Conseil et valorisation de l'art : le métier de Chargée de mécénat

31 janv. 2019

8min

Conseil et valorisation de l'art : le métier de Chargée de mécénat
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L’art et la finance, deux microcosmes qui ne semblent pas pouvoir cohabiter a priori, et pourtant… Certains ont pour mission de faire le pont entre banquiers, investisseurs, entreprises, artistes, galeristes ou maisons de vente aux enchères.

Rencontre avec Charlotte Vaudour, ex-Chargée de mécénat et de la collection d’art d’une société de finance désormais reconvertie en prof militante de la transmission artistique. Son ancien métier ? Valoriser la collection d’art de son entreprise auprès des salariés et conseiller les particuliers ou investisseurs qui souhaiteraient défiscaliser ou diversifier leurs actifs en achetant de l’art contemporain. Elle nous raconte cette passion pour l’art dont elle a fait son métier.

Dans quel cadre avez-vous exercé votre fonction de Chargée de mécénat et de collection d’art ?

J’ai travaillé pendant deux ans et demi dans une société de finance familiale indépendante qui gère de grandes fortunes françaises. La boite disposait d’une très importante collection d’art de 400 œuvres, essentiellement parce que le dirigeant, et son grand-père avant lui, étaient des passionnés. On faisait donc beaucoup de conseil, énormément de ventes et d’achats d’art et pourtant, ce n’était pas une activité connue. La collection d’entreprise était également ouverte au public mais peu de personnes en avaient connaissance.

Quel est le périmètre d’un Chargé de mécénat et de collection d’art en entreprise ?

Il y a 3 grandes facettes dans le métier :

  • Un premier volet mécénat, pour la société puis pour les clients de la société, qui consiste à imaginer comment une entreprise peut défiscaliser en achetant de l’art contemporain,

  • Un second volet commissaire d’exposition dédié à la valorisation de l’art contemporain dans l’entreprise. Autrement dit, évangéliser et porter des actions qui peuvent démontrer la plus-value de l’art en entreprise, notamment comment il améliore le cadre de vie et de travail. Cela passe par l’organisation d’expositions, de visites et parcours thématiques,

  • Un volet conseil en art pour les clients de la société de finance ; ceux qui sont déjà client et ont du patrimoine chez nous. L’idée est de leur proposer de diversifier leurs actifs en investissant dans l’art contemporain et de les accompagner dans leur démarche. Cela passe par des visites personnalisées pour aboutir à une présentation d’une dizaine d’artistes émergents. Ce n’est jamais une recommandation ferme type “Achetez cette œuvre de tel artiste” mais plutôt une veille : “voici les 10 artistes émergents, voilà ce qu’il se passe sur le marché, on peut faire confiance à cette galerie ou à tel collectionneur qui a un œil très avisé”.

Sur ce dernier volet conseil, j’étais accompagnée d’un gestionnaire de patrimoine spécialisé en art qui pouvait me compléter sur la partie investissement, finance, gestion d’actifs. Je ne pouvais pas y aller toute seule car je n’ai pas du tout de formation en finance. Nous étions donc très complémentaires. C’est souvent le cas sur ces métiers en entreprise. Il y a rarement quelqu’un, dans une société de finance, qui est spécialiste 50% finance 50% art ou qui a les deux cordes à son arc.

À quelle industrie diriez-vous que vous appartenez ?

Sans aucun doute celle de l’art, contrairement au gestionnaire de patrimoine spécialisé en art dont le cœur de métier reste la finance.

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Concrètement, quel est le quotidien de ce métier ?

Il y a vraiment une mission attachée à la collection de l’entreprise, un suivi à faire à partir du moment où le dirigeant de l’entreprise achète une œuvre. Je m’occupais du suivi, du transport, de l’assurance puis du choix de l’emplacement de l’œuvre d’ar car on ne pouvait pas la mettre dans n’importe quel bureau et avec n’importe quelle œuvre donc il y avait aussi un choix dans l’agencement des œuvres d’art. Ensuite il y avait une sorte d’accueil de l’œuvre d’art à orchestrer : un vernissage pour la présenter aux salariés de l’entreprise mais aussi aux clients. Je travaillais systématiquement à expliquer pourquoi l’œuvre était là, ce qu’elle voulait dire. On imaginait les visites et parcours thématiques dans la collection afin de mieux les appréhender.

Il y avait une sorte d’accueil de l’œuvre d’art à orchestrer : un vernissage pour la présenter aux salariés de l’entreprise mais aussi aux clients. Je travaillais systématiquement à expliquer pourquoi l’œuvre était là, ce qu’elle voulait dire.

