Le talent est-il réellement lié à notre réussite au travail ?
Mar 12, 2024
5 mins
Incontestablement, certaines personnes sont talentueuses. Mozart, par exemple, avait l’oreille absolue à 3 ans et à 6, il composait déjà ses premières œuvres. Mais exception faite de ceux que l’on considère comme des génies à travers l’Histoire, quel est le lien entre talent et réussite dans la sphère professionnelle ? Certains plus que d’autres sont-ils réellement destinés à performer, grâce à une bonne fée qui se serait penchée sur leur berceau à la naissance ?
L’idée de talent rejoint souvent celle de vocation : par une explication naturelle mais mystérieuse, une personne serait comme « prédestinée » à réussir dans un domaine donné. Les professions artistiques ou sportives sont les plus sujettes à ce genre de court-circuits, comme en témoignent l’athlète Usain Bolt, le footballeur Kylian Mbappé ou encore la chanteuse Adèle. Mais parmi le commun des mortels aussi, il n’est pas rare de voir, en entreprise, certains salariés être présentés comme des « perles rares ». S’agit-il alors de collaborateurs plus « talentueux » que les autres ? Quelle aptitude particulière démontrent-ils ? Et joue-t-elle réellement en leur faveur en matière de réussite au travail ?
Talent, es-tu là ?
Selon le Larousse, le talent serait une « aptitude particulière », un « don remarquable », une « disposition ». Concrètement, ce terme désigne, au-delà d’une ou plusieurs compétences -comme la technicité pure, la faculté d’être autonome, le sens des responsabilités…- un potentiel particulier à l’exprimer qui n’est ni complètement inné, ni complètement acquis. Dans l’environnement professionnel, celui-ci se manifeste le plus souvent par la capacité à réaliser une tâche bien mieux que la moyenne, soit de façon plus précise et rapide. Mais, comme le rappelle le sociologue Gérard Mauger dans Talents : de Gérard Depardieu à Bernard Arnault, le concept de talent n’a aucun socle scientifique. « Au lieu de s’extasier devant des prouesses supposées inimitables des “surhommes” du show business, des stades ou du business, il faut rappeler que le “mana” artistique, sportif, scolaire, économique…, n’est jamais qu’un héritage social et/ou une acquisition laborieuse », pose-t-il.
L’expression du talent dépendrait donc de plusieurs facteurs : la génétique, le contexte socio-culturel et socio-économique, le vécu… Autrement dit, un ensemble de critères qui ne relèvent ni du hasard, ni de l’inexplicable, ni même de soi uniquement. « On a tendance à croire que les performances sont individuelles, mais quand bien même certaines personnes ont du talent, la capacité à l’exprimer dépend de plein de facteurs », résume Albert Moukheiber, docteur en neurosciences, psychologue clinicien et auteur. Aussi, une personne peut-elle posséder un talent particulier sans qu’il lui soit d’aucune utilité si elle n’est pas mise en condition de l’exploiter (notamment dans la sphère professionnelle) ou si elle ne travaille pas dans cette voie. Un aspect souvent gommé par le biais de naturalité, ce phénomène qui nous conduit à privilégier la mise en lumière de la personne comme porteuse d’un don inné. « Le talent est très lié au concept de méritocratie individuelle : il est plus simple de dire que l’on réussit grâce à soi et à ses compétences, plutôt que de remettre en question tout le système social et politique », pointe encore notre expert.
La quête de la « perle rare » ou du salarié talentueux
Dans le monde du travail plus particulièrement, le talent est davantage lié aux notions de performance et de reconnaissance. « Il existe deux façons d’envisager le talent en tant que RH, entame Roseline Laloupe, consultante et influenceuse RH. On peut considérer que tout le monde est un talent potentiel à partir du moment où il possède des savoirs-faire, des savoirs-être et un ensemble de connaissances. Ou bien, dans une vision plus affinée, on peut envisager le talent comme une compétence rare et recherchée sur le marché. » Dans ce deuxième cas de figure, le talent peut être un charisme déconcertant, une créativité sans bornes, quelqu’un de particulièrement pédagogue… Une petite musique que Marine connaît bien. Dès le début de sa carrière, elle a rapidement été cernée comme la fameuse « perle rare » ou « pépite » plébiscitée des recruteurs. « On me dit souvent que je sors du lot, à la fois parce que je suis super organisée, que j’impulse une énergie positive et que je fais naturellement des choses auxquelles les autres ne pensent pas », décrit cette employée d’une société de transports.
