Le luxe nouvelle génération : quand le digital casse les codes
12 juin 2017
4min
SO
Journaliste - rédactrice
Avant, le luxe était synonyme d’excès, de « It bags » collectionnés et de logos fièrement affichés. Mais ça c’était avant. En 2017, le luxe n’a en effet plus rien à voir.
Après avoir connu une croissance exponentielle (de 77 milliards à 251 milliards d’euros entre 1995 et 2015), le marché mondial du luxe a pour la première fois inversé sa courbe de progression en reculant d’1% en 2016. Avertissement ou changement profond de nos modes de consommation ? Une chose est sûre la crise, la révolution digitale et l’apparition de nouveaux usages sont en train de complètement bouleverser les règles bien établies du secteur. Slow fashion, seconde-main ou encore plateformes collaboratives, autant de concepts qui cassent les codes du luxe en plaçant l’humain et le numérique au coeur du processus.
Décryptage de ce « néo luxe » avec l’avis d’experts de Videdressing, première marketplace française dédiée à l’achat et la revente d’articles mode et luxe entre particuliers et Dressing Avenue, dressing collaboratif en ligne.
Luxe & Digital
Le luxe a mis de nombreuses années avant de se digitaliser et il aura fallu des sites comme Farfetch, Net-à-Porter ou Matchesfashion pour prouver qu’il avait toute sa place sur Internet. Pourtant aujourd’hui la révolution numérique touche ce marché de plein fouet et s’emploie en particulier à le démocratiser. Gemmyo, par exemple, est en train d’ubériser la haute joaillerie avec un concept simple : vendre en ligne à des prix deux à cinq fois moins élevés qu’en boutique. L’idée de cette joaillerie 2.0 est de moderniser l’acte d’achat d’un bijou de luxe en le rendant plus abordable et moins élitiste.
Redonner du pouvoir d’achat aux amoureux de la mode, c’est également la mission de Videdressing. « Nous nous efforçons de faire tomber les barrières à l’entrée que le luxe avait érigé en permettant à nos clients de s’offrir un sac de luxe d’occasion au prix d’un portefeuille neuf en boutique. » Moderniser les traditionnels « dépôts-ventes » et rendre la seconde main tendance grâce au digital, c’est le défi à relever. « Notre force c’est d’être ultra-connecté comme nos consommateurs. Les dépôts-ventes doivent s’adapter à cette nouvelle génération. » Preuve en est, chez Videdressing, environ 10% des vendeurs sont des dépôts-ventes professionnels qui ressentent l’urgence de se digitaliser.
La grande force du digital c’est donc de rendre le luxe accessible. Accessible en terme de choix car les produits sont disponibles en ligne partout et tout le temps et accessible en terme de prix grâce au marché de l’occasion notamment.
L’occasion, ce nouveau luxe
Acheter des produits de luxe d’occasion pour faire des économies oui mais pas seulement. Au cours de ces dernières années, le vintage et l’attrait pour les articles iconiques sont devenus une vraie tendance de mode. A l’image de la start-up Collector Square dont l’histoire a commencé par des ventes aux enchères de sacs de luxe chez Artcurial et qui offre depuis 2013 aux objets de luxe une seconde vie à travers son espace de vente sur internet et son réseau de showrooms.
Car la seconde main, c’est aussi le plaisir de dénicher une pièce unique pour se composer un look personnalisé très loin des collections standardisées. « Aujourd’hui, quand on va à une soirée avec une tenue aperçue sur Instagram, on a l’impression que ce look date de la saison précédente car on l’a déjà vu « regramé » des dizaines de fois. Mais s’il s’agit d’une tenue vintage, alors elle existe en dehors de ce cycle. Cela en fait une tenue unique, spéciale, rien qu’à soi » (Lauren Goodman, styliste).
Grâce à Internet et aux réseaux sociaux justement, le marché de l’occasion a également réussi le tour de force de transformer une communauté d’initiés, le luxe était en effet autrefois réservé à quelques happy few, en une communauté de partage. Notons d’ailleurs que Vestiaire Collective s’appelait à l’origine « Vestiaire de Copines ».
Pour Videdressing, la communauté est essentielle. « Grâce à notre communauté, on a ouvert les portes des dressings du monde entier pour démocratiser le luxe, échanger la mode et faire revivre des trésors cachés. Notre communauté c’est l’essence même de notre marketplace. Chez nous, 40% des vendeurs sont aussi des acheteurs. C’est un cercle vertueux ». Avoir une communauté fidèle et engagée, c’est la clé du succès.
La communauté permet également de rendre la mode bienveillante bien loin du caractère excluant de certaines marques de luxe. Chez Videdressing, on accepte toutes les tailles, toutes les marques sauf les contrefaçons. « Aujourd’hui les clients sont pluriels et consomment plusieurs typologies de produits. Ils jouent le jeu du mix and match. Ils peuvent acheter un sac Prada et revendre un blouson Zara. Notre offre leur ressemble. »
Le numérique a révolutionné la mode mais c’est surtout l’économie collaborative qui est en train de révolutionner le luxe.
Le luxe collaboratif
Pour les générations Y et Z, le luxe n’est plus synonyme de richesse et de possession (voir Le Luxe à l’épreuve de la génération Y. Se débarrasser du superflu, se concentrer sur l’essentiel, être conscient de sa manière de consommer, autant de pratiques qui séduisent de plus en plus une génération submergée par l’abondance de choix et désireuse d’une consommation plus responsable. Cette tendance Slow Fashion fait écho aux propos de Coco Chanel qui ne pouvait accepter déjà à l’époque : « que quelqu’un jette ses vêtements, juste parce que c’est le printemps. »
Consommer mieux. Louer plutôt qu’acheter. Monétiser son dressing sans s’en séparer. C’est aujourd’hui possible grâce à de jeunes start-up qui se sont données pour mission de changer nos manières de consommer la mode en valorisant la culture du partage.
@Les Cachotières
« Aujourd’hui, nous partageons nos maisons, nos voitures, nos trajets alors pourquoi pas nos vêtements et accessoires qui dorment depuis des mois voire des années dans nos placards? » L’idée de Dressing Avenue est d’ailleurs venue de là. « On a commencé par se prêter des articles entre amis, une cravate, un accessoire, une veste… et très vite on a eu envie d’imaginer un dressing collaboratif pour partager nos dressings débordant de vêtements et accessoires haut de gamme avec le plus grand nombre. »
Créer un dressing partagé, c’est aussi la volonté du site Les Cachotières spécialisé dans la location de tenues chics entre particuliers. Dresswing, enfin, est une plateforme qui chasse les plus beaux dressings parisiens pour permettre à sa communauté de modeuses d’emprunter les pièces de leur rêve, le temps d’un week-end, d’une semaine ou plus.
Consommer mieux pour vivre mieux. Se faire plaisir en achetant une robe d’occasion Carven, Maje ou Chloé, la porter cinq fois puis la revendre. Ou préférer la louer le temps d’un week-end pour une occasion spéciale. Au cours de ces dernières années, on est passé du culte de l’« avoir » à celui de l’« être ». De l’accumulation de biens à l’échange de produits. Aujourd’hui, on ne consomme plus le luxe pour posséder ou obtenir un quelconque statut, mais pour vivre une expérience. Aujourd’hui, plus que jamais, le vrai « luxe, c’est la liberté » (Romain Duris).
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