Comment identifier la discrimination au travail et agir contre ?
May 30, 2024
4 mins
En France, aujourd'hui, malgré la législation, vous êtes nombreux à subir des traitements injustes dans le cadre professionnel en raison de votre origine, de votre genre ou de votre état de santé. Identifier et réagir face à la discrimination au travail, c’est essentiel ! On vous explique comment l’identifier, et surtout, quels sont les recours face à ces injustices. Décryptage.
Quels sont les chiffres de la discrimination du travail en France ?
La discrimination au travail, en France, est malheureusement loin de faire partie du passé… Au contraire : les conclusions d’un baromètre CEGOS datant de 2022 sont criantes : 74% des salariés en France disent avoir déjà été témoins d’au moins une forme de discrimination et 54% d’entre eux avoir été victimes d’au moins une forme de discrimination. Celles que l’on retrouve le plus ? Les discriminations causées par l’apparence physique, l’origine, l’âge et le sexe.
Les scores sont plus élevés encore chez les 18-24 ans. À l’inverse, les plus de 50 ans sont moins nombreux à observer des actes de discrimination. Des inégalités qui s’exercent principalement à trois moments clé de la vie du salarié : pendant le recrutement, durant l’intégration et à l’occasion d’une éventuelle promotion.
Qu’est-ce que la discrimination au travail ?
La discrimination au travail, on peut la définir comme un traitement inégal fondé sur des critères illégaux. Très concrètement, vous y faites face lorsque des motifs interdits par la loi sont utilisés pour différencier un salarié des autres, sur la base d’un motif tel que le genre, l’âge, la religion ou encore l’état de santé. Mais comment se manifestent ces injustices ? Ça peut être au quotidien ou bien ponctuellement, lors d’un processus de recrutement ou à l’occasion d’une promotion. L’article L.1132-1 du Code du travail liste quatre notions pour définir ces faits : la discrimination directe, la discrimination indirecte, le harcèlement discriminatoire et l’injonction de discriminer.
Comment se caractérise-t-elle ?
Tout le monde peut y être confronté ! Et oui, dans l’entreprise, la discrimination peut surgir à différents niveaux : dans la gestion du personnel, le recrutement, les promotions, les mutations, les renouvellements de contrats, les mesures disciplinaires ou encore les licenciements abusifs. Voici les différents types de discrimination qu’on peut identifier :
- La discrimination directe : Il peut s’agir de l’employeur qui préfère embaucher un homme célibataire qui sera plus disponible grâce à son mode de vie. Autre exemple, un salarié qui participe à une grève et auquel on refuse, à cause de ça, une promotion.
- La discrimination indirecte : C’est par exemple lorsqu’un employeur refuse votre demande de réduire vos heures à la suite de votre congé maternité. On parle également de discrimination indirecte si un employeur rémunère mieux une tâche qu’une autre lorsque l’essentiel des personnes concernées sont des hommes, ou inversement. Par exemple, dans une boucherie, si la découpe des viandes (majorité d’hommes) est mieux payée que leur vente (majorité de femmes).
- Le harcèlement discriminatoire : Ici, il peut s’agir de plaisanteries, de propos déplacés, d’incivilités, de brimades, de mise à l’écart du collectif, du refus d’aménagement horaires pour une personne en situation de handicap ou encore de changement d’affectation inexpliqué, sans lien avec vos compétences.
- L’injonction de discriminer : C’est le fait d’encourager des salariés ou des clients à discriminer. Par exemple, un bureau d’intérim qui donnerait la directive de ne pas recruter de personnes d’origines étrangères pour une fonction.
Quels sont les 26 critères de la discrimination au travail ?
Généralement, quand on est victime d’une discrimination sur son lieu de travail, on le repère assez vite… Mais dans certains cas, on a plus de mal à poser le mot dessus. Pour y voir clair, on peut se référer à la loi française, qui définit 26 critères de discrimination :
- L’apparence physique : vous subissez des remarques sur votre apparence ou votre tenue vestimentaire.
