Les pires refus de candidature : « Voici le contact d’un psychiatre »
Mar 28, 2024
4 mins
Mis à part les plus chanceux, on a tous déjà été confrontés à des mails de refus de candidature. Tantôt dénuées d’âme, tantôt justifiées, ces missives ne sont pas sans douleur… Mais si le recruteur ne prend pas de pincettes pour annoncer la nouvelle, ça peut carrément devenir destructeur. Manque de tact, de considération, raison complètement saugrenue… Vous nous avez raconté les pires réponses (négatives) à une candidature.
« Il y a une différence entre savoir et apprendre » - Constance (1), 32 ans, ingénieure dans l’environnement à Paris
Actuellement en pleine recherche d’emploi, je reçois malheureusement fréquemment des mails de refus pour des motifs absurdes. Au-delà des mails automatiques et déshumanisés qui « ne donneront pas suite à ma candidature malgré tout l’intérêt porté à cette dernière », les chargés de recrutement aiment souligner que je n’ai pas d’expérience, alors que j’ai quatre ans d’ancienneté dans mon secteur et que j’avais des responsabilités dans mon précédent poste. Une fois, une chargée de recrutement est même allée plus loin : « Il y a une différence entre recruter quelqu’un qui a de l’expérience et quelqu’un qui sait apprendre ! », a-t-elle osé. Au vu de tout ce qui est écrit dans mon CV, ses paroles étaient incroyablement réductrices.
« Voici le contact d’un psychiatre » - Nicole (1), 32 ans, travaille dans la communication à Paris.
Dix ans en arrière, je sortais d’école quand j’ai postulé à un job de bras droit en marketing dans une jeune start-up. Au moment de recaler ma candidature, le fondateur de l’entreprise en a profité pour me livrer son analyse : « Mon fils est autiste, vu ta mémoire et ton sens du détail tu l’es clairement aussi. On ne peut pas recruter de personnes au profil neurodivergent pour ce poste mais je peux te donner le contact du psychiatre que nous consultons pour lui, il est très bien. » J’étais scotchée ! Je m’attendais à tout sauf à ça. Il avait calqué sa propre histoire avec son fils sur des caractéristiques qu’il pensait avoir décelées chez moi en seulement deux entretiens… Il n’avait que très peu d’éléments pour porter un tel jugement, et cela m’a révoltée de ne pas avoir été retenue au simple motif qu’il a vu en moi des similitudes avec son fils. Rétrospectivement, je trouve irresponsable de la part d’un homme dans la cinquantaine de dire une chose aussi personnelle et déplacée à une jeune fille à peine sortie de l’université.
« Vous êtes trop dans l’affect… » - Jeanne (1), 37 ans, travaille dans la communication à Paris
J’ai récemment été dans la “short list” d’un processus de recrutement pour travailler dans un grand groupe du CAC 40. Même si j’avais une expertise suffisante pour le poste et égale à celle de ma concurrente, je n’ai finalement pas été retenue au motif que l’on « sentait chez moi de l’affect » dans le discours que je tenais sur ma carrière. Pendant l’entretien, j’avais en effet remarqué l’insistance de la recruteuse sur l’un de mes propos, alors que j’étais en train d’expliquer que l’un de mes postes avait été très formateur et que j’avais par ailleurs adoré mon chef. Visiblement surprise, la RH m’a questionnée à deux reprises sur l’emploi du verbe « adorer » qui était, je cite, « un mot très fort ! » Elle cherchait manifestement un robot.
« J’ai du mal à vous mettre dans une case » - Elodie, 35 ans, directrice du développement commercial en région parisienne
Une poignée d’années en arrière, alors que je n’ai même pas 30 ans et que je suis déjà en poste, un grand cabinet de recrutement parisien me chasse pour un poste de direction. Je me présente au cabinet le jour de l’entretien et patiente à l’accueil jusqu’à ce qu’un homme vienne me chercher pour m’expliquer que je vais devoir passer un test de personnalité et un autre de logique avant de débuter l’échange. Je lui rends les tests dans le temps imparti, puis il revient quelques minutes plus tard et s’installe en face de moi, apparemment désemparé : « Ok, bon, heu… Je n’arrive pas du tout à cerner votre personnalité, j’ai du mal à vous mettre dans une case. Nous ne pouvons donc pas réaliser l’entretien ». En entendant ça je bug complètement, ce que le recruteur remarque : « Je suis désolé, vous pouvez rentrer chez vous » ajoute-t-il. J’en suis restée bouche bée ! J’ai en effet un profil multi-potentiel et de surcroît HPE (haut potentiel émotionnel, ndlr), mais pourquoi fallait-il absolument faire rentrer les candidats dans des cases ?
« Nos bureaux ne sont pas aménagés pour les fauteuils roulants » - Mathias, 22 ans, Lyon
Je cherchais mon premier job quand une agence d’intérim m’a convoqué pour un premier entretien. Je me rends dans l’entreprise, rencontre le recruteur, mais j’ai l’impression que quelque chose cloche : il est très froid depuis mon arrivée. Arrivés dans son bureau, il ne nous laisse pas le temps d’entamer l’entretien d’embauche : « Ça ne va pas être possible, nos locaux sont à l’étage et ne sont pas aménagés pour les fauteuils roulants » Pourtant, depuis la loi “handicap” de 2005, les établissements recevant du public doivent être accessibles à toutes les personnes concernées, peu importe leur handicap… Je me suis malheureusement dit que ce ne serait sans doute pas la dernière fois que j’entendrais cette excuse. Pas fun, pour une première recherche d’emploi.
« Elle est pas Chinoise celle-là ! » - Vigdis, 34 ans, PDG de l’entreprise EdTech qui développe des logiciels de formation à Montpellier
J’ai été sollicitée par une maison d’édition pour écrire des manuels pédagogiques en chinois, qui est mon domaine d’expertise puisque j’ai publié cinq ouvrages chez d’autres éditeurs. Le directeur me reçoit, ne me dit pas bonjour, me toise de haut en bas, et lâche : « Ah, elle est pas Chinoise celle-là ! » Vu le ton de cette entrée en matière, j’ai tout de suite su que nous n’allions pas travailler ensemble. Sa remarque déplacée avait d’ailleurs bouché cette opportunité pour moi, puisqu’il cherchait une autrice chinoise. Trop sidérée pour partir, j’ai tout de même subi 20 minutes d’un entretien qu’il a passé à me rabaisser au motif que je n’étais pas Chinoise et qu’il avait pour habitude de travailler avec de « vrais » auteurs… sous-entendant donc que j’étais une impostrice dans mon domaine.
« … » - Audrey, 34 ans, assistante à Paris
Pendant une période où je recherchais activement du travail, la pire réponse de refus était malheureusement aussi la plus courante : l’absence de réponse. Sur 50 envois, j’ai dû avoir deux retours. Une réponse personnalisée reste l’idéal, mais le cas échéant, une réponse automatique reste le minimum. La non-réponse nous laisse dans une attente insupportable, et déshumanise complètement le recrutement. Nous ne sommes pas des choses.
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(1) Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat du témoin.Article édité par Manuel Avenel et Gabrielle Predko, photo Thomas Decamps pour WTTJ*
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