Au-delà de ce suivi de collection, je faisais de la veille sur le travail des différents artistes de la collection, je m’occupais de changer les accrochages ou d’organiser des expositions itinérantes en province pour faire découvrir les œuvres de la collection dans les autres agences de l’entreprise.
Et puis sur la partie conseil, je courais les galeries, les foires d’art contemporain, les évènements. J’y emmenais en visite les salariés de l’entreprise et les clients pour qui je concevais régulièrement des parcours sur-mesure autour de la thématique ou de l’artiste de leur choix.

En résumé, mon objectif était de mettre en valeur la collection d’art de l’entreprise auprès des salariés et de développer l’activité de conseil auprès des clients

Je courais les galeries, les foires d’art contemporain, les évènements. J’y emmenais en visite les salariés de l’entreprise et les clients pour qui je concevais régulièrement des parcours sur-mesure autour de la thématique ou de l’artiste de leur choix.

Qui étaient vos clients ?

Les salariés de l’entreprise et les clients de la société qui, en plus de la gestion de leur actifs et biens immobiliers, souhaitaient nos conseils pour diversifier leur patrimoine ou pour vendre une œuvre d’art. Quelqu’un qui avait un Picasso pouvait par exemple nous approcher pour nous demander où il devait le vendre et comment.

Comment devient-on Chargé de mécénat ?

En ce qui me concerne, j’ai fait du droit puis l’Ecole du Louvre et enfin un master Management culturel et marché de l’art à l’ESSEC en partenariat avec L’École du Louvre. On y étudiait l’art de l’Antiquité jusqu’aux années 2000. C’était merveilleux comme formation mais c’était uniquement de l’histoire de l’art. Quand on ressort de là, on n’a pas de compétence en communication par exemple. C’est très intellectuel et on sent qu’on a besoin d’autre chose ! Il faut impérativement avoir plusieurs casquettes pour exercer ce métier. Il est donc conseillé de coupler une formation en histoire de l’art avec une formation en management ou en finance.

J’ai pour ma part commencé à exercer ce métier en alternance. J’étais dans une école qui s’appelle l’IESA (Institut d’Études Supérieures des Arts). J’étais 90% du temps dans ma société et j’avais 10% de mon temps en cours avec des intervenants inspirants pour consolider ma connaissance du marché de l’art contemporain. L’IESA ne propose que des masters en alternance, des cours à la carte donc on y retrouve énormément de gens en reconversion professionnelle.

Il faut impérativement avoir plusieurs casquettes pour exercer ce métier. C’est bien de coupler une formation en histoire de l’art à une formation en management ou en finance.

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Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous orienter vers ce métier ?

Pendant mon Erasmus à Lisbonne, en 3ème année de droit, je me suis fait des amis passionnés d’art. On allait tous les week-ends au musée, notamment à celui des beaux-arts et c’est ça qui m’a vraiment donné envie d’en faire mon métier.

Au départ, je voulais plutôt être commissaire-priseur mais du fait de mon double diplôme (École du Louvre/ESSEC), j’ai eu accès à des opportunités auxquelles je n’avais pas pensées et j’ai pu découvrir un tout autre métier lié à l’art. C’était un peu surprenant au début puis j’ai été emballée par les missions et par le job.

Dans quel type d’organisation peut-on exercer cette activité ?

Je l’ai exercée dans une société de finance mais c’est finalement assez rare. Cela a été possible car c’est une boite familiale, avec un dirigeant passionné d’art. On peut retrouver ce type de mission dans la banque, dans des sociétés privées de gestion de patrimoine mais aussi auprès des acteurs de l’immobilier. Il existe une mesure, « le 1% artistique », qui consiste à réserver au moment de la construction ou de l’extension de bâtiment publics, une somme pour la production artistique, la réalisation ou l’achat d’une ou plusieurs œuvres d’art spécialement conçues pour le lieu.

On peut retrouver ce type de mission dans la banque, dans des sociétés privées de gestion de patrimoine mais aussi auprès des acteurs de l’immobilier.

Êtes-vous spécialisée sur un type d’art ? Une période ou un courant particuliers ?

Oui, sur l’art contemporain avec une vraie appétence pour la photographie mais je n’ai pas de domaine de spécialisation.

Qu’est ce qui fait la valeur d’une œuvre d’art ?

Il n’y a pas de critères comme il pouvait y en avoir au XVIIème siècle sur la patte, la peinture, les couleurs. Aujourd’hui, tout est très différent compte tenu de l’extrême diversité des techniques et des mediums. En art contemporain, c’est souvent le collectionneur qui fait la valeur. Les artistes qui ont une cote colossale, c’est souvent parce qu’un collectionneur comme Bernard Arnault ou François Pinault est passé par là. C’est le collectionneur qui fait la cote de l’artiste.

