Uber France : au coeur de la Comm' d'un pionnier controversé
11 sept. 2017
5min
Senior Editor - SOCIETY @ Welcome to the Jungle
Bouleverser une économie et des habitudes sociétales entraîne forcément de lourdes conséquences… et des critiques. Parmi les disrupteurs les plus clivants du monde du transport : l’application Uber. Un succès fulgurant, assorti aussi d’une présence très forte dans les médias. Derrière tout ça ? Le besoin d’une comm’ irréprochable !
Comment s’est développée la Communication d’Uber, quelles réactions face aux différents événements & remarques, quelles conséquences en interne ? Entretien avec Grégoire Kopp, Directeur de la Communication et Porte-parole d’Uber France (au moment de l’interview).
Comment a été créé le département Comm’ d’Uber France ?
Pour toute start-up, il faut d’abord que le produit fonctionne et trouve son public. « En à peine trois ans, le succès d’Uber a été fulgurant auprès de nombreux utilisateurs de l’application (passagers comme chauffeurs). Mais peu à peu, les dirigeants d’Uber se sont rendus compte que, bien que les utilisateurs soient au rendez-vous et que la mobilité dans les villes soit transformée, l’opinion publique française ne lui était pas forcément favorable : il ne suffisait pas de changer le quotidien grâce à une performance technologique et un excellent marketing pour avoir le soutien des pouvoirs publics ou même des médias. »
Ils ont alors pris conscience qu’il était nécessaire de créer le département Communication afin d’expliquer ce qu’était l’entreprise, comment elle fonctionnait, sa vision… Grégoire a été recruté en juin 2015 en tant que premier Directeur Communication d’Uber France, soit trois ans et demi après le lancement de la startup dans l’Hexagone. Et le timing était plus que parfait, puisque cela a coïncidé avec une crise importante : celle de la fronde des taxis contre les VTC.
Quel quotidien pour le Directeur Comm’ d’une entreprise sujette aux tensions comme Uber ?
« Très souvent, les médias ne parlent que des 1% de trains en retard. Chez Uber, nous avons une technologie incroyable, qui a révolutionné la mobilité et la vie quotidienne dans nos villes, ainsi que donné du travail à de nombreuses personnes, souvent issues des banlieues. Ça, c’est nos 99% et il faut en parler. Mais il faut également gérer les 1% restant, c’est-à-dire les crises. Il a donc fallu constituer une équipe Communication en France (nous sommes trois désormais), afin de discuter avec tous les acteurs du débat public (journalistes, acteurs de la société civile, politiques pour mes collègues des Affaires Publiques etc.) qui s’intéressent, analysent, voire fustigent Uber. »
Il y a eu plusieurs critiques à contrer, parfois simplement en expliquant :
- le bouleversement du monopole des taxis
- les « pertes d’Uber » (qui sont des investissements, je le précise)
- l’évolution du métier de chauffeur indépendant VTC, de leur statut, de leurs revenus…
Exemple concret : les critiques sur le métier de chauffeur indépendant
La vision d’Uber sur ce point est tout sauf négative et l’argument premier de l’entreprise est qu’Uber permet justement au travail indépendant de se développer.
« _Avec les innovations technologiques, travailler quand on le souhaite n’est plus l’apanage des professions libérales tels les médecins ou les avocats. Or, les indépendants sont les parents pauvres de la protection sociale en France depuis des décennies. Et c’est sur ce sujet que le développement d’Uber met un coup de projecteur! Alors au lieu de se dire «restons dans le monde d’avant et surtout ne changeons rien», notre approche est au contraire de dire : prenons le meilleur de la technologie en permettant à ces nouveaux indépendants de travailler « à la demande », et en parallèle, améliorons leur protection sociale, proposons de nouvelles choses, réécrivons les règles. Mais c’est un débat politique, un chantier qui dépasse une jeune entreprise (américaine de surcroît) qui ne peut pas le gérer seule. Alors, même si un jour nous ferons rouler des voitures autonomes, en attendant nous permettons à des gens de travailler. _».
La seule certitude c’est que, pour 2017, notre défi consiste à faire que les choses aillent mieux pour nos chauffeurs !
