Pourquoi faut-il favoriser l’employabilité de vos salariés (et comment s'y prendre) ?

08. 7. 2024

4 min.

Pourquoi faut-il favoriser l’employabilité de vos salariés (et comment s'y prendre) ?
autor
Laure Girardot

Rédactrice indépendante.

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L'employabilité n’est pas une tocade RH. Elle est un engagement réciproque qui garantit la performance et la durabilité d'une entreprise, tout en assurant aux collaborateurs la sécurité dans leur emploi et des perspectives de carrière.

D’après l’Organisation internationale du travail (OIT), l’employabilité se définit comme « l’aptitude de chacun à trouver et conserver un emploi, à progresser au travail et à s’adapter au changement tout au long de la vie professionnelle ». Les travailleurs doivent donc s’adapter rapidement aux évolutions de leur métier pour maintenir leur performance. Les entreprises, quant à elles, ont tout intérêt à miser sur leur évolution pour rester compétitives.

L’employabilité peut être évaluée en se basant sur plusieurs critères essentiels : tout d’abord, les compétences techniques (hard skills) telles que la maîtrise des langues, des outils, des logiciels, et des langages informatiques. Ensuite, les compétences comportementales (soft skills) comme l’autonomie, l’esprit d’initiative, et la communication efficace jouent un rôle crucial. Les savoirs académiques, ainsi que les expériences professionnelles sont également pris en compte.

Cette évaluation continue est généralement réalisée par le manager lors des entretiens annuels et discutée avec les ressources humaines lors des entretiens professionnels. Comment assurer le maintien de l’employabilité dans le temps ? Comment intégrer la complexité des changements contextuels dans cette évolution ?

Employabilité : pourquoi faut-il s’y intéresser davantage ?

Rester employable est d’abord un droit. L’article L.6321-1 du Code du travail stipule que l’employeur est tenu d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, en tenant compte des évolutions technologiques et organisationnelles. Il peut proposer des formations, y compris numériques, et lutter contre l’illettrisme. Le non-respect de ces obligations expose l’employeur à des litiges potentiels. Un salarié licencié pour insuffisance professionnelle peut donc contester son licenciement, en prouvant que l’entreprise n’a pas investi dans sa formation ou son adaptation au poste.

Et si cela ne suffisait pas, Luc Bretones, fondateur de NextGen et expert en nouvelles gouvernances, évoque, quant à lui, quatre raisons phares expliquant l’importance de l’employabilité des salariés :

  • La volatilité des rôles et la diminution de la durée de vie des compétences : les rôles professionnels évoluent rapidement et les compétences deviennent obsolètes plus vite. En 2018, Philippe Burger, ancien associé Conseil, Capital humain chez Deloitte, alertait sur le fait que « la “demi-vie” d’une compétence professionnelle (période au bout de laquelle 50% de son impact ou de sa pertinence disparaît) est aujourd’hui de moins de 5 ans, alors qu’elle se situait aux alentours de 30 ans dans les années 80 ». Selon les données de l’OCDE, une compétence technique aurait même une durée de vie qui oscille entre 12 et 18 mois. Il est donc crucial d’avoir des employés constamment à jour sur les évolutions du marché pour rester compétitif.

  • Le besoin de compétences pour maintenir l’innovation et la différenciation : pour une entreprise, « renforcer l’employabilité de ses collaborateurs représente un impératif majeur en termes de performance », souligne Luc Bretones. Garantir que chaque individu possède les compétences nécessaires pour accomplir efficacement ses missions est essentiel pour maintenir sa compétitivité sur le marché. Notre experte Céline Méchain, DRH freelance, corrobore cette vision en soulignant le fait qu’ « investir dans l’employabilité, c’est investir dans l’avenir ».

