Personnalisation : 6 conseils pour une expérience collaborateur sur-mesure
07. 10. 2024
6 min.
Depuis la pandémie, les attentes des collaborateurs ont évolué, avec une forte demande de flexibilité et de personnalisation. Comment les entreprises peuvent-elles réinventer l’expérience collaborateur pour répondre aux besoins individuels, tout en préservant l’équité collective ?
Jacob Morgan, expert en leadership et auteur de The Employee Experience Advantage, définit l’expérience collaborateur comme « l’ensemble des perceptions qu’un employé a de son entreprise tout au long de son parcours professionnel ». Selon lui, le parcours repose sur trois principaux environnements d’égale importance : culturel, technologique et physique. Depuis quelques années, le sujet est d’ailleurs devenu une priorité pour les entreprises, au même titre que l’expérience client selon Céline Méchain, DRH freelance. « Certaines se soucient de l’expérience collaborateur de la même façon qu’elles s’intéressent à l’expérience client, en mesurant le turn over comme elles mesurent le taux d’attrition de leurs clients. L’une des missions de l’équipe RH est d’attirer, de comprendre et de fidéliser le collaborateur… et d’enchanter son expérience au travail », pose notre experte.
Depuis la pandémie, les collaborateurs sont, en effet, plus attentifs à leur bien-être et à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. À ce titre, 80% d’entre eux estiment qu’une expérience personnalisée au travail influence positivement leur engagement et leur satisfaction, selon une étude Deloitte de février 2024. Et le résultat est parlant : les entreprises qui optent pour cette approche dans la gestion de leurs talents voient la rétention de leurs salariés augmenter de 25 %. Comment se lancer dans la mise en place d’une telle méthode ? Et surtout comment personnaliser sans étioler le collectif ?
Expérience collaborateur : le socle des fondamentaux avant les paillettes
« Il faut avant tout respecter les attentes primaires, c’est une marque de reconnaissance et de considération », insiste Audrey Richard, DRH Groupe chez Canal+ et présidente de l’Association nationale des DRH (ANDRH). Selon cette dernière, cela comprend plusieurs attributs : un package salarial compétitif, une bonne intégration et un suivi professionnel régulier. « Si l’on fait tout le reste sans s’assurer que cette base est respectée, cela n’aura pas la même teneur. »
Cette approche fait écho à la théorie bifactorielle du psychologue américain Frederick Herzberg qui distingue :
- Les facteurs d’hygiène : rémunération, conditions de travail, relations interpersonnelles… nécessaires pour éviter l’insatisfaction mais insuffisants pour générer de la motivation
- Les facteurs de motivation : reconnaissance, développement personnel… qui créent de l’engagement et de la satisfaction. Une fois que les basics sont installés, les entreprises peuvent se concentrer sur les facteurs de motivation, tels que la flexibilité, la reconnaissance et la quête de sens.
« Les talents ne veulent plus d’un discours marketing déconnecté de leur réalité quotidienne. Les organisations qui mettent l’accent sur des actions responsables, la transparence et la considération humaine, plutôt que sur des artifices, sont celles qui gagnent la confiance et la fidélité de leurs équipes », affirme Céline Méchain. Un ressenti partagé par Indya Pereira, ancienne salariée chez Lalilo : « C’est une entreprise qui a pleinement intégré les principes de Frédéric Laloux, fondés sur l’auto-gouvernance et la sollicitation d’avis. Cela se manifeste dès le processus de recrutement, avec une grande transparence et une attention particulière accordée aux candidats. » L’onboarding est également soigneusement orchestré, avec un accompagnement personnalisé par deux « buddies » non hiérarchiques.
6 conseils pour booster l’expérience collaborateur sans nuire au collectif
Conseil n°1 : écoutez activement les attentes de vos salariés
Du recrutement à l’offboarding, quels sont les facteurs de motivation à privilégier ? Pour Céline Méchain, la manière adéquate de les identifier est l’écoute des besoins. « Il faut réaliser régulièrement des enquêtes internes pour cerner les besoins réels. Des outils comme les entretiens de feedback ou les questionnaires anonymes permettent de recueillir des retours sincères », conseille la DRH freelance. Une posture qui répond, selon elle, à une demande croissante d’authenticité de la part des entreprises. Une fois les besoins spécifiques des collaborateurs (télétravailleurs, jeunes parents, salariés proches de la retraite…) recueillis, il s’agit d’en dégager des tendances, qu’elles soient globales ou propres à certaines catégories de salariés (jeunes parents, télétravailleurs, managers…). « Les dirigeants de Lalilo ont mis un point d’honneur à être attentifs aux ressentis des équipes : durant mon expérience, on me posait régulièrement des questions pour savoir comment je me sentais, ce dont j’avais besoin », témoigne Indya Pereira.
