Grandes écoles, les nouvelles façons d’apprendre

31 oct. 2017

6min

Grandes écoles, les nouvelles façons d’apprendre
auteur.e
Cécile Nadaï

Fondatrice de Dea Dia

Le digital a tout changé : nous, les entreprises, notre manière de travailler et de penser, notre rapport au monde. On s’est demandé comment font les grandes écoles pour rester « up to date » en toutes circonstances, malgré l’innovation technologique et l’évolution permanente des usages ? Pour le savoir nous avons rencontré Florence Da Costa, Head of Career Centre Business à l’Edhec et Anne Lalou, directrice de la Web School Factory.

Les nouvelles compétences clé du monde digitalisé

Que doivent savoir ceux qui deviendront les managers de demain pour évoluer dans un monde de plus en plus connecté et digitalisé ?

L’adaptabilité : comment apprendre à apprendre ?

Le temps où l’on apprenait un métier à 20 ans pour l’exercer toute sa vie est révolu. De plus, les métiers ne sont plus aussi cloisonnés qu’hier, ils sont mouvants, évolutifs. Il faut donc préparer les étudiants à l’idée qu’ils exerceront peut-être 5, 6 ou 10 métiers différents tout au long de leur carrière. « _On leur enseigne un savoir-être autant que des savoir-faire. La première chose que nous leur apprenons, c’est justement d’apprendre à apprendre car ils vont devoir le faire sans cesse tout au long de leur carrière _», explique Anne Lalou.

Cela nécessite d’être curieux et ambitieux, prêt à remettre en question sa façon de penser, prêt à changer sa manière de faire si nécessaire. Pour les jeunes générations, ce monde en constante évolution est la promesse d’un avenir professionnel passionnant. Néanmoins, pour pouvoir s’adapter, il faut aussi apprendre à prendre le temps._ _« _On travaille également beaucoup sur la temporalité, il faut leur apprendre la patience alors qu’ils ont grandi dans l’immédiateté. _»

Le mode projet : privilégier l’action plutôt que l’écoute passive

L’apprentissage magistral, assis derrière un bureau à écouter un prof’ parler seul, est devenu obsolète. On a depuis longtemps admis que pour apprendre, il faut FAIRE et non ÉCOUTER. L’EM Lyon affirme d’ailleurs aujourd’hui vouloir former des makers.

« _Travailler en mode projet consiste à ne pas dissocier l’apprendre et le faire et à travailler en mode collaboratif _», nous explique Anne Lalou. Élaborer un plan d’action, le mettre en place, travailler en collaborant avec les autres membres du groupe, trouver sa place dans le projet… C’est une dimension essentielle dans le développement de projets digitaux.

La multi-disciplinarité : être polyvalent et penser global

Pour Anne Lalou : « Dans le digital, on ne peut pas être un bon manager si on ne maîtrise pas le design, le marketing et le développement. On ne peut pas mettre l’utilisateur au centre de l’offre si on ne comprend pas l’ensemble des métiers impliqués. Il ne s’agit pas d’être expert dans chacun de ces domaines, d’être capable, à soi tout seul, de designer un site, de le développer et d’en faire la promotion, non, il s’agit de curiosité et de compréhension. S’intéresser aux métiers des gens avec qui on travaille, comprendre leurs contraintes pour mieux s’y adapter. Travailler en mode collaboratif, c’est avant tout travailler ensemble pour aller plus vite et faire fonctionner l’intelligence collective _», précise-t-elle.

L’internationalisation

Il va de soi que la maîtrise de l’anglais est un prérequis essentiel pour qui veut travailler dans le digital. Mais cela ne suffit pas pour être préparé à l’internationalisation du monde de demain. Car la langue n’est pas la seule chose qui différencie des personnes nées dans des pays différents. Il faut apprendre à comprendre les diversités culturelles et les différences qu’elles induisent nécessairement dans le rapport au digital. Cela nécessite une ouverture d’esprit et une compréhension de l’altérité qui ne s’acquiert que par le voyage et l’expérimentation des langues étrangères. Le numérique induit qu’on est sur un marché mondial, avec malgré tout des offres qui s’adaptent aux différentes cultures, explique Anne Lalou.

À la Web School Factory, les élèves partent tous étudier à l’étranger durant quelques mois au cours de leur formation car l’immersion est essentielle pour la compréhension d’une culture. À l’Edhec, les Career Chats se multiplient, ils permettent à des diplômés travaillant à l’international de partager leur expérience avec les étudiants.

Les nouveaux outils pédagogiques digitaux

Les lieux d’apprentissage modulables

L’apprentissage par l’expérimentation change la physionomie des écoles et notamment des salles de cours qui deviennent modulables et flexibles. « _Chez nous, il n’y a pas de salle avec des tables et des chaises, tout est mobile pour s’adapter au projet pédagogique de chaque cours _», explique Anne Lalou.

Plus globalement, l’apprentissage est de moins en moins situé géographiquement. On peut aujourd’hui dispenser un cours à des élèves situés à des milliers de kilomètres les uns des autres, comme en témoigne le succès grandissant des formations en ligne. La Conférence des Grandes Écoles a d’ailleurs créé le label « Établissement certifié numérique » qui permettra aux grandes écoles de proposer des formations 100% à distance dès 2018.

