Managers : les meilleurs rituels à mettre en place au sein de votre équipe
04. 9. 2024
10 min.
Issu de traditions culturelles et/ou religieuses, le rituel a trouvé sa place dans le monde de l’entreprise comme un élément clé du fonctionnement d’une équipe. Sous réserve, néanmoins, d’y attacher l’attention qu’il mérite. Manager, si vous vous sentez loin du chaman et de ses rites initiatiques, comment faire de vos rituels des rendez-vous énergisants et positifs pour vos collaborateurs ?
« Un bon rituel est celui qui met en mouvement le collectif », assure le réuniologue Louis Vareille. Tel un chaman, le manager trouve dans ces rituels d’équipe l’occasion de canaliser les énergies au service de sa communauté. « Le rituel, quand on le considère au sens premier, est un moment de passage, poursuit l’expert. Comme dans les tribus amazoniennes ou dans certaines religions, il renvoie à la culture et à l’histoire. » Lorsqu’il fonctionne, c’est donc tout sauf un instant répétitif, mais un moment unique et puissant qui renforce l’appartenance à la communauté. Alors pourquoi ces rituels sont-ils vécus par certains comme l’expression de la fameuse réunionite ? Sur lesquels miser et comment les mettre en œuvre pour convaincre ses collaborateurs ?
Des rituels d’équipe comme autant d’avantages spécifiques
Du latin « ritus » qui signifie ordonnancement, le rituel s’entend comme un processus intentionnel qui donne un sens certain à une activité. Bien plus qu’une simple routine, Ludovic Girodon, conférencier et auteur spécialiste en management y voit « un moment privilégié inscrit à l’agenda, où l’on sort de l’opérationnel et du quotidien qui, souvent, prennent le dessus ». En bref, il s’entend comme un rendez-vous qui permet aux membres de l’équipe de s’arrêter pour prendre de la hauteur et entrer en connexion les uns avec les autres. À condition, néanmoins, d’être « récurrents et obligatoires, et concerner toute la communauté », ajoute notre expert. Des temps forts stratégiques dont on perçoit d’autant plus l’importance à la fois au regard du contexte économique et social incertain, qu’aux modes d’organisation du travail hybrides qui nécessitent de se reconnecter davantage.
Car les rituels nourrissent de multiples intérêts :
- Assurer un alignement des enjeux : il aide manager et collaborateurs à définir un cadre clair réduisant le stress et l’incertitude, mais aussi à regarder ensemble régulièrement dans le rétroviseur pour faire le point sur les actions menées, les résultats obtenus et les objectifs qu’il reste à atteindre.
- Valoriser le travail de son équipe : certains rituels spécifiques permettent de mettre en lumière le travail accompli au-delà des résultats, permettant aux collaborateurs de se sentir valorisés, au point de chercher à maintenir un haut niveau de performance.
- Encourager la communication : à travers des moments où les employés peuvent échanger des informations et exprimer leurs idées librement, améliorant de fait la transparence et la circulation de l’information, et permettant une meilleure compréhension des messages.
- Renforcer la cohésion et le sentiment d’appartenance : par le biais d’opportunités pour les employés de se connaître et de tisser des liens, que ce soit dans ou en dehors du contexte strictement professionnel. Le développement de cet esprit d’équipe permet alors une meilleure collaboration et communication entre les collaborateurs, la réduction des conflits internes grâce à une bonne compréhension mutuelle, mais aussi un sentiment accru de solidarité.
- Encourager l’innovation et la créativité : certains rituels vont encourager les employés à penser de manière créative et innovante, notamment en matière de résolution des problèmes ou pour expérimenter de nouvelles approches. Un atout indéniable pour assurer la compétitivité de l’entreprise sur le marché.
Mais si les rituels présentent autant de bienfaits, comment se fait-il que nous soyons si nombreux à traîner des pieds pour assister à cet énième créneau marqué à l’agenda ? « On a dégradé le rituel en oubliant sa raison d’être », déplore Louis Vareille. Dit autrement, à force de se réunir à tout bout de champ sans savoir pourquoi, ces rassemblements ont été vidés de leur substance. Et du petit cercle initiatique où circulent les énergies fluides, le rituel est devenu un moment énergivore et, parfois, désengageant. Comment alors retrouver le juste équilibre en instaurant des rituels qui permettent de transformer l’environnement de travail en un espace plus collaboratif, motivant et épanouissant ?