C’est le collectionneur qui fait la cote de l’artiste.

Comment attribuez-vous la valeur marchande d’une œuvre d’art ?

On faisait appel à des experts et des commissaires-priseurs car il faut une habilitation pour pouvoir donner officiellement une valeur marchande à une œuvre même si on est à peu près en mesure de l’estimer.

Souvent, pour attribuer cette valeur, on étudie le profil de l’œuvre. On regarde si l’œuvre est déjà passé sur le second marché, une maison de vente aux enchères, le premier marché étant les galeries. On note le prix auquel elle a été vendue en galerie ou si cela n’a pas été le cas, on compare à une œuvre similaire. On s’attache aussi aux dimensions, au nom de l’artiste, aux éventuelles ventes aux enchères de l’année.

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Et comment déterminer un bon placement ?

Je dirais qu’il n’y a pas de meilleur placement en art. Pour moi, c’est la notion de coup de cœur qui doit primer. Il faut aimer l’œuvre d’art que l’on achète. C’est un achat que, la plupart du temps, on va afficher dans son salon, avec lequel on va vivre. Je ne suis pas gestionnaire de patrimoine, du coup mon placement à moi n’est pas strictement financier.

Je dirais qu’il n’y a pas de meilleur placement en art. Pour moi, c’est la notion de coup de cœur qui doit primer. Il faut aimer l’œuvre d’art que l’on achète.

Quelles qualités faut-il développer pour exercer cette activité ?

En premier lieu, l’ouverture d’esprit et la curiosité. Ce sont des compétences indispensables car il faut vraiment aller hors des sentiers battus pour explorer ce que l’on ne connaît pas.

Je dirais ensuite l’adaptabilité. On travaille avec des publics très différents entre l’art et la finance. On est vus un peu comme des extraterrestres dans les banques et les sociétés de finance. Il faut savoir s’adapter à son auditoire et parler aussi bien à quelqu’un de la banque qu’à un artiste qui fait des performances.

Il faut savoir s’adapter à son auditoire et parler aussi bien à quelqu’un de la banque qu’à un artiste qui fait des performances.

Qu’avez-vous appris dans l’exercice de cette fonction ?

J’ai découvert énormément d’artistes, de galeristes et de fondations. Et j’ai développé ma curiosité. Au début, quand j’assistais à une performance artistique, c’était un truc complètement abstrait pour moi. Puis au fur et à mesure, j’ai rencontré des artistes, des performeurs et j’ai compris ce que pouvait être l’art.

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Qu’est-ce que vous aimez le plus dans ce métier ?

La découverte mais surtout la transmission. C’est aussi ce qui fait que j’exerce mon métier différemment aujourd’hui. Je ne m’en étais pas rendu compte au départ mais ce qui m’anime le plus, c’est de transmettre cette passion de l’art. De débarquer dans une société où personne n’en a rien à faire de l’art contemporain et, au bout de quelques mois, d’arriver à faire découvrir et aimer l’art aux salariés, leur transmettre l’histoire des artistes.

Je ne m’en étais pas rendu compte au départ mais ce qui m’anime le plus, c’est de transmettre cette passion de l’art.

Comment s’est opéré votre switch vers l’enseignement ?

Dans mon ancienne boite, chaque salarié pouvait porter un projet solidaire. Moi mon projet c’était de faire venir des élèves de ZEP dans l’entreprise, de leur faire visiter la collection et de les ouvrir à l’art. Après une visite de la collection de l’entreprise, je les emmenais aux Tuileries, au Louvre. Et j’ai adoré faire ça ! À tel point que je me suis dit que je m’étais trompée de vocation. Je suis maintenant prof à temps plein dans un lycée et j’aide les jeunes à porter eux-aussi un projet solidaire. Je garde toujours un pied dans le mécénat en réalisant des missions pour des sociétés, des visites de galeries etc.

Quel conseil donneriez-vous à ceux qui voudraient se lancer dans cette activité ?

Développer son réseau, c’est très important dans le métier de l’art. Ce n’est presque que du réseau. Il ne faut pas hésiter à faire des vernissages, rencontrer des gens, des artistes, aller dans des galeries, être ouvert au monde pour se créer des opportunités car il y a peu d’élus.

Les 3 adresses préférées de Charlotte pour s’initier à l’art contemporain :

  • La Fondation Carmignac à Porquerolles - Piste de la Courtade, 83400 Hyères
  • La Collection d’art de la Société Générale - 17 cours Valmy - Paris La Défense 7 (accès principal via les Tours Alicante et Chassagne)
  • La Fondation Cartier pour l’art contemporain - 261 Boulevard Raspail, 75014 Paris

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Photo by WTTJ