Lire entre les chiffres, le métier de contrôleur de gestion
29 janv. 2020
5min
Nicolas Julier est contrôleur de gestion chez L’Oréal depuis trois ans. En charge du “travel retail” (commerce réalisé dans les lieux de transport comme les gares ou les aéroports, ndlr) pour les produits grand public du groupe, il soutient et accompagne les activités de trois filiales pour les territoires d’Asie, d’Amérique et d’Europe. Ce business partner enthousiaste jongle avec les chiffres au quotidien, et ce depuis ses premiers pas dans la vie professionnelle. Il nous raconte aujourd’hui en quoi consiste son métier dans lequel il est question de pilotage, de budget, de stratégie chiffrée, mais aussi de relationnel, de prise de hauteur et d’anticipation…
Quel a été ton parcours pour devenir contrôleur de gestion ?
J’ai étudié à l’Université Paris-Dauphine, où j’ai fait un Master en Comptabilité Contrôle Audit avec l’intention de devenir expert-comptable ou auditeur. J’ai commencé par travailler chez Ernst & Young, en audit externe pendant quatre ans. J’allais voir les grandes entreprises pour vérifier que leurs comptes étaient justes et qu’elles respectaient les normes comptables françaises et internationales.
Puis, j’ai travaillé à la direction financière du groupe L’Oréal pendant trois ans, période pendant laquelle j’étais consolideur (cadre financier responsable des travaux de consolidation comptable au sein d’une direction financière, ndlr) et vérifiais que les normes comptables étaient appliquées de manière homogène au sein de l’ensemble des filiales du groupe. Après ces trois années, je suis devenu contrôleur de gestion, avec des missions plus opérationnelles et business.
Peux-tu nous expliquer le métier de contrôleur de gestion ?
Le contrôleur de gestion est un business partner (partenaire commercial, en français, ndlr) qui aide l’entreprise à fixer ses objectifs puis à les atteindre. Pour cela, lorsqu’il est en charge d’une zone, il fait le lien entre la direction et les entités opérationnelles de l’entreprise. Il suit et pilote en somme les performances d’un pays ou d’une zone géographique.
Quelles sont tes missions principales ?
La première mission est de collecter des données, grâce à des outils et logiciels de gestion. Cela me permet de faire un reporting mensuel clair des performances de l’entreprise. Ces rapports comprennent des chiffres consolidés et beaucoup de données sur la performance des produits. Quel a été le chiffre d’affaires sur le dernier mascara, par exemple ? Quelles ont été les dépenses marketing allouées pour le lancement de ce rouge à lèvres ?
La deuxième mission est de s’assurer de la cohérence des données remontées dans les systèmes. Je les confronte à la réalité. Pour cela, je travaille tous les jours avec les équipes opérationnelles, le marketing, la supply chain et les commerciaux. J’analyse leurs chiffres, je vérifie qu’ils sont corrects et je cherche à comprendre pourquoi il y a eu des variations d’une période à une autre.
Enfin, le contrôleur de gestion doit confronter les chiffres au budget prévu pour l’année. Les équipes opérationnelles nous appellent d’ailleurs les garde-fous, car on est là pour veiller à ce qu’elles respectent le budget qui leur a été alloué. Notre rôle est de les aider à atteindre leurs objectifs grâce à des points réguliers dans l’année.
Les équipes opérationnelles nous appellent d’ailleurs les garde-fous, car on est là pour veiller à ce qu’elles respectent le budget qui leur a été alloué.
Concrètement, en quoi consiste la préparation du budget d’une entreprise ?
Le budget est construit à la fois grâce aux estimations de croissance de marché pour chaque pays et à la vision de la direction. On s’appuie sur les données extraites tous les mois pour anticiper les chiffres de l’année d’après, et en quelque sorte prédire ce qui va se passer. Dans mon cas, chaque contrôleur de filiale me présente ses objectifs de l’année, puis c’est à moi de voir comment les challenger : sont-ils vraiment atteignables ? Ou, au contraire, peut-on en fixer davantage ? L’important c’est d’aider les contrôleurs de filiale à définir des objectifs qu’ils seront en mesure de respecter.