Les équipes pédagogiques expertes et externes

En matière de digital, on ne peut concevoir de professeurs qui n’exerceraient pas eux-mêmes un métier digital. Les écoles ont donc un socle pédagogique qui permet d’avoir une continuité de l’enseignement, en revanche, au fur et à mesure des évolutions du marché, des intervenants sont intégrés aux équipes pédagogiques. Ces intervenants sont des experts dans leur domaine et permettent aux étudiants d’être au contact des dernières innovations. _« La direction pédagogique est très étoffée mais nous intégrons surtout beaucoup d’experts externes, il y a un énorme travail de sourcing d’intervenants qui, pour certains, ne viennent que 12h par an. C’est eux qui font évoluer l’enseignement _», explique Anne Lalou.

Le cloud

Le cloud a révolutionné notre rapport aux données et au partage d’informations. On est loin des bibliothèques universitaires où trouver une place pour s’asseoir et le livre nécessaire à la compréhension d’un problème relevait de l’exploit. Tout d’abord, le cloud permet de mettre à la disposition des élèves de grandes quantités de ressources. Dans les grandes écoles, on voit se développer des plateformes permettant aux étudiants de trouver toutes les données dont ils ont besoin pour mener à bien leur projet, 24h/24, 7j/7, avec en plus la possibilité de personnaliser les ressources auxquelles ils ont accès mais également de partager leurs propres ressources.

Le cloud, c’est aussi la possibilité de proposer de nombreuses applications et sas disponibles pour tous, partout, à tout moment et en open source, ce qui offre des perspectives sans fin aux écoles désireuses d’innover.

Les learning labs, Fablab et autres makers lab

On les voit apparaître dans de nombreuses écoles, universités et entreprises, ces laboratoires d’innovation et d’expérimentation où chacun, professeurs ou élèves, peut apporter ses idées, sa créativité et interagir avec les autres pour innover ensemble, grâce à la transversalité des savoirs et à l’intelligence collective. En France, plusieurs écoles ont d’ores-et-déjà mis sur pied leur learning lab, parmi lesquelles l’EM Lyon Business School ou l’Edhec.

_« À l’Edhec, la création d’un PiLab, laboratoire d’idée liée à l’innovation pédagogique, permet de faire évoluer en permanence la manière d’enseigner _», explique Florence Da Costa.

Mooc, Cooc, Spoc, Sooc

Autant de sigles qui désignent en fait différents formats de formations en ligne que les grandes écoles utilisent pour compléter leur enseignement. Cela permet à chacun de parfaire sa formation en parallèle de l’enseignement dispensé à l’école. Chacun étoffe ses connaissances et personnalise sa formation et son profil.

La VR

En matière de nouvelle pédagogie, la VR s’annonce également révolutionnaire. Quel meilleur moyen pour impliquer des étudiants et leur permettre d’acquérir des compétences et des savoir-faire que de les projeter, littéralement, dans leur futur réalité quotidienne ? À la Neoma Business School de Grenoble, c’est l’expérience que vivent d’ores-et-déjà les étudiants à travers un dispositif mis au point par Alain Goudey, professeur de marketing, et le Teaching & Learning Centre de l’école. Ce dispositif permet aux étudiants d’accéder à un point de vente en réalité virtuelle afin d’expérimenter et d’apprendre à maîtriser leur futur métier de façon totalement immersive.

Les nouveaux modes d’apprentissage

Le reverse mentoring

Il est loin le temps où pour être sage, il fallait être vieux. Dans notre monde digitalisé, ceux qui maîtrisent le mieux les usages numériques actuels, ceux qui inventeront ceux de demain, ce sont les nouvelles générations. Et ils ont bien des choses à apprendre aux cadres dirigeants des grandes entreprises d’aujourd’hui. De ce constat, est né le concept de reverse mentoring, ou apprentissage inversé. Chaque cadre dirigeant se voit attribuer un jeune mentor qui aura pour mission de le familiariser et de l’aider à maîtriser les codes de ce nouveau monde ! Dans les grandes écoles, ce principe se répand de plus en plus entre étudiants et cadres des entreprises partenaires.

Le social learning

Le social learning repose sur l’idée de collaboration et d’intelligence collective. Favoriser le travail en groupe pour permettre à chacun d’enrichir les autres membres du groupe et d’apprendre des autres, sans avoir l’impression de travailler. Chacun est donc en même temps enseignant et étudiant sans même s’en rendre compte. En favorisant le travail collaboratif, les grandes écoles développent le social learning.

L’adaptative learning

L’intelligence artificielle et le big data investissent la pédagogie et donnent naissance à l’adaptive learning, une nouvelle manière d’apprendre, totalement personnalisée, adaptée au profil et au niveau de chacun, qui évoluent en fonction des progrès effectués, offrant ainsi à chacun un parcours de formation unique.

La gamification et l’édutainment

Ce n’est nouveau pour personne, on apprend toujours mieux quand on apprend en s’amusant. D’ailleurs, l’homme est biologiquement programmé pour jouer, comme de nombreux animaux qui apprennent à survivre par le jeu. De plus en plus, la gamification et l’édutainment sont utilisés par les grandes écoles pour rendre leur formation à la fois plus ludique et plus efficace, en favorisant dans le même temps les interactions et les transferts de savoirs entre étudiants.

Les évolutions engendrées par le digital dans notre société n’en sont bien sûr qu’à leurs prémices. Pour s’y adapter et préparer les générations futures au monde qui les attend demain, il faut certes tirer partie des avancées technologiques pour développer de nouveaux savoir-faire mais il faut aussi leur apprendre à cultiver un savoir-être tourné vers l’avenir, c’est-à-dire adaptable et évolutif.

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