Site web Uber France
Une fonction de Dir Comm’ doublée d’un vrai rôle de Porte-Parole de la société en France
Sans même faire de communication, les médias s’en chargent pour eux ! Uber est l’une des marques les plus citées par les candidats à l’élection présidentielle et on entend sans cesse le terme “Ubérisation” de la société.
L’entreprise se devait de contribuer au débat. « C’est pour cela que, depuis cinq mois, j’occupe également la fonction de Porte-parole d’Uber en France afin d’expliquer la réalité et les enjeux du sujet, sans « pudeur de gazelle » mais sans caricature non plus. Je réponds aux sollicitations sur les plateaux-télé, les émissions de radio ou des conférences pour expliquer ce que fait Uber, le service que nous apportons et les défis auxquels nous sommes confrontés. « Ubériser », ce n’est pas tout casser : nous sommes là pour rendre un service aux consommateurs, améliorer la mobilité et être une alternative à la voiture individuelle. Et les questions parallèles qui se posent, comme le statut des indépendants, il faut les adresser. »
“Ubérisation”, qu’est-ce que cela veut-il dire concrètement ?
Dans l’opinion publique, le terme continue d’être employé comme un synonyme de précarisation. Pourtant, ce n’est pas la manière dont le voit la marque.
« Personnellement, je découvre le monde des start-ups depuis deux ans et, tous les jours, je constate que dans ce milieu « uberisation » est synonyme de digitalisation, de modernité. Il n’y a pas un concours de jeunes entreprises où l’on n’entend pas : « Je suis le Uber de ceci, je suis le Uber de cela». En fonction du prisme, l’acception est donc totalement différente. Le meilleur juge de paix étant le dictionnaire, prenons le Robert qui dé nit «ubériser» comme:«transformer (un secteur d’activité) avec un modèle économique innovant tirant parti du numérique ». »
La France et Uber : une histoire d’amour ou de guerre ?
En France, l’adhésion à l’appli Uber est massive avec plus de deux millions de passagers et plus de 20.000 chauffeurs qui l’utilisent. Globalement, les transformations liées à l’essor du digital posent des questions partout.
« Dans le cas d’Uber, c’est encore plus vrai que nous avons bouleversé un marché qui était mondialement très figé, avec de nombreux monopoles, peu de concurrence, et qu’en très peu de temps nous avons eu un vrai impact sur la vie des gens. Cependant, en France, il y a effectivement des particularités car la France est très importante pour Uber. C’est un des pays en pole position pour le business après les États-Unis, c’est là où le fondateur d’Uber en a eu l’idée, là aussi que nous testons nos nouveautés comme Ubereats… Et il faut ajouter à cela une culture française très sensible sur les sujets sociaux et le contexte actuel des élections présidentielles. Cela renforce encore notre devoir de communication, d’explication et de pédagogie. »
Site web Uber France
Qu’est-ce qui fait qu’Uber reste soudé malgré les attaques ?
Des questions gênantes, voire très gênantes, il y en a ! Sur les crises évoquées ci-dessus ou encore sur la potentielle entrée en bourse par exemple. « Cela intéresse de nombreux salariés car nous sommes tous actionnaires et avons accepté de baisser nos prétentions salariales pour rejoindre cette start-up. Cette politique du non-tabou est déclinée à tous les stades du management ! ».
Le secret d’Uber pour tenir malgré les critiques ? « Nous partageons un sentiment fort : celui d’une vision pour améliorer le quotidien. Le fait que nous soyons en train de supprimer la voiture individuelle en ville, que l’immense majorité des chauffeurs qui travaillent avec nous nous remercient, que les passagers soient ravis… Nous ressentons réellement en interne que nous œuvrons pour quelque chose de positif. Malgré les coups extérieurs et tous les défis à relever, nous aimons ce que nous faisons et nous travaillons tous ensemble sur nos missions. Sans compter les avantages de la start-up: free food, free drinks, PlayStation, baby-foot… Personne ne compte ses heures, c’est bien que l’ambiance de travail est stimulante ! »
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