Conseil n°2 : co-créez leurs expériences collaborateurs à leurs côtés
Après la collecte d’informations, des ateliers participatifs ou des comités réunissant collaborateurs et RH peuvent être organisés pour identifier les dispositifs et actions prioritaires. « Plutôt que de déployer des solutions préconçues, les entreprises doivent se concentrer sur des mesures ayant un impact concret sur la qualité de vie au travail », explique Céline Méchain. Pour cela, il est essentiel d’intégrer des représentants de différents départements : « Ainsi, l’entreprise peut s’assurer que les solutions mises en place sont en phase avec la réalité des équipes. »
Grâce à cette approche participative, les talents prennent conscience que leurs revendications sont entendues et que des actions concrètes répondent à leurs attentes individuelles. « Chez Lalilo, grâce à l’auto-gouvernance, chacun peut co-construire son propre parcours collaborateur : tous les trois ou six mois, chaque salarié se réunit avec deux personnes de son choix pour faire un point d’étape, évaluer ses axes d’amélioration et définir les moyens pour y parvenir (mentoring, coaching…). C’est au cours de l’un de ces points que j’ai décidé de réorienter ma carrière. L’entreprise m’a permis de suivre une formation financée et de bénéficier d’un accompagnement personnalisé », raconte Indya Pereira.
Conseil n°3 : misez sur l’individualisation en matière de flexibilité et télétravail
La pandémie a fait évoluer les attentes vers plus de flexibilité, avec un intérêt marqué pour les modalités de travail hybrides ou à distance. Quel que soit leur âge, les talents classent en effet la flexibilité comme critère clé après le salaire (63 %), le plaisir au travail (44 %) et la sécurité de l’emploi (34 %). Comment cela se traduit en matière d’expérience collaborateur ? « Par la proposition d’un éventail de services modulables qui correspond aux différents moments de vie des collaborateurs », explique Céline Méchain. Entre télétravail, présentiel ou un mix des deux, de plus en plus d’entreprises permettent à leurs talents de choisir la modalité qui leur convient en phase avec les différents moments de vie.
La semaine de quatre jours en est un exemple chez Lalilo. « C’est une option laissée à la discrétion des équipes : elles s’organisent de manière autonome, ce qui renforce l’engagement », indique Indya Pereira.
On peut également transposer cette flexibilité au package salarial avec une offre sur-mesure. Appelés « flexible reward plans » ou « cafeteria plans », ces politiques salariales à la carte permettent aux collaborateurs de recevoir, en plus de leur salaire fixe, des points à convertir en avantages extra-légaux. Par exemple, ils ou elles peuvent opter pour des congés supplémentaires, investir dans de l’épargne salariale, profiter d’une voiture de fonction, abonder leur assurance hospitalisation ou encore réaliser des formations spécifiques… Cette proposition – développée en Belgique – reste encore sporadique en France.
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Conseil n°4 : faites du bien-être et de la santé mentale un enjeu prioritaire
« La santé mentale et le bien-être émotionnel sont devenus des enjeux centraux en post-COVID, avec une prise de conscience accrue des entreprises quant à l’importance de soutenir leurs équipes », souligne Audrey Richard. En effet, l’édition 2024 du Baromètre Absentéisme initié par Malakoff Humanis met en lumière un niveau notable avec 42 % des salariés arrêtés au moins une fois cette année. Plus particulièrement, on remarque un enracinement des arrêts pour troubles psychologiques : ils représentent toujours 15 % des arrêts maladie et 25 % des arrêts longs.
Les entreprises doivent mettre en place des solutions concrètes, incluant des formations spécifiques sur la santé mentale à destination des managers et des équipes RH, afin de les sensibiliser à la gestion de problématiques telles que le stress, l’anxiété et la surcharge mentale. Parallèlement, il est essentiel de proposer un soutien psychologique aux collaborateurs, sous forme de consultations ou d’accès à des plateformes spécialisées. « Les entreprises offrant des services de soutien, comme des espaces de discussion sur le stress, l’anxiété ou la surcharge mentale, sont particulièrement bien perçues », insiste Céline Méchain.
Conseil n°5 : optez pour une expérience collaborateur incarnée à travers la contribution individuelle
Audrey Richard rappelle que toutes ces initiatives doivent s’inscrire dans une réflexion plus large sur l’utilité sociale et la quête de sens, des aspects de plus en plus recherchés par les salariés. Selon la présidente de l’ANDRH, la notion de contribution individuelle est particulièrement intéressante pour nourrir une expérience collaborateur incarnée. « Quelle est ma contribution au sein de l’organisation ? C’est la question essentielle à laquelle les entreprises doivent répondre avec chacun de leurs talents.* »
En effet, si les talents parviennent à comprendre et à valoriser leur rôle au sein de l’équipe et de l’organisation, « cela profite à tout le monde, tant en termes d’engagement que de performance collective ». Elle souligne que cette réflexion est encore négligée dans les entreprises, car elle exige un effort collectif impliquant les RH, les partenaires sociaux, les managers et les salariés eux-mêmes.
Conseil n°6 : personnalisez sans disloquer le collectif
Si les entreprises sont plus attentives aux attentes des salariés et des candidats, jusqu’où la personnalisation doit-elle s’étendre ? « Avant le COVID, le rôle des RH consistait à gérer principalement le collectif. Pendant la pandémie, nous avons dû traiter des situations individuelles, et les salariés se sont habitués à cette approche personnalisée. Or, aujourd’hui, nous devons replacer le curseur vers plus de collectif, sans faire un coup de balancier vers le monde d’avant », explique Audrey Richard. Sa vision ? L’approche collective, avec l’enjeu de maintenir l’équité, se gère au travers d’accords d’entreprise, mais avec une attention particulière aux besoins individuels. Un beau défi social pour les années à venir.
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Article rédigé par Laure Girardot et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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