La préparation, le b.a.-ba de tout rituel d’équipe
Si chaque rituel est un voyage, les participants doivent se comporter à la fois en passagers et en conducteurs. Dit autrement, pas question de s’y rendre les mains dans les poches. « Ce n’est pas au manager de parachuter le rituel dans l’agenda et à l’équipe de l’accepter, explique Ludovic Girodon. Chaque rituel doit être co-construit sur le fond comme sur la forme : quelle est sa durée ? Sa fréquence ? Sa raison d’être ? Son ordre du jour ? Cela permet de créer des rituels au service de l’équipe et non seulement du manager. » Olivier Dubois, qui a occupé plusieurs postes de directeur général et financier, en sait quelque chose. « Lors de ces rituels d’équipe, le manager ne doit pas chercher à prendre le lead, témoigne-t-il. Une fois l’ordre du jour établi et diffusé en amont, l’échange doit rester libre. C’est un travail d’équipe, le manager est seulement là pour challenger le groupe. »
Pour éviter de tomber dans la réunionite et pour vivre des rituels d’équipe vraiment puissants, Louis Vareille recommande de suivre un protocole précis. D’abord, l’ordre du jour. Il faut le tourner sous forme de question, mais surtout, il doit être élaboré avec l’équipe. « Je suggère l’utilisation d’un ordre du jour unique et co-éditable, partagé à tous en amont de la réunion, détaille-t-il. L’objectif est que chacun puisse y accéder et contribuer. On peut aussi faire figurer sur ce document des liens vers les informations à lire. » Concrètement, sur un document partagé, les collaborateurs peuvent proposer les sujets qu’ils souhaitent aborder lors du rituel. C’est au manager que revient la responsabilité d’ajuster et valider l’ordre du jour définitif.
« Il est même possible de faire tourner la responsabilité de la préparation de l’ordre du jour. Ce principe de circularité doit perdurer tout au long de la vie du rituel : un collaborateur peut être désigné à tour de rôle pour établir l’ordre du jour, un autre pour animer le meeting et un troisième pour prendre des notes et préparer le compte-rendu partagé. Il convient également d’autonomiser les porteurs de sujet et ainsi de faire émerger des leaders. » Cette circularité permet d’utiliser les rituels pour renforcer la sécurité psychologique de l’équipe, en offrant à chacun, à tour de rôle, l’opportunité d’être placé au cœur du collectif.
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Au-delà de la « recette miracle », trouver son modèle et le challenger
Tenez-le pour dit : il existe autant de rituels que de managers. Inutile donc de chercher LA formule magique, tant il est nécessaire de s’adapter aux besoins et aux attentes du collectif considéré. Pour Olivier Dubois, par exemple, l’équilibre idéal réside dans « une réunion d’équipe une fois par mois au complet pour que tout le monde dispose d’un même niveau d’information, complétée par des one-to-one hebdomadaires », avec, ici et là, quelques extras comme « un cocktail de fin d’année, un déjeuner informel ou une visite terrain ». Si Olivier a tendance à laisser l’équipe en totale autonomie, chaque manager doit trouver sa propre méthode.
Investir les rituels est indispensable pour toute équipe, mais attention toutefois à ne pas devenir dogmatique. « Il faut régulièrement challenger les rituels en place », affirme Ludovic Girodon. Pour bien s’y prendre, l’expert recommande la méthode dite du ROTI pour “return on investment’’ (retour sur investissement). « À la fin du rituel, chacun note de 1 à 5 le retour sur investissement qu’il estime avoir, le 1 signifiant : “je perds mon temps ça ne sert à rien’’ et le 5 : “hyper utile et efficace, j’ai passé un bon moment’’ », décrit notre expert. Un autre moyen consiste à brainstormer avec la méthode KIS : « Keep, qu’est-ce qu’on doit garder pour que ça marche ? Improve, qu’est-ce qu’on peut améliorer ? Et Stop, qu’est-ce qu’on fait et qui ne marche pas ?* » Au fond, peu importe la méthode, il est bon de garder de la distance avec les rituels, en cultivant un regard critique.
Pour autant, aussi fréquents et divers soient-ils, ces rituels sont rarement suffisants, remarque Louis Vareille à travers ce qu’il appelle le « modèle pyramide » pour la gestion des équipes. Fondé sur une pyramide hiérarchique constituée d’un leader, de quatre managers et treize collaborateurs, il interroge : combien faut-il de rituels par mois pour que ce département de 18 individus fonctionne bien ? « Ni un, ni cinq, ni sept mais quatre-vingt-neuf », répond-il. Des rendez-vous qui, selon lui, « ont chacun leur sens, leur raison d’être et leur tempo ».
