Le Demand & supply planner, le maillon indispensable de la chaîne logistique
29 avr. 2019
6min
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C’est peut-être la première fois que vous entendez l’intitulé de ce poste. Pourtant, le Demand & supply planner est la pièce maîtresse des grandes entreprises pour estimer leurs ventes prévisionnelles et ainsi mieux gérer leurs stocks. Grégoire Cauet, Demand & supply planner au L’Oréal Travel Retail pour l’Europe, nous en dit plus sur son métier et ses enjeux. Un métier qu’il nous assure être parfait pour commencer une carrière et faire ses trois ou quatre premières années, car sa transversalité permet d’en connaître plus sur les autres professions et départements.
Quelle est ta formation et comment es-tu devenu Demand & supply planner ?
En majorité, mes collègues ont fait une formation d’ingénieur assez généraliste avec une spécialisation “supply chain”. Dans l’exercice de ce métier, les recruteurs cherchent des candidats au raisonnement scientifique, acquis pendant les années de prépa. Pour ma part, j’ai eu un parcours différent. J’ai obtenu un diplôme d’ingénieur en chimie – chimie industrielle plus exactement. Ensuite, j’ai rejoint L’Oréal pour m’occuper des packagings des produits, et c’est ainsi que je me suis rapproché de la supply chain, la chaîne logistique qui permet la livraison de produits ou services depuis les matières premières jusqu’aux clients finaux. L’Oréal est une entreprise qui permet de passer d’un métier à l’autre en fonction de ce qui nous intéresse et des opportunités internes. J’ai côtoyé des personnes qui élaboraient des prévisions des ventes, elles étaient au cœur de l’organisation. Cela m’a plu, j’ai beaucoup échangé sur leur métier et j’ai fini par postuler pour intégrer l’équipe.
Les recruteurs cherchent des candidats au raisonnement scientifique, acquis pendant les années de prépa. Pour ma part, j’ai eu un parcours différent.
Quelles sont les missions d’un Demand & supply planner ?
Ce métier en couvre deux en réalité :
· Le demand planning est la partie du métier la plus “long-termiste”, car il comprend des missions qui s’étalent au-delà d’un mois et demi. Il s’agit de construire le chiffre d’affaires via les prévisions des ventes. Pour un produit qui existe déjà, cette estimation des ventes potentielles est basée sur les ventes précédentes. Si le produit est tout nouveau, l’estimation repose sur un benchmark de produits similaires, déjà sortis par des marques concurrentes. Ce benchmark est réalisé en collaboration avec le service marketing qui connaît très bien le marché et les gammes de produits concurrentes.
· Le “supply planning” est la partie court-termiste du métier qui consiste à savoir gérer les stocks et à éviter d’avoir trop de stock dans la centrale de distribution pour ne pas conserver des produits obsolètes, mais aussi que les distributeurs soient à cours de produits. Cet équilibre à trouver s’appelle le taux de service, pour lequel sont fixés des objectifs annuels. Sur lesquels nous sommes évalués. La gestion des stocks doit prendre en compte des contraintes externes, par exemple la rupture possible d’un matériau sur la scène mondiale qui risquerait de ralentir la production et donc de nous forcer à augmenter les stocks en amont. À- contrario, nous disposons de moyens pour diminuer les stocks : soit nous commandons moins de produits, soit nous proposons des offres promotionnelles qui doivent être validées par le service marketing. Pour ma part, je travaille dans le Travel Retail et nos points de vente sont majoritairement les boutiques duty free des aéroports ; ce sont les commerciaux qui négocient avec les aéroports pour pouvoir lancer telle ou telle opération promotionnelle proposée.
On peut exercer le métier de Demand & supply planner dans des PME comme dans des grandes entreprises. La seule chose qui diffère selon moi est la répartition des missions entre “demand” et “supply”. La partie “supply” est beaucoup plus importante dans une PME car le vrai défi est la gestion des stocks et l’assurance de servir les clients. Pour la partie “demand”, l’entreprise doit posséder un historique suffisant qui permet de dégager des tendances, des moyennes à la hausse ou à la baisse.
Avec quels autres départements es-tu amené à travailler au quotidien ?
C’est avec le département marketing que la collaboration est la plus forte, comme vous l’aurez compris. Mais nous travaillons aussi beaucoup avec le département finance qui valorise toutes nos prévisions des ventes. Et bien sûr avec les commerciaux qui sont en direct avec nos clients (les boutiques duty free, ndlr) et négocient des opérations de communication, des emplacements en boutiques…
Nous rencontrons aussi le directeur général de la marque une fois par mois pour lui présenter nos prévisions, nos analyses et nos stratégies ; il valide et cela lui permet d’avoir une photographie de la santé de son business.
Qu’est-ce qui te stimule dans l’exercice de ce poste ?
