applique aux BSPCE ?
  • Est-ce risqué de posséder des BSPCE ?
  • BSPCE et démission ou licenciement : comment ça marche ?
  • BSPCE, BPE, stock-options, AGA : quelles différences ?

BSPCE : définition

Les BSPCE sont des bons d’achats délivrés par les dirigeants d’une société à leurs salariés. Ils vous permettent d’acheter des actions - c’est-à-dire des parts de l’entreprise - à un prix déterminé à l’avance, et donc de (potentiellement) vous enrichir si la société se développe. Par exemple, si votre employeur vous propose 50 BSPCE au prix fixe de 5 €, cela signifie que vous obtenez un bon pour acheter 50 actions de l’entreprise pour 5 € par action. En général, les Bons de Souscription de Parts de Créateur d’Entreprise (BSPCE) ne sont utilisables qu’après un certain temps passé dans l’entreprise.

C’est une manière pour une société qui n’a pas encore les moyens d’aligner de gros salaires (coucou les start-ups) d’offrir un complément de revenus à ses employés, tout en leur proposant un intéressement aux résultats de l’entreprise. Et on ne va pas se leurrer : l’argent est un moteur de motivation puissant pour presque tout le monde. Les BSPCE permettent ainsi aux dirigeants de vous récompenser pour votre participation au développement de leur entreprise et de vous rémunérer à hauteur de son succès (si succès il y a). C’est un moyen d’impliquer toutes les équipes plus fortement. Le principe est le même qu’un bonus, à la différence près que la rémunération des BSPCE est déterminée par les bénéfices de l’entreprise, et non pas par vos seules performances individuelles.

Les BSPCE sont également un levier efficace pour recruter des talents. Si vous avez un profil expérimenté, l’employeur va alors vous proposer un solde inférieur à vos attentes, mais en contrepartie vous obtenez des parts de la société ; si l’entreprise décolle, c’est le jackpot assuré. C’est donc un pari à faire sur l’avenir, à condition d’avoir foi dans le projet.

Quelles sont les conditions pour pouvoir bénéficier des BSPCE ?

Pour acquérir des BSPCE, vous devez être salarié de l’entreprise qui émet ces bons, ou travailler dans l’une de ses filiales. Si vous êtes freelance ou consultant, vous n’avez pas le droit d’en posséder.

Sachez que seules les Sociétés par Actions (SA) sont autorisées à attribuer des BSPCE. Cette forme juridique inclut les sociétés anonymes (SA), les sociétés en commandite par actions (SCA) et les sociétés par actions simplifiées (SAS) qui ne sont pas cotées en bourse. Ainsi, si vous avez dans l’idée de négocier des BSPCE avec un recruteur, allez d’abord vérifier sur societe.com si l’entreprise est éligible à ce type de bons.

Par ailleurs, n’oubliez pas que vous ne pouvez pas immédiatement posséder des actions de l’entreprise lorsque vous entrez en poste. L’une des conditions pour pouvoir bénéficier des BSPCE est de respecter le délai convenu au moment de la signature de votre contrat de travail. Les BSPCE (c’est-à-dire les bons, et non l’argent !) s’acquièrent progressivement, au fur et à mesure de votre temps passé dans l’entreprise (par exemple, 2% par mois jusqu’à atteindre 100%). Selon les données recueillies par seedlegals.com auprès de 15 000 start-ups, il faut en moyenne 4 ans pour avoir 100 % des BSPCE en sa possession.

Enfin, pour exercer vos BSPCE, qui ne sont à ce moment-là que des “tickets” sous forme de bons d’achat, vous devez les transformer en actions. Pour cela, il faut obligatoirement remplir et signer un bulletin de souscription qui vous a été remis lors de l’attribution. Ce n’est qu’alors que vous entrerez officiellement au capital de la société.

Combien ça peut rapporter, les BSPCE ?

L’avantage d’un système comme celui des BSPCE, c’est qu’il ne plafonne pas le montant qu’il peut vous rapporter. Rappelez-vous : le prix des BSPCE est fixé à l’avance, ce qui signifie que si votre entreprise prend de la valeur (on croise les doigts), vous allez pouvoir acheter des actions à un prix vraiment intéressant et obtenir une jolie plus-value à la revente.