Rituels d’équipe : notre guide des essentiels à mettre en place
S’il n’existe donc pas de recette miracle applicable uniformément à toutes les équipes, certains rituels peuvent néanmoins vous aider à maintenir le groupe dans une dynamique de mouvement et d’engagement.
Le daily pour une prise de pouls quotidienne
Le format : « C’est une réunion journalière de moins de 10 minutes pour entretenir le lien dans l’équipe, où chacun va pouvoir dire ce qu’il a fait la veille et ce qu’il envisage aujourd’hui. Surtout, c’est le moment pour signaler où la collaboratrice ou le collaborateur peut avoir besoin d’aide pour avancer », confie Louis Vareille.
L’objectif : ce rituel est utile pour maintenir l’énergie et la solidarité, tout en permettant au manager de capter l’état d’esprit de chacun et l’avancée des projets d’équipe.
Le petit plus : souvent baptisées « stand-up meetings », ces rapides réunions s’effectuent le plus souvent le matin, le temps d’un rapide café debout. Un bon moyen paraît-il de booster l’implication et la motivation de votre équipe.
Le one-to-one pour un sens de l’écoute individuelle
Le format : cet échange individuel du manager avec chaque membre de son équipe, de façon hebdomadaire, est conçu comme un temps dédié. Le collaborateur ou la collaboratrice peut alors aborder, dans un espace protégé, les sujets à court et moyen termes qui vont lui permettre d’avancer sereinement et en autonomie sur ses projets.
L’objectif : « Ce n’est pas un rituel d’équipe au sens strict, mais c’est un rituel clé de l’équipe », explique Louis Vareille. C’est aussi, selon Ludovic Girodon, un rituel qui permet « de prendre de la hauteur pour se poser des questions plus profondes : est-ce qu’en tant que manager je suis assez présent à tes côtés ? Qu’est-ce que je pourrais améliorer ? Est-ce que tu trouves du sens dans ton job ? »
Le petit plus : « Comme tous les rituels, manager et collaborateurs doivent le préparer et le co-construire en amont », précise Louis Vareille. L’échange doit permettre au collaborateur d’inscrire à l’ordre du jour les sujets qui lui tiennent à cœur et qu’il souhaite aborder avec son manager.
La réunion hebdo pour construire l’excellence de l’équipe
Le format : comme son nom l’indique, la réunion d’équipe permet à l’équipe de se rencontrer une fois par semaine. Dans le modèle pyramide, elle est mise en œuvre non seulement au niveau de l’équipe des managers, mais aussi au niveau de chaque manager avec son équipe.
L’objectif : « Cette réunion est un pas sur la trajectoire d’une équipe qui va de sa constitution à son excellence. En d’autres termes, elle n’est en aucun cas là pour gérer des projets autres que ceux qui concernent son fonctionnement, décrit Louis Vareille. C’est-à-dire : les sujets RH, la formation, le recrutement, le budget, la planification, la synchronisation… Mais, on ne va pas entrer dans les sujets. Il faut rester on the topic (sur le sujet) et non in the topic (dans le sujet). »
Le petit plus : et si ce rendez-vous hebdo était l’occasion de casser la routine ? Chez Google, le réputé TGIF (Thank God It’s Friday) est conçu comme un forum, tous les vendredis après-midi, au cours duquel les employés peuvent partager leurs préoccupations et échanger ouvertement et librement avec la direction.
Les réunions mensuelles et trimestrielles pour gagner en perspective
Le format : les réunions d’équipe mensuelles et trimestrielles réunissent l’ensemble du département en plénière. Une fois par mois et par trimestre, elles permettent de faire le bilan du/des mois passés et de fixer les priorités pour le mois ou trimestre à venir.
L’objectif : ces rendez-vous donnent des perspectives plus globales à l’ensemble des participants des différents services, en rappelant le sens des objectifs visés et des moyens mis en œuvre pour y parvenir. « Elle sont essentielles compte tenu du monde VUCA (volatilité, incertitude, complexité et ambiguité) et/ou BANI (fragile, anxieux, non linéaire et incompréhensible) dans lequel nous évoluons, et qui implique qu’il est souvent difficile de planifier au-delà de trois mois », remarque Louis Vareille.
Le petit plus : au cours de ces rituels, vous pouvez introduire un créneau « Ask me anything » (AMA). Dit autrement, un échange durant lequel les collaborateurs posent toutes leurs questions directement au CODIR. Cela participe à construire la confiance avec les dirigeants et permet aux collaborateurs de se sentir reconnus et embarqués dans le collectif.