Ça fait deux ans que j’occupe ce poste, et j’ai déjà eu deux catalogues de marques différentes à gérer. J’ai commencé avec des produits cosmétiques et je travaille aujourd’hui sur des produits “grand public”, comme on dit chez nous. Le fait de changer de catalogue produits apporte beaucoup de diversité à mon métier car les quantités vendues ne sont pas les mêmes. Là, en l’occurrence, les quantités sont très importantes et il est donc plus facile de mettre au point des prévisions des ventes. C’est ce qu’on appelle la “théorie des grands nombres”.
Enfin, j’aime l’univers du Travel Retail car il multiplie les contacts avec l’international, en langues étrangères.
Le fait de changer de catalogue produits apporte beaucoup de diversité à mon métier car les quantités vendues ne sont pas les mêmes.
Quelles sont les difficultés que tu rencontres au quotidien ?
Premièrement, le rythme très soutenu, ce qui ne me dérange pas du tout mais je pense que, pour une personne venant de l’extérieur, l’amplitude horaire peut gêner. Nous intervenons plutôt au bout de la chaîne logistique, en lien étroit avec le client (contrairement aux commerciaux qui se placent en début de chaîne et le marketing qui se situe au milieu). Nous constituons le dernier maillon avant le point de vente, par conséquent un poids important repose sur nos épaules (stocks, disponibilité du produit, lancement de produit…).
Deuxièmement, les interactions avec d’autres métiers. Parfois, nous ne parlons pas le même langage et nous n’avons pas les mêmes priorités. En ce qui nous concerne, nous voulons absolument conserver des stocks sains ; pour le marketing la priorité peut être un gros lancement produit, par exemple. Nous devons donc avoir les bons éléments de langage et arguments pour nous faire entendre et parfois trouver des compromis dans nos actions.
Nous constituons le dernier maillon avant le point de vente, par conséquent un poids important repose sur nos épaules
Quels sont les outils à maîtriser ?
Au quotidien, nous utilisons des formules mathématiques et Excel. Nous sommes également équipés du progiciel mondial SAP qui nous permet d’avoir une vision des stocks et d’assurer la comptabilité (facturation et commandes). Enfin, nous nous aidons de FuturMaster pour faire des prévisions des ventes. Cet outil utilise l’historique des ventes en le convertissant en courbe mathématique.
Heureusement, nous nous formons à ces outils sur le terrain et lors de formations internes. Aucune école ne forme à cela en amont, en tous cas pas à ma connaissance.
Quelles sont les qualités requises ?
Je dirais que l’essentiel est d’avoir un bon relationnel. Le demand & supply planner s’exerce au quotidien au management transversal, puisque chaque membre de l’équipe projet a sa valeur ajoutée et apporte son expertise. Il faut à tout prix éviter les tensions et privilégier la relation dans un environnement souvent sous pression.
Ensuite, la rigueur. Nous nous devons d’être carrés car nos actions ont un fort impact sur le business. Nous sommes amenés à traiter des chiffres toutes la journée et les conséquences peuvent être très importantes si nous manquons de vigilance.
Enfin, je pense qu’il faut être curieux. La veille est une partie intégrante du métier pour comprendre le contexte global, économique et social, et ainsi orienter nos décisions. Personnellement, j’écoute beaucoup la radio et je lis Courrier International car j’adore la géopolitique. Nous échangeons ensuite nos trouvailles en interne sur Teams, un outil de partage qui nous permet de tous être au même niveau d’information et d’être réactifs.
Comment voyez-vous évoluer ce poste à l’avenir ?
· Plus de traitement de statistiques
Le but est en effet de parvenir à faire des prévisions centralisées, c’est-à-dire avoir une entité centrale qui réalisera des prévisions des ventes au niveau mondial et les “splitera” entre les différentes filiales. Centraliser toutes ces données au niveau mondial nous permettra d’être beaucoup plus précis ; cela sera plus efficace que d’avoir des données par pays qui ne se recoupent jamais.
· Plus de business analyse
La notion de “demand sensing” commence à voir le jour. Encore à l’état de projet, elle associe prévisions des ventes et “maching learning”. Il s’agit là de récupérer un maximum de données, savoir qui achète quoi en temps réel. Il faudra alors traiter ces données et être le plus réactif possible pour adapter les stocks en conséquence, faire des prévisions à la hausse ou à la baisse en direct.
En revanche, l’humain ne doit pas être laissé de côté. L’outil informatique est d’une grande aide mais en fonction d’un événement inattendu, les équipes doivent intervenir dans le paramétrage et augmenter ou diminuer les prévisions des ventes.
Un conseil à donner pour réussir dans ton métier ?
S’assurer de bien connaître les produits que l’on vend car cela a de véritables conséquences sur les prévisions des ventes. La communication avec le marketing est précieuse en ce sens parce qu’il nous forme aux produits et à leur contexte de lancement.
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Photos by WTTJ