Managers : faut-il à tout prix complimenter vos salariés ?

07 févr. 2024

3min

Managers : faut-il à tout prix complimenter vos salariés ?
auteur.e
Alix Mardon

Journaliste

contributeur.e

Dans le monde professionnel, le « compliment » résonne souvent comme une récompense, une forme de reconnaissance pour une bonne idée ou un travail bien fait. Mais, en tant que manager, y a-t-il un véritable intérêt à toujours complimenter ?

« Bravo, c’est du bon boulot ! » En entreprise comme au quotidien, le compliment fait toujours plaisir à entendre. Pourtant, à trop en faire, on pourrait finalement provoquer chez le salarié complimenté l’effet inverse de celui recherché. Carole Méziat, coach spécialisée en transformation des pratiques culturelles et managériales, nous éclaire sur cette ambivalence.

Compliments et motivation : une fausse corrélation

La motivation au travail est un élément essentiel pour favoriser la productivité et l’engagement des salariés. Bercés par la philosophie du positive reinforcement, certains managers perçoivent le compliment comme le moteur de cette motivation. Mais pour Carole Méziat, il faut s’interroger sur ce que l’on entend par « compliment ». « C’est un mot qui induit la notion de récompense et donc rattaché à l’identité de la personne complimentée. Il n’est pas tout à fait exact et utile pour le monde du travail », explique la coach.

Pour l’experte, les compliments sont en fait « des récompenses extrinsèques : elles fonctionnent en termes d’encouragement, mais de façon très temporaire ». Souvent formulés par habitude et dans le but de motiver, les compliments peuvent être à l’origine de « motivation flats », voire d’une pression chez le salarié, qui estimera son travail bien effectué uniquement avec un retour de son manager sous forme de compliment. « Une récurrence excessive de compliments peut entraîner une dépendance et, par conséquent, une diminution de la motivation intrinsèque. », éclaire Carole Méziat. Une habitude de validation constante sans réelle valeur motivationnelle, plutôt qu’un réel sentiment d’accomplissement.

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Le feedback plutôt que le compliment

Pour Carole Méziat, c’est le feedback qui est primordial. Qu’il soit positif ou négatif, il joue un rôle crucial dans le développement professionnel. Si les compliments peuvent être considérés comme une forme de feedback positif, ce dernier « favorise véritablement la progression car le salarié comprend ce sur quoi il peut capitaliser, ce qu’il a fait d’utile ». Le feedback apparaît comme plus constructif. Il permet de reconnaître une compétence pour continuer à l’améliorer, là où le compliment est destiné à la personne plutôt qu’à une capacité. « La clé réside dans l’équilibre : reconnaître les points forts tout en identifiant les domaines à améliorer. Il est essentiel qu’il soit centré sur le travail et les efforts de la personne, et non sur la personne en tant que telle », explique la coach. Par exemple, plutôt que de complimenter un salarié sur son intelligence globale, il serait plus bénéfique de lui faire un feedback sur des aspects spécifiques de son travail ou de ses compétences.

Le partage du feedback, entre timing et authenticité

Le timing du feedback est tout aussi déterminant. « S’il est décorrélé de la situation à laquelle il se rapporte, son impact peut être considérablement réduit », développe Carole Méziat. Pour être pertinent, il doit se faire avec authenticité : « Les salariés sont parfaitement capables de discerner si un feedback est sincère ou simplement énoncé pour la forme. Et s’ils le décèlent, toute amélioration tombe à l’eau ».

Afin de permettre le progrès, même un feedback négatif doit être sincère, sans être noyé par un compliment. « Bien que l’intention ne soit pas de heurter le salarié, le vrai message serait brouillé s’il est associé à un compliment pour amoindrir le côté négatif. » Un feedback authentique et bien expliqué sera donc constructif et bénéfique, qu’il soit positif ou négatif.

Cultiver une culture saine du feedback

Pour entretenir une culture du feedback saine et efficace, il est essentiel, selon Carole Méziat, que les managers se posent la question clé de l’intention. « Quelle est mon intention, ce que je veux créer ? Comment le feedback aurait été reçu si les rôles étaient inversés ? C’est la base pour créer un échange et donc une amélioration authentique. » Ces questions aident à garantir un esprit constructif et une contribution réelle à la croissance professionnelle. Ne pas forcer la culture du feedback à tout prix est également essentiel pour en garder l’efficacité. « Parfois le non verbal est plus important que le feedback en lui-même. En faire trop lorsque ce n’est pas nécessaire peut être insécurisant pour le salarié qui ne saura pas comment est réellement reçu son travail. ». Dans certaines situations, le manager pourra également associer le feedforward au feedback. Il permettra ainsi de proposer des options concrètes pour atteindre un objectif, en plus de revenir sur la progression déjà accomplie.


Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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