L'expert-comptable, celui qui fait parler les chiffres
01 juil. 2019
6min
KE
CTO - directeur technique
Souvent considéré comme le médecin de l’entreprise, l’expert-comptable est perçu comme un allié incontournable auprès des entrepreneurs. A contrario, cette profession est parfois associée à une activité rébarbative dans l’esprit du grand public.
Pourtant, une génération 2.0 d’experts-comptables réinvente aujourd’hui les codes du métier face à de nouvelles donnes comme le traitement informatisé de la data, l’essor du conseil dématérialisé ou encore les besoins spécifiques des dirigeants de start-up.
Pour en apprendre plus sur les mutations de la profession et ce rôle clé dans la vie de l’entreprise, nous avons rencontré Henry Braastad-Tiffon, 32 ans, expert-comptable indépendant depuis 2018 au sein du cabinet HBT Expertise & Conseil qu’il a lui-même créé.
Tu as choisi la voie de l’entrepreneuriat pour exercer le métier d’expert-comptable. Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours et ce qui t’a mené à avoir ta propre société d’expertise comptable ?
Après un master généraliste en école de commerce et deux stages, un en audit et l’autre en contrôle de gestion, j’ai accepté un poste en cabinet d’expertise comptable et d’audit de taille moyenne. L’objectif était de toucher à tout : expertise, audit, SI (système d’information) et de vite monter en responsabilités.
Très rapidement j’ai su que je voulais devenir expert-comptable, j’ai donc repris les études en parallèle pour obtenir le DSCG, le diplôme supérieur de comptabilité et de gestion, qui s’obtient en deux ans : c’est un prérequis pour faire un stage de trois ans avant de pouvoir se présenter au DEC, le diplôme d’expertise comptable.
C’est un peu le parcours du combattant, il faut avant tout avoir de la volonté pour tenir sur la longueur. Quand j’ai obtenu le diplôme j’avais sept ans d’expérience en cabinet, sans hésiter j’ai quitté mon employeur pour ouvrir un cabinet à mon image, avec l’envie d’entreprendre et de faire mes propres choix.
Faire une école de commerce pour devenir expert-comptable est relativement atypique. Comment as-tu su que tu souhaitais en faire ton métier ?
C’est au fur et à mesure de mes choix et de mes expériences que j’ai trouvé ce que j’aimais. J’ai commencé par des études généralistes car je ne savais pas ce que je voulais faire. Je me suis retrouvé en audit car j’avais des facilités dans cette matière. J’ai d’ailleurs assez mal vécu cette première expérience car je ne maîtrisais pas les données que je devais contrôler. Comment avoir une opinion sur une comptabilité ou un système d’information si on n’en a jamais fait ?
Malgré une appréhension et l’image vieillotte que j’avais de l’expertise comptable je me suis lancé car j’ai réalisé qu’il y avait du potentiel : c’est en allant de client en client, en discutant avec eux que j’ai découvert que le métier était bien plus large qu’il n’en avait l’air. En partant de la comptabilité, on débouche sur la fiscalité, la gestion de l’entreprise, on peut aussi aller en amont de la comptabilité pour s’intéresser aux outils de l’entreprise, pour toucher plus globalement au système d’information qui permet à une entreprise d’extraire des informations pertinentes et de s’en servir pour prendre des décisions. Je ne cite que quelques exemples mais il y a largement de quoi trouver son bonheur si on est un peu curieux et volontaire.
Malgré une appréhension et l’image vieillotte que j’avais de l’expertise comptable, je me suis lancé car j’ai réalisé qu’il y avait du potentiel.
Tu parles d’audit et d’expertise comptable, peux-tu nous expliquer la différence entre les deux ?
Pour faire simple, l’un produit et l’autre contrôle. L’expert-comptable est celui qui produit, qui met en place et qui conseille : c’est du service. L’audit (commissariat aux comptes) est une mission légale, elle est obligatoire pour les entreprises d’une certaine taille. L’auditeur a pour objectif d’émettre une opinion sur les comptes, pour cela il procède à des contrôles, des analyses, des entretiens. L’audit est une mission d’intérêt général afin de garantir la confiance dans l’économie, elle est indispensable pour les tiers (banques, fournisseurs, actionnaires…)
Peux-tu nous en dire plus sur ton quotidien d’expert-comptable ? Quelles sont tes missions ?
Avant toute chose, il est important de préciser que le métier d’expert-comptable est loin d’être un métier sédentaire. Au quotidien, je suis principalement en déplacement chez mes clients, soit pour faire le point dans le cadre d’une réunion ou d’un déjeuner, soit pour travailler de chez eux afin d’être en interaction. En travaillant en direct, je reste à l’écoute des besoins, je tisse une relation forte.
Ma mission de base est de m’assurer que mes clients soient bien en conformité par rapport à leurs obligations comptables, fiscales ou juridiques afin que ceux-ci puissent se concentrer sur leur activité.