Une reconnaissance qui lui a valu d’être davantage sollicitée au sein de son service : « Tout le monde adore mes initiatives. Ils sont d’autant plus contents parce qu’ils n’ont rien à faire, tandis que j’aime me montrer pro-active. » Finalement, à force d’être réquisitionnée, Marine a aussi bien plus d’occasions de développer son potentiel que ses collègues. En entreprise, une telle faculté sert à huiler les rouages ou à engranger davantage de profits. En quête de candidats aux compétences rares et recherchées, les recruteurs cherchent ensuite à développer leurs talents, c’est-à-dire à les exploiter pour qu’ils soient toujours plus rentables (quitte parfois à trop tirer sur la corde), puis à les retenir au sein de l’entreprise. « Le monde professionnel est basé sur la compétition, rappelle Albert Moukheiber. On a envie de dire qu’on a les meilleurs employés. » Et en la matière il n’y a pas de secret : parce que ces aptitudes sont une denrée exploitable et monétisable sur le marché du travail, les profils jugés comme les plus talentueux vont davantage avoir accès aux augmentations, promotions et autres mobilités.
Mode d’emploi pour développer votre talent au travail
Bien sûr, n’est pas Mozart, Zidane ou Amy Winehouse qui veut, d’autant plus lorsque l’on parle d’une fibre artistique ou d’une aptitude physique hors du commun. Mais si vous évoluez dans des conditions favorables et que vous avez du temps à accorder au développement de votre potentiel, il est possible de booster et d’exprimer votre talent au boulot.
Conseil n°1 : passez par une phase d’introspection
Avant de développer une compétence, il s’agirait de ne pas s’éparpiller et de savoir sur quoi bosser, précisément. Surtout, évitez de foncer dans un domaine parce qu’il a la côte en ce moment et recentrez-vous sur vous-même. « Il faut commencer par faire votre introspection. Demandez-vous en quoi vous excellez, dans quel domaine êtes-vous naturellement bon. Il doit s’agir d’une démarche personnelle », avance Roseline Laloupe. Pour cela, la consultante RH conseille même de rembobiner vos souvenirs d’enfance : « L’enfance est révélatrice de pas mal de choses et petit, il y a des choses que l’on arrive à faire naturellement, que ce soit à l’école ou à la maison. » À 8 ans, vous étiez bon en cours de théâtre ? Peut-être faudrait-il creuser vers vos modes d’expression et votre aisance à être mis en scène.
Conseil n°2 : développez vos compétences
Une fois le savoir-faire ou le savoir-être dans lequel vous êtes doué identifié, reste à bosser dessus. Vous pouvez vous former ou vous lancer dans des projets professionnels ou personnels qui sollicitent la compétence en question. « Certaines personnes vont également faire appel à des coachs pour développer des soft skills. Par exemple, une personne charismatique peut se faire accompagner par un coach pour conserver cette aptitude et être encore plus talentueuse dans ce savoir-être », illustre Roseline Laloupe, qui met d’ailleurs en pratique ses propres conseils. Créative, la spécialiste RH prend soin de stimuler cette capacité et au quotidien, elle crée des contenus originaux pour ses réseaux et sélectionne des projets dans lesquels elle va devoir innover.
Conseil n°3 : faites votre autopromo
Pour vous élever au travail grâce à vos compétences, encore faut-il que ces compétences soient reconnues par vos pairs. « Être talentueux c’est bien, mais il faut également savoir montrer que l’on a cette compétence rare », avise Roseline Laloupe. LinkedIn, Instagram, un site Internet… Peu importe le support ou le réseau social, ces outils vous permettront de communiquer sur votre travail et de visibiliser le fruit de vos efforts. « Ces derniers mois, on m’a souvent dit qu’on me voyait sur LinkedIn et que j’avais du succès. Je poste régulièrement des tribunes, je prends le temps de créer des prises de parole engagées », abonde Yannis.
« Que vous soyez candidat ou salarié en poste, vous devez vous poser trois questions : Quels sont mes talents ? Comment puis-je les développer ? Comment les communiquer ? », résume Roseline Laloupe. Et si vous n’avez pas de compétence dans laquelle vous êtes particulièrement doué, pas de panique : rien ne vous oblige à entrer dans la course aux talents et à vous charger de nouvelles injonctions.
Article écrit par Pauline Allione et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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