Le concept est encore un peu flou ? C’est normal. Prenons un exemple pour rendre les choses plus claires : vous êtes entré dans l’entreprise en 2015, et votre employeur vous a offert 5000 BSPCE au prix fixe de 5 €. À l’époque, chaque action de l’entreprise valait 5€. Aujourd’hui, elle a réalisé plusieurs levées de fonds et enregistre une belle croissance. Ce qui fait qu’à ce jour, chaque action vaut désormais 20€. Sauf que vous, grâce à vos 5000 BSPCE, vous pouvez acheter 5000 actions au prix initial de 5€. Si vous revendez ensuite toutes vos actions (à 20€ l’action) vous toucherez ainsi… 100 000 € ! Pas mal comme retour d’investissement, non ? Bien sûr, il arrive que l’entreprise ne prenne pas ou peu de valeur avec le temps, ce qui rend les BSPCE moins intéressants.

Quand peut-on exercer les BSCPE ? Et les revendre ?

C’est à l’employeur, au moment de la signature de votre contrat, de décider à quel moment vous serez en mesure de transformer vos bons (BSPCE) en actions, c’est-à-dire de les “exercer”. Mais en général, il faut compter au minimum 2 ans avant que cela puisse se faire. Après tout, l’un des principaux intérêts des BSPCE pour les employeurs, c’est quand même de fidéliser ses salariés et de les faire participer au développement de l’entreprise !

Comme nous l’avons vu plus haut, nombreuses sont les entreprises qui vous permettent d’acquérir vos BSPCE de manière progressive (par exemple, 2% par mois). Une fois que vous êtes en possession à 100% de vos BSPCE, libre à vous de les transformer - ou non - en actions.

Mais avoir des “actions” dans l’entreprise, à quoi ça correspond ? Cela signifie que vous avez des parts de l’entreprise, un morceau du capital total. L’intérêt, c’est que le prix des actions est fluctuant. Donc si leur prix monte, vous pouvez choisir de les revendre pour réaliser des bénéfices (vu que vous les avez achetés moins chères que ce qu’elles valent maintenant) ou attendre que leur valeur continue à grimper encore davantage. C’est donc à vous de décider quand vendre vos actions.

Quelle fiscalité s’applique aux BSPCE ?

Si on reprend l’exemple précédent, vous avez théoriquement gagné 100 000 € grâce à vos BSPCE, et vous vous imaginez déjà en train d’emmener vos amis et votre chat sur un bateau de croisière direction Miami. Sauf que c’est un peu plus compliqué que ça, puisque les BSPCE n’échappent pas à l’impôt sur les revenus.

La fiscalité applicable dépend à la fois de la date à laquelle vous ont été attribués les BSPCE et de votre ancienneté dans l’entreprise au moment de la revente des actions :

Moins de 3 ans d’ancienneté dans l’entreprise :

  • BSPCE attribués avant 2017 : 30%
  • BSPCE attribués à partir de 2018 : 30%

Plus de 3 ans d’ancienneté dans l’entreprise :

  • BSPCE attribués avant 2017 : 30%
  • BSPCE attribués à partir de 2018 : 12,8%

À cela il faut systématiquement ajouter 17,2 % de prélèvements sociaux. Ce qui constitue une coupe non négligeable dans vos revenus liés aux BSPCE, mais qui devraient tout de même vous en laisser une bonne part pour partir à Miami (peut-être sans votre chat par contre).

BSPCE et démission ou licenciement : comment ça marche ?

L’idylle entre vous et votre entreprise n’a pas fonctionnée ? Ce sont des choses qui arrivent. Si vous quittez votre entreprise (ou qu’on vous met à la porte) mais que vous possédez encore des BSPCE, vous vous demandez sûrement ce qui va se passer.

En général, vous disposez d’un certain délai - qui peut aller de 3 mois à plusieurs années - pour exercer vos BSPCE, et donc transformer vos bons en actions. En fait, tout dépend des clauses de départ qui ont été initialement prévues dans votre contrat. Certains employeurs peuvent tout simplement prévoir la perte immédiate de vos BSPCE si vous quittez le navire. Soyez donc attentif aux conditions qui définissent l’utilisation de vos BSPCE en cas de départ volontaire ou involontaire de l’entreprise. En revanche, si vous n’exercez pas vos BSPCE dans les délais impartis, ils deviennent caducs, ils seront alors perdus à jamais.

