5 causes de la hausse de l’absentéisme au travail (et nos conseils pour y remédier)
15. 6. 2023
5 min.
En douze ans, l’absentéisme au travail a connu une hausse notable de 75 %, avec 25 jours d’absence par an et par salarié. Un phénomène inquiétant qui, au-delà des conséquences de la pandémie, révèle des tendances, voire problématiques de fond. Lesquelles sont-elles et comment les prendre à bras le corps ? Eléments de réponse avec notre experte du Lab Laetitia Vitaud.
Burn-out, anxiété, maladie, fatigue… Les derniers baromètres en date révèlent des taux record d’absentéisme sur ces quinze dernières années. Celui de Malakoff Humanis de 2023 décompte 50 % des salariés du secteur privé ayant été absents au moins une fois en 2022, parmi lesquels les managers ne font pas exception avec 53 % à avoir posé un arrêt maladie. Même chose selon les chiffres publiés par le cabinet Ayming et le service de protection sociale AG2R la mondiale, avec une hausse spectaculaire de 75 % de l’absentéisme en douze ans !
Alors oui, 2022 a été une année particulière avec ses épidémies de Covid, de grippe, de bronchiolite et de rhumes en tous genres. Mais on aurait tort de croire que l’augmentation de l’absentéisme n’est qu’un phénomène conjoncturel. Les arrêts longs causés par le stress, la dégradation de la santé mentale ou de mauvaises conditions de travail sont en hausse. Un signal dont il est essentiel de prendre la mesure, au risque de voir ces chiffres continuer d’augmenter à l’avenir. Voici 5 raisons pour lesquelles l’absentéisme est en hausse et ce que vous pouvez mettre en œuvre pour le prévenir.
Limiter les maladies courantes, première cause de l’absentéisme
Comme l’indique le baromètre de Malakoff Humanis, la hausse des « maladies courantes » et le Covid ont représenté l’an dernier les premières causes d’arrêt maladie. On comprend bien pourquoi : relativement protégés quand nous portions des masques avec discipline, nous avons été rattrapés par certaines maladies avec le relâchement des gestes barrière. Ce phénomène est en partie conjoncturel, mais il pourrait cependant devenir plus courant à l’avenir.
En effet, le 6e rapport du GIEC est sans appel : le réchauffement climatique aura un impact sur la prévalence et la distribution de certaines maladies courantes. L’augmentation des températures, les modifications des précipitations et les événements météorologiques extrêmes influencent la propagation des maladies transmises par les moustiques ou les mouches par exemple. De plus, les changements climatiques peuvent affecter la qualité de l’air, l’accès à l’eau potable et les ressources alimentaires, ce qui risque d’entraîner une augmentation des maladies respiratoires et/ou liées à la digestion.
Ce que vous pouvez faire : au mieux, vous pouvez être acteur de la lutte contre le changement climatique. Mais même en étant moins ambitieux, deux actions essentielles sont à la portée de tout employeur :
- Favorisez le télétravail et les arrêts maladie de courte durée : pour éviter la propagation en cas d’épidémie (de grippe, de gastro, etc)
- Agissez sur la prévention : en sensibilisant, informant et éduquant les salariés sur les risques sanitaires.
Épouser le vieillissement de la population active
Je suis la première à répéter que le vieillissement est un cadeau et non un fardeau. Il n’en demeure pas moins que celui-ci a des conséquences importantes sur le travail qui ne devraient pas être ignorées. D’après l’Insee, en 2023, l’âge médian des femmes est d’environ 44 ans et celui des hommes de 41 ans. Des âges auxquels on commence à les appeler « senior » au travail, et qui par conséquent signifie que la moitié des actifs sont des seniors.
Or le vieillissement reste globalement impensé par le monde du travail. On n’évoque que timidement les ajustements ergonomiques qui rendraient le travail plus aisé aux personnes fatiguées, dont les corps sont parfois endoloris. Certains cadres qui vieillissent voudraient ne plus manager et profiter de mobilités intéressantes. On commence à peine à parler des symptômes handicapants de la ménopause dans cette sphère, alors que d’ici quelques années une majorité des femmes sera ménopausée.
Ce que vous pouvez faire : ne laissez pas de côté le sujet du vieillissement trop souvent envisagé comme une fatalité :
- Améliorez l’ergonomie au travail : des conditions de travail plus confortables, un équipement adapté, la possibilité de télétravailler (quand c’est possible), un emploi du temps aménagé… profitent à tous vos salariés et peuvent améliorer également la rétention des jeunes. Qui peut le vieux peut le mieux (et inversement) !