L’idée est ensuite d’aider au pilotage du business de chaque entité pour remplir les objectifs fixés. On fait du pilotage au jour le jour. À titre d’exemple, j’appelle deux à trois fois par semaine les filiales pour avoir une idée de l’évolution de leur business : où en sont les dépenses marketing ? Quels sont les projets qui ont pris du retard et qui ne sont donc pas dans les prévisions ? Il s’agit de comprendre leur business à mon niveau, tout en essayant de maîtriser des facteurs difficilement anticipables.
Peux-tu nous donner un exemple de facteurs extérieurs qui peuvent fausser les prévisions ?
Cela peut être un problème de fabrication qui fait baisser la production d’une collection de rouge à lèvres, ou les manifestations à Hong-Kong qui déséquilibrent les ventes dans une zone géographique… J’ai alors une fonction de support, mon rôle est d’aider les entités opérationnelles à rebondir. Il faut trouver des mesures pour “rattraper” le budget défini en amont.
Qu’est-ce qui t’anime particulièrement dans ton métier ?
Ce qui m’anime, c’est d’avoir une vue globale sur tous les services et d’être un business partner, c’est-à-dire, d’être partie prenante du business. J’aime piloter. C’est comme si j’étais vraiment dans un avion, avec la manette qui donne la direction ! Je dois veiller à rester dans une zone de confort et en limitant les risques. En d’autres termes, il faut faire attention à bien passer au-dessus de la montagne sans jamais dépasser les nuages.
Je dois veiller à rester dans une zone de confort tout en limitant les risques.
J’apprécie aussi le fait d’aider les différentes entités. Je leur donne les outils et mon expertise en finance pour prendre les meilleures décisions possibles. Enfin, je suis content d’aider l’entreprise à atteindre une croissance durable et profitable. L’idée n’est pas de pousser les commerciaux à vendre à n’en plus finir. Je suis là pour que leur business rayonne d’année en année !
Y’a-t-il des aspects plus difficiles ?
Quand tu es junior, le niveau de détails à saisir dans les systèmes peut être assez élevé. Cela peut avoir un côté un peu rébarbatif. Sortir un rapport de 900 pages n’est pas la partie la plus intéressante, bien qu’elle soit utile, car toute la direction peut y avoir accès. La partie la plus stimulante c’est de piloter le chiffre d’affaires, d’aller voir les commerciaux et de faire des analyses poussées pour permettre à la direction de prendre de bonnes décisions.
Sortir un rapport de 900 pages n’est pas la partie la plus intéressante, bien qu’elle soit utile, car toute la direction peut avoir accès à ce rapport.
Quelles sont les qualités à avoir pour être un bon contrôleur de gestion ?
Il faut naturellement aimer les chiffres et être rigoureux. Tous les chiffres que tu saisis ou analyses vont être utilisés pour prendre des décisions. Ils auront un impact, donc il faut être attentif et avoir le sens du détail.
Ensuite, il faut faire preuve d’un esprit de synthèse mais aussi avoir une vision macroéconomique. En fait, il faut réussir à retirer des enseignements simples d’une multitude de chiffres, car nous n’aurons pas la possibilité de les interpréter et les expliquer un à un à la direction. Cette dernière attend en effet de savoir quelle direction prendre, quelle stratégie bâtir.
Il faut réussir à retirer des enseignements simples d’une multitude de chiffres, car nous n’aurons pas la possibilité de les interpréter et les expliquer un à un à la direction.
Un bon relationnel est également conseillé, car on est au carrefour de tous les services ! Et bien sûr, il vaut mieux être intéressé par le business ! Généralement quand tu es un bon contrôleur de gestion, après plusieurs années d’expérience (5-10 ans), tu vises de devenir Directeur Financier avec ton équipe de contrôleurs de gestion. Donc mieux vaut avoir une appétence business !
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Photo d’illustration by WTTJ
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