Autre cas de figure : vous avez déjà exercé vos bons et possédez donc des actions dans l’entreprise. Votre statut est donc un peu particulier puisque vous êtes un “salarié-actionnaire“. Là encore, les conditions en cas de démission, de licenciement ou de rupture conventionnelle varient selon les clauses définies par l’entreprise. Celle-ci peut difficilement vous exclure de force de votre statut d’actionnaire, mais les pactes prévoient généralement la cession obligatoire de vos actions lors de votre départ. Vous serez alors gentiment amené à vendre vos actions et partir avec l’argent de cette vente (dont le montant dépend du prix de l’action à ce moment-là).

BSPCE, BSA, stock-options, AGA : quelles différences ?

Pas facile de s’y retrouver avec tous ces acronymes, pas vrai ? Découvrons les différences entre ces différents outils destinés à faciliter l’intéressement des salariés au capital d’une entreprise :

BSA (Bon de Souscription d’Actions)

Tout comme les BSPCE, les BSA ne peuvent être émis que par des sociétés par actions (SA, SAS, SCA…). Leur prix est également fixé à l’avance et ils peuvent généralement être exercés après un certain temps. La différence principale réside dans le fait que les BSA ne sont pas seulement réservés aux salariés de l’entreprise ; ils peuvent être librement attribués à des tiers tels qu’un fournisseur, un partenaire, un freelance… ce qui n’est pas possible avec les BSPCE. Les BSA peuvent également être cédés.

Stock-options

Contrairement aux BSPCE, les options ont un coût que vous devez débourser de votre poche. Ce que vous payez, c’est le droit d’acheter une action à un certain coût. Par exemple, imaginons qu’une action dans votre entreprise vaut actuellement 20€, mais vous espérez que dans 5 ans elle en vaudra le double. Dans ce cas, vous allez débourser une certaine somme - disons 2€ par action - pour obtenir des options, ce qui vous donnera le droit dans 5 ans d’acheter les actions de l’entreprise à 20€ l’unité (alors que leur prix réel réel sera de 40€) et de réaliser ainsi une plus-value en cas de revente.

Attribution Gratuite d’Actions (AGA)

Les AGA sont un peu plus simples à comprendre, puisque tout est dans le nom. L’employeur peut choisir d’attribuer gratuitement des actions de l’entreprise à un salarié au terme d’une durée fixée à l’avance. C’est donc différent des BSPCE, qui permettent d’acheter des actions à bon prix, puisqu’avec les AGA les parts dans l’entreprise sont attribuées gratuitement. En revanche, si vous bénéficiez d’AGA, vous ne pouvez pas les céder pendant une période minimum de 2 ans à partir de la date d’attribution.

Les BSPCE en valent-ils la peine ?

Finalement, est-ce que les BSPCE valent vraiment le coup ? Oui, à condition que votre entreprise prenne de la valeur avec le temps. C’est pour cette raison que si on vous propose des BSPCE (souvent en contrepartie d’un salaire de départ moins élevé), vous devez être certain - ou presque - que l’entreprise a de l’avenir. Sans cela, les bons d’achat seraient futiles, puisque leur intérêt réside dans la possibilité d’acheter des actions à un tarif peu élevé lorsque, plus tard, le prix de l’action vaudra plus cher. Et pour cela, il faut de la croissance !

Ainsi, le principal avantage des BSPCE, c’est qu’ils vous permettent d’entrer au capital d’une entreprise à des tarifs préférentiels, là où les investisseurs paieraient beaucoup cher pour être à votre place. Imaginez que vous entriez au capital de Google en 1998, lorsque l’action valait 49 dollars, et que vous choisissiez de vendre toutes vos actions aujourd’hui, sachant qu’elles valent désormais 975,88 dollars l’unité. Ça vaut le coup, n’est-ce pas ?

En revanche, le revers de la médaille, c’est que, BSPCE ou pas, vous n’avez aucune assurance que votre employeur va connaître le succès. Si vous avez commencé à travailler chez Kodak dans les années 70, c’est génial, leur action valait 70 dollars. Sauf que la success story n’a pas duré. Aujourd’hui, une action Kodak vaut… 0,50 dollars. De quoi faire de vos BSPCE un cadeau maudit.

Vous êtes maintenant prêt à mener à bien vos négociations lorsqu’un recruteur vous proposera des BSPCE à votre arrivée dans l’entreprise. Si vous avez toujours rêvé de posséder des parts dans une entreprise, c’est le moment ou jamais.

Photographie par Thomas Decamps, article édité par Gabrielle Predko