Ensuite, l’objectif est de les accompagner sur leurs problématiques quotidiennes qui rentrent dans mon champ d’action. C’est seulement en répondant à ces besoins là que je peux faire ressentir à mes clients la valeur du service que je leur apporte. Un expert-comptable doit être très proche de ses clients qui attendent une relation de confiance sur un sujet crucial pour eux.
En travaillant en direct avec les clients, je reste à l’écoute des besoins, je tisse une relation forte avec eux.
Tu parles de valeur apportée à l’entreprise, j’imagine donc que tu échanges régulièrement avec des décideurs ?
Oui bien sûr et c’est un autre aspect sympa du métier. Mes contacts au quotidien sont des dirigeants d’entreprise, avec leurs problématiques propres, ou parfois les directions financières sur des structures de taille plus importante.
Depuis tes débuts dans le métier, as-tu perçu une évolution des actions que tu mènes ou des outils que tu utilises ?
L’évolution principale est liée aux nouveaux outils d’automatisation et à l’arrivée imminente de l’IA (intelligence artificielle). Les missions réglementaires, de type production comptable et fiscale, seront bientôt automatisées à 95%. Les 5% restants sont à mon sens le contrôle et la validation de ce qui a été produit par le système d’information. C’est sur cette partie que se situe vraiment la valeur ajoutée de l’expert-comptable, il faut être vigilant car la législation évolue constamment et peut exposer les entreprises à des impacts financiers importants.
Par ailleurs, l’activité principale des cabinets sera bientôt le conseil. Il ne sera plus possible de se reposer sur la production comme autrefois. Pour être bon en conseil, je pense qu’il faut se spécialiser. Les cabinets trop généralistes devront choisir un métier et le pratiquer sur quelques secteurs d’activités précis. Il sera compliqué de faire de l’audit, de l’expertise comptable, du juridique, du social et de répondre à tout type de client. On pourrait par exemple comparer cela aux quincailleries qui disparaissent peu à peu car elles ne sont pas assez spécialisées.
Je pense donc que nous allons observer une spécialisation croissante des cabinets afin de répondre précisément aux besoins de nos clients. Nous devons dans ce sens développer une expertise précise et accentuer l’aspect communication pour la rendre visible par nos clients.
Je pense que nous allons observer une spécialisation croissante des cabinets afin de répondre précisément aux besoins des clients.
Aujourd’hui, quelles sont les facettes de ton métier que tu préfères et à l’inverse celles qui te passionnent un peu moins ?
Les relations humaines quotidiennes, le fait de découvrir des entreprises et la réflexion perpétuelle à mener sur de nouvelles problématiques sont les facettes qui me motivent au quotidien. Je suis très curieux, ce doit être pour cette raison que j’aime ce métier.
À l’inverse, le moins agréable est la partie réglementaire que nous devons produire quoi qu’il arrive, c’est la base. Heureusement, de nombreux outils d’automatisation existent pour réduire au minimum ces tâches chronophages et récurrentes.
Peux-tu nous décrire un projet qui t’a rendu particulièrement fier ?
J’ai développé une offre d’assistance à la mise en place d’ERP Saas. Ce sont des solutions qui
permettent à une entreprise de piloter tous ses flux (stocks, ventes, achats, comptabilité…) et d’avoir accès à des informations en temps réel directement dans le Cloud. Elles répondent aux besoins des PME qui souhaitent se structurer et être plus efficientes. Ce type de mission allie presque toutes les facettes du métier : l’audit, la maîtrise des systèmes d’information, la maîtrise des logiciels, la comptabilité, la fiscalité et les relations humaines car c’est un projet humain avant tout. Je me passionne pour ce type de mission.
Selon toi, quelles sont les qualités absolument primordiales pour exercer ton métier ?
Avec l’automatisation et l’IA, la principale qualité est l’humain : c’est être capable de s’adapter à son client, d’être à l’écoute, de créer de la confiance. Mais cela ne suffit pas, il faut aussi être très bon techniquement pour créer de la valeur et surtout garantir à nos clients qu’ils sont en sécurité. La base de la relation client est la confiance et la sécurité, à partir de là on peut construire sereinement.
La base de la relation client est la confiance et la sécurité, à partir de là on peut construire sereinement.
Pour finir, quel conseil donnerais-tu à des gens qui s’intéressent à ce métier ?
Il faut pour commencer montrer de la persévérance dans les études. Le chemin jusqu’au diplôme semble long mais avec de la volonté, on y arrive. La barrière principale est le DSCG (diplôme supérieur de comptabilité et de gestion), car il est très technique, mais il faut s’accrocher, le DEC vient ensuite naturellement conclure ce parcours.
Par ailleurs, n’hésitez pas à vous lancer car ce métier est passionnant. Il faut choisir une spécialité parmi celles offertes et foncer. Il faut dépasser l’image vieillotte de l’expert-comptable, car le métier évolue énormément et nos clients attendent aujourd’hui beaucoup de nous, pas simplement de la saisie comptable, bien heureusement !
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