- Sortez de la vision linéaire de la carrière : il est indispensable d’apprendre à dépasser la conception « formation-carrière-retraite » pour mieux recruter et manager des personnes d’âges divers, dont les parcours sont atypiques et faits de reconversions multiples.
Interroger les conditions de travail de votre structure
Qu’il s’agisse de l’épuisement, du stress, des troubles psychologiques ou musculosquelettiques, plusieurs causes importantes de l’absentéisme s’expliquent par des conditions de travail dégradées. D’après le baromètre de Malakoff Humanis, les arrêts longs ont doublé en trois ans. Il faut souligner le cercle vicieux lié à l’absentéisme lui-même : quand il y a davantage d’absents, la charge de travail augmente pour ceux qui restent et ils sont alors plus susceptibles de s’absenter à leur tour. Parmi les emplois de service en forte augmentation notamment, la pénibilité est insuffisamment prise en compte et les problèmes de santé se multiplient.
D’autres facteurs de dégradation concernent les situations de vie. L’inflation ou les problématiques de transport sont un cocktail explosif pour l’absentéisme ! Les travailleurs dans les services de proximité (hôtellerie-restauration, soin, enseignement…) habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail face à l’augmentation plus rapide des prix du logement versus celle de leurs revenus. Par conséquent, ils s’épuisent lors de trajets plus longs. Plus généralement, l’augmentation de la précarité et le risque de pauvreté sont déterminants pour la santé et l’absentéisme.
Ce que vous pouvez faire :
- Réduisez la charge de travail de vos équipes : de manière à la rendre soutenable
- Offrez des vrais temps de repos pour que les salariés puissent récupérer. La baisse des cadences n’est pas qu’un facteur de bien-être, il en va de la productivité à long terme.
- Accompagnez vos salariés sur les sujets de logement et de mobilité : certaines aides au logement peuvent faire la différence pour vos collaborateurs
Tenir compte de l’augmentation des actifs « caregivers »
Une partie non négligeable de l’absentéisme s’explique par les proches des salariés — enfants, conjoints, parents, amis. Les parents de jeunes enfants, en particulier les mères, sont régulièrement confrontés à des contraintes inopinées qui bouleversent leur agenda professionnel : maladies des enfants, grève du personnel, difficultés à trouver des modes de garde…
Et à la parentalité s’ajoute l’aidance : un peu plus d’un actif sur 5 est aujourd’hui aidant. D’ici 2030, c’est un quart des salariés qui seront concernés. Le care apporté aux autres dans la sphère privée a donc des conséquences concrètes sur la capacité des collaborateurs à venir au travail régulièrement. Quand le soutien institutionnel (crèches, sécurité sociale, Ehpad, institutions de santé…) se dégrade, davantage d’individus sont empêchés de travailler, même les managers !
Ce que vous pouvez faire : de nombreux employeurs commencent à comprendre le rôle critique qu’ils peuvent jouer pour aider les salariés caregivers au quotidien :
- Accompagnez les salariés parents : crèches d’entreprise, congés supplémentaires, aménagement du travail, télétravail… ne sont pas seulement des « cadeaux » mais aussi le moyen de maintenir ces collaborateurs au travail.
- Épaulez les salariés aidants : il existe différentes manières de faciliter la vie des aidants à travers un niveau suffisant de considération, de reconnaissance et d’accompagnement.
Lutter contre le fléau du stress managérial
Toujours selon le baromètre de Malakoff Humanis, les managers sont particulièrement touchés par l’absentéisme en ce qu’ils montrent des signes de stress et de désengagement de plus en plus importants. Ils rencontrent notamment plus de difficultés dans leur rôle de manager : dans un contexte de travail hybride, c’est plus dur de détecter la vulnérabilité des gens et de bien répartir la charge de travail.
Sans compter que les managers sont fortement concernés par le stress causé par des usages numériques débordants : messageries multiples, emails plus nombreux, connexion permanente… Loin de se reposer suffisamment, ils partent en « tracances », restant ainsi connectés pendant leurs congés. Résultat ? Ils sont plus enclins aux burn-out, s’absentent davantage et exercent moins bien leurs prérogatives, ce qui n’est pas sans lien avec l’augmentation de l’absentéisme des équipes… Encore un cercle vicieux !
Ce que vous pouvez faire :
- Permettez à vos managers d’être exemplaires en matière d’usages numériques et de droit à la déconnexion : puisqu’ils donnent l’exemple au reste de l’équipe, les managers jouent un rôle-clé en matière d’absentéisme. Qu’il s’agisse de rythmes de travail soutenables, de congés déconnectés, d’horaires raisonnables et de tous les comportements vertueux de la vie du taf, c’est par les managers que tout peut commencer ! Une telle réflexion de fond peut contribuer à réduire le stress ressenti au travail.
Article édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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