CV, lettre de motivation : ce que l'on écrit... vs ce que cela veut (vraiment) dire

Ce que l’on écrit : « En tant que Chief Marketing Officer, j’ai eu l’opportunité d’initier et de piloter la stratégie de visibilité de l’entreprise. »
Ce que l’on pense : « J’ai créé le compte TikTok de l’entreprise, rédigé les newsletters pendant 6 mois et la boss m’a demandé mon avis sur la mise en page du rapport annuel. »

Ce que l’on écrit : « Maîtrise avancée de Photoshop. »
Ce que l’on pense : « J’utilise Photoshop pour transformer mes photos de vacances en chef-d’œuvres dignes des meilleures galeries d’influenceur, effaçant habilement les doigts de mamie Jeanne qui trouve toujours le moyen de poser son majeur sur l’objectif. »

Ce que l’on écrit : « Je suis profondément motivé par la mission de votre entreprise et son ambition de révolutionner le secteur de l’archivage numérique, et je souhaite ardemment y contribuer. »
Ce que l’on pense : « Vous payez bien, les bureaux sont à 10 minutes de chez moi et vous proposez un abonnement très compétitif à la salle de sport du coin. »

Ce que l’on écrit : « Mon sens aigu de l’organisation me permet de gérer plusieurs projets simultanément avec efficacité et précision. »
Ce que l’on pense : « Je sais tenir mon agenda à jour et me souvenir des anniversaires de mes proches. Si la moitié des boomers savaient faire ça, le monde de l’entreprise se porterait mieux. »

Ce que l’on écrit : « Pratique régulière de la méditation »
Ce que l’on pense : « J’ai téléchargé une application de méditation il y a un an, et elle prend tranquillement la poussière numérique sur mon téléphone. Ma véritable technique zen consiste à prendre de grandes inspirations par le nez chaque fois que je dois consulter mon compte bancaire, espérant que l’air frais fera disparaître les découverts magiquement. Namaste, stress financier. D’ailleurs, c’est payé combien ce poste ? »

Ce que l’on écrit : « Diplômé d’Harvard… »
Ce que l’on pense : « J’ai suivi un MOOC en ligne pendant 10 semaines et j’ai déboursé 219$ pour la certification. Donc techniquement, je suis diplômé d’Harvard… enfin, d’une certaine manière, non ? »

Ce que l’on écrit : « Espagnol : compétences professionnelles limitées »
Ce que l’on pense : « J’ai regardé la Casa de Papel en version originale sous-titrée et je vais en vacances en Espagne tous les étés. Je suis incollable sur les différents ingrédients qui composent les tapas et la sangria, et je peux agrémenter le tout de quelques expressions courantes et bien fleuries. Mais si la conversation dépasse les commandes de bar… bah c’est la mierda ! »

Ce que l’on écrit : « Consultant junior en stratégie »
Ce que l’on pense : « J’ai passé un an à classer des documents, prendre des notes en réunion et aligner les bullet points sur les slides des seniors. La seule stratégie que j’ai pu mettre en place, c’est celle qui m’a permis d’avoir une double ration de dessert à la cantine. Une belle contribution à la vie de l’équipe, si on en croit mes collègues. »

Ce que l’on écrit : « Mes compétences en gestion de projets m’ont permis de mener à bien plusieurs initiatives complexes en respectant les délais et les budgets. »
Ce que l’on pense : « J’organise les vacances d’été de mon groupe d’amis chaque année. Hôtels, restaurants, bus, activités… tout est millimétré, avec une cadence de poney. C’est évidemment moi qui fait les comptes, qui tape sur les doigts de ceux qui veulent faire passer l’achat d’une bouée licorne ou d’une énième paire de lunettes de soleil sur le budget des courses. Alors oui, on peut dire que je suis une vraie as de la calculette et une cheffe de projet hors pair ! »

Ce que l’on écrit : « Maîtrise complète du Pack Office »
Ce que l’on pense : « J’ai réalisé toutes mes présentations de l’année sur Canva, j’organise tous mes travaux de groupe sur Discord… mais je devrais réussir à gérer ces outils de dinosaures en un claquement de doigts, cela ne m’inquiète pas. Word, Excel, PowerPoint ? Facile, je suis prêt à dompter le jurassique numérique. »

Ce que l’on écrit : « Grande capacité d’adaptation »
Ce que l’on pense : « Je change de job d’été tous les ans. »

Ce que l’on écrit : « Passionné de lecture »
Ce que l’on pense : « J’étais abonné à J’aime Lire étant jeune avant que TikTok ne prenne le relais. Maintenant, je suis les influenceurs qui partagent leurs coups de cœur littéraires sur l’appli. Donc tant qu’on ne va pas trop dans les détails, je peux simuler un point de vue éclairé sur tous les derniers Goncourt. En somme, je suis un lecteur de la génération 2.0, expert en synopsis express et en critiques de poche. »

Ce que l’on écrit : « Doté d’un excellent sens du leadership… »
Ce que l’on pense : « J’ai organisé la soirée raclette de Noël, et j’ai convaincu tout le monde - même Jean-Michel - de me suivre au karaoké à la fin de la soirée. »

Ce que l’on écrit : « Formé aux dernières méthodologies agiles, j’ai su les appliquer avec succès dans plusieurs projets pour améliorer l’efficacité de l’équipe. »
Ce que l’on pense : « J’ai googlé rapidement le mot “scrum” en le voyant dans l’offre. Ça n’a pas l’air de casser trois pattes à un canard. Si l’entreprise me rappelle, je regarderai trois ou quatre vidéos sur Youtube pour être sûr de pouvoir en parler avec assurance. Après tout, l’agilité, c’est aussi savoir s’adapter rapidement, non ? »

Ce que l’on écrit : « Mon esprit analytique et ma rigueur méthodologique me permettent de résoudre les problèmes de manière rapide et efficace. »
Ce que l’on pense : « Je suis capable de retrouver mon portable en mode silencieux, même quand il se cache entre les coussins du canapé. »

Ce que l’on écrit : « Passionné par le secteur de l’assurance… »
Ce que l’on pense : « J’ai un crédit sur le dos et j’aimerais pouvoir me payer des vacances cet été. Je suis prêt à tout pour rentrer dans une boîte qui paie bien, offre des primes annuels et neuf semaines de congés. »

Ce que l’on écrit : « Formation continue en management »
Ce que l’on pense : « J’ai assisté à un webinaire gratuit de 30 minutes sur YouTube. »

En fin de compte, que serait un CV ou une lettre de motivation sans un soupçon de créativité et d’embellissement ? Ce serait comme un consultant sans son costume impeccable et ses discours remplis de buzzwords : un peu perdu et sans véritable impact.

Article édité par Aurélie Cerffond ; Photo de Thomas Decamps