  • La facilité de gestion des transitions professionnelles : sur un marché du travail de plus en plus fluide et diversifié, une employabilité élevée facilite les transitions professionnelles, que ce soit pour l’employeur ou pour le salarié lui-même. On observe ainsi une augmentation significative du nombre de reconversions professionnelles : en 2022, 35,8% des salariés ont entrepris une transition professionnelle, contre 26,2% en 2017, que ce soit par choix ou par nécessité. Les carrières professionnelles actuelles sont, en effet, de moins en moins linéaires, mettant fin aux trajectoires rectilignes traditionnelles.

  • L’autonomie dans la gestion de sa carrière : dans un contexte où les carrières sont moins linéaires et où les modèles d’emploi évoluent, notamment avec l’émergence des plateformes, l’employabilité renforce l’indépendance professionnelle des individus. Comme le souligne Céline Méchain, « si l’employabilité est une responsabilité partagée entre l’entreprise et le salarié, chaque individu doit prendre conscience de l’importance de son propre développement professionnel ». Ceci permet à chacun d’être acteur de son projet professionnel, ce qui est essentiel dans un environnement où le rapport au travail se transforme.

Entreprises : cinq actions à mener pour nourrir l’employabilité de ses équipes

« L’employabilité est avant tout une affaire individuelle ; les salariés ne devraient pas se reposer uniquement sur leur entreprise », pose clairement Céline Méchain. Sa recommandation ? Chacun doit adopter une vision holistique et proactive de sa carrière, en misant notamment sur la formation en continu, des échanges réguliers avec son RH, ou encore en mettant en place une veille technologique.
Néanmoins, comme vu précédemment l’entreprise a tout à gagner à favoriser l’employabilité de ses équipes. Là encore, Luc Bretones propose la mise en place de cinq mesures phares.

Conseil n°1 : faire de chaque mission un apprentissage

Selon notre expert, chaque mission ou projet permet aux individus de développer de nouvelles compétences. Ce modèle, similaire à celui des cabinets de conseil, favorise le transfert de compétences à travers les savoir-faire acquis sur le terrain, que les acteurs peuvent essaimer auprès de l’organisation, via leurs pairs ou leurs équipes.

Conseil n°2 : créer des réseaux de compétences

En complément des formations traditionnelles, qui sont souvent longues à mettre en place, des réseaux informels se forment de plus en plus autour des compétences spécifiques internes. « Ces communautés passent du temps à partager des savoirs par le mimétisme, le partage de bonnes pratiques et l’étude de cas clients structurés », explique Luc Bretones. Pour que ces réseaux fonctionnent, il est nécessaire de les structurer. « Pour faciliter l’apprentissage transversal et la pollinisation des connaissances, la mise en place d’une méthodologie, ainsi que d’un outil de communication (réseau social) pour faire circuler l’information sont importants », préconise-t-il.

Conseil n°3 : encourager le shadowing et la « capture » du travail réel

L’observation directe du travail et des pratiques des meilleurs permet un apprentissage immersif et efficace, « souvent plus adapté aux défis opérationnels que les formations top-down et standardisées ».

Conseil n°4 : mettre en place une veille interne et la diffuser

Les entreprises doivent être à l’écoute des tendances du marché et des besoins des clients pour choisir les compétences à développer. « C’est le rôle des “champions” internes ou des leads de communautés d’expertise : ces derniers sont à la pointe des sujets puisqu’ils ont généralement comme prérogatives d’écrire sur leurs sujets de prédilection ou de participer à des événements pour être à l’écoute des tendances. »

Conseil n°5 : faire appel à des experts externes

« Parfois, les entreprises ne sont pas toujours au clair sur les sujets à traiter, ni sur la manière de les diffuser dans leurs réseaux internes. Des experts peuvent proposer des cas concrets et des exemples pratiques, comme des use cases en intelligence artificielle. » Cela peut prendre la forme de conférences ou de soutien aux communautés internes pour les aider à formaliser des formations adéquates et en phase avec les problématiques métiers.

Article rédigé par Laure Girardot et édité par Mélissa Darré, photo Thomas Decamps.