Le séminaire annuel pour poser sa vision
Le format : d’une demi journée à deux jours ou plus, le séminaire annuel permet à l’équipe de prendre de la hauteur sur le run quotidien, afin de regarder plus en détails la stratégie en place, et si nécessaire, la recalibrer selon les circonstances ou besoins émergents.
L’objectif : « C’est l’occasion d’analyser en profondeur les résultats, prendre en compte les évolutions de l’environnement et définir les ajustements de stratégie nécessaires, détaille Louis Vareille. Dit autrement, elle répond à la question : que doit-on revoir de la vision définie il y a trois ans ? Et comment devons-nous ajuster nos priorités pour l’année à venir ? »
Le petit plus : pour déconnecter avec les habitudes du quotidien et favoriser une prise de hauteur, il peut être utile d’agir au propre comme au figuré, c’est-à-dire de réaliser ce séminaire dans un autre environnement que vos espaces de travail habituels. Privilégiez un lieu à la fois dépaysant mais invitant malgré tout à la réflexion et la créativité.
Le bimensuel des team leaders pour partager ses bonnes pratiques
Le format : tous les managers intermédiaires se retrouvent de manière bimensuelle pour un échange de pair à pair sur les difficultés qu’ils rencontrent et un partage de bonnes pratiques.
L’objectif : le rituel consiste d’abord à transmettre des informations descendantes du CODIR, tout en échangeant sur l’état d’esprit et la motivation des équipes. Le reste du temps est consacré à un espace d’entraide : un manager peut partager une problématique rencontrée sur laquelle ses pairs vont pouvoir partager leurs conseils et retours d’expérience.
Le petit plus : comme chez Ignition Program et son « Forum Team Lead », imaginez un nom et un cadre sympathiques pour vous retrouver entre pairs. Cela renforcera la cohésion des managers en interne et le sentiment de solidarité.
Les ateliers pour favoriser le développement collectif et personnel
Le format : séances de reconnaissance ou de feedback, ateliers de formation, séminaires et programmes de mentorat… Investir tant dans le développement du collectif que de chaque collaborateur est moteur pour maintenir la motivation et l’engagement, et créer une ambiance de travail agréable.
L’objectif : ces rituels sont essentiels au bon développement professionnel de votre équipe, tant ils favorisent une culture d’amélioration continue, d’apprentissage et de transparence. Ils participent également à l’amélioration des compétences et de la confiance en soi de vos employés.
Le petit plus : le manager peut créer ses propres occasions de célébration. « Il peut organiser de nombreux ateliers, comme “l’atelier anti-frustration’’ où chacun vient avec ses trois points de frustration sur la vie d’équipe », conseille notamment Ludovic Girodon, dans l’optique de former vos employés à donner et recevoir du feedback constructif.
La réunion annuelle pour envisager le long terme
Le format : souvent plus long, ce rendez-vous qui réunit l’entreprise en assemblée plénière va conduire à présenter la stratégie en phase avec la mission et la vision de l’organisation. Avancées, chiffres et changements d’organisation y sont alors abordés.
L’objectif :« Elle permet de redire le sens et de remettre de l’énergie collective de manière synchrone », pose notre expert Louis Vareille.
Le petit plus : de nombreuses entreprises utilisent en live les applications de questions - réponses anonymes comme NGL, Tellonym ou ASKfm, afin de sonder l’équipe en temps réel et de dynamiser les conférences.
Les extras pour renforcer les liens
Le format : déjeuner ou soirée d’équipe, activités sportives ou culturelles, ateliers cuisine, séances de méditation, promenades au grand air… Ces moments de convivialité qui ont lieu dans un cadre informel sont davantage propices au lâcher prise.
L’objectif : s’offrir des moments de pause en dehors du contexte professionnel peut permettre à vos différents collaborateurs d’apprendre à se connaître plus personnellement, mettre en lumière de nouvelles compétences ou qualités de chaque membre, et renforcer le sentiment de solidarité de l’équipe.
Le petit plus : n’hésitez pas à inclure des activités « brise-glace » pour encourager les interactions entre tous vos collaborateurs. Sans oublier de varier les dispositifs pour susciter l’intérêt et l’enthousiasme des différents membres. Une boîte à idées, anonyme ou non, peut être idéale pour que ces derniers vous confient leurs envies en la matière.
C’est à vous, manager, de doser les rituels selon la sensibilité de votre collectif. Au dogmatisme, préférez l’empathie et la créativité.
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Article écrit par Gabrielle de Lyones et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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