- L’âge : on vous fait comprendre que vous êtes trop jeune ou trop âgé pour le poste ou la mission.
- L’état de santé : on vous reproche d’être malade.
- L’appartenance ou non à une prétendue race : vous subissez des remarques sur vos origines réelles ou supposées.
- L’appartenance ou non à une nation
- Le sexe : vous subissez des remarques sexistes.
- L’identité de genre : malgré votre souhait, on vous mégenre.
- L’orientation sexuelle : vous subissez des réflexions homophobes.
- La grossesse : on vous refuse une promotion parce que vous attendez un bébé.
- Le handicap : on vous refuse un poste en raison de votre état de santé.
- L’origine : vous subissez des remarques sur le fait que vous avez des origines étrangères.
- La religion : on commente vos croyances.
- La domiciliation bancaire : on pointe du doigt la banque que vous avez choisie (par exemple, si vous postuler dans une banque concurrente.)
- Les opinions politiques : on vous reproche vos convictions politiques.
- Les opinions philosophiques
- La situation de famille : on commente votre vie familiale, si vous êtes une mère célibataire, si vous avez des enfants avec une personne du même sexe, etc.
- Les caractéristiques génétiques : un employeur refuse de vous embaucher car il a peur que vous ne tombiez malade, par exemple s’il sait que vos parents sont porteurs d’une maladie génétique.
- Les mœurs : On commente sans cesse votre mode de vie qu’on juge “hors des normes” : cela peut arriver si vous êtes en couple libre ou que vous avez certaines préférences sexuelles connues de vos collaborateurs.
- Le patronyme : on juge votre nom à consonance étrangère, par exemple.
- Les activités syndicales : on vous reproche votre engagement.
- Le lieu de résidence : on pointe du doigt votre lieu d’habitation.
- L’appartenance ou non à une ethnie : vous subissez des remarques sur vos origines réelles ou supposées.
- La perte d’autonomie : on vous reproche, ici encore, votre situation de santé.
- La capacité à s’exprimer dans une langue étrangère : On vous reproche de ne pas maîtriser plusieurs langues (autre que votre langue maternelle).
- La vulnérabilité résultant de sa situation économique : on vous reproche de ne pas avoir suffisamment de moyens.
Que faire en cas de discrimination au travail ?
Si être victime de discrimination est déjà très difficile à vivre, le problème, c’est que prouver qu’on en est victime est tout sauf facile ! L’essentiel ? Collecter des preuves tangibles, telles que des courriels, des lettres ou des témoignages verbaux. Cela permettra de vous constituer un dossier solide si vous décidez de déposer plainte.
Ensuite, il vous faudra informer directement votre supérieur, le Comité Social et Économique (CSE) ou les représentants du personnel sur les faits que vous avez subis. Rassurez-vous : aucune sanction disciplinaire ne menace un salarié qui dénonce des actes discriminatoires, sauf si les allégations sont avérées fausses.
En dehors de l’entreprise, vous pouvez contacter la Défenseuse des droits via une plateforme dédiée ou par téléphone au 3928. Le recours devant le Conseil des prud’hommes contre l’employeur est également une option.
Le dépôt de plainte, lui, peut se faire auprès de la gendarmerie ou de la police, en ligne via une messagerie instantanée, ou en se rendant physiquement au commissariat. La présence d’un avocat n’est pas obligatoire au moment du dépôt de plainte, et en cas de litige, l’article L.1134-1 du Code du travail place la charge de la preuve sur l’employeur pour justifier ses décisions.
Enfin, n’hésitez pas à consulter un psychologue du travail. Les professionnels de santé mentale vous permettront de vous exprimer librement et de partager vos préoccupations en toute confidentialité. C’est une étape essentielle pour valider vos émotions et pour identifier l’impact de ces discriminations sur votre bien-être psychologique. Les grandes entreprises ont généralement un psychologue du travail en interne. Si votre structure est plus petite, alors, il vous faudra vous tourner vers un cabinet indépendant.
Article édité par Gabrielle Predko et Marguerite Valière ; Photo de Thomas Decamps
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