Dénicher de jeunes artistes : le métier de Label Manager
23 oct. 2018
5min
MÉ
Passionné de musique, et notamment de rap, William Edorh, 45 ans, occupe le poste de Label Manager chez Rec. 118, une filiale du groupe Warner Music France. Sa mission : trouver les nouveaux talents de demain et les accompagner le plus longtemps possible dans leur carrière. Parmi les artistes qu’il suit au quotidien, figurent notamment Soprano, Ninho, Sadek, Hornet la Frappe ou encore Aya Nakamura, Sch et Hamza. Pour Welcome to the Jungle, il dévoile les coulisses de ce job aux multiples facettes où les échanges humains occupent une place centrale.
Quel a été votre parcours pour devenir Label Manager ?
J’ai toujours été passionné par la musique, et notamment par le rap français et international, et c’est au cours de mes études en école de commerce que j’ai pris conscience que derrière les artistes que j’écoutais, il y a avait toute une industrie : des Producteurs, des Managers, des Directeurs Artistiques… J’ai réalisé un stage au sein de la maison de disques indépendante Disques Concord/Media 7 où j’ai ensuite décroché mon premier job en tant qu’Assistant Chef de Projet. Quelques années plus tard, j’ai monté avec des associés mon propre label baptisé Nouvelle Donne. Une aventure que j’ai quittée en 2005, notamment pour suivre un master spécialisé en marketing à l’ESCP. J’ai ensuite fait mes premiers pas au sein d’une major company, EMI, pour le label Hostile Records qui a été vendu en 2013 à Warner Music. Une fois chez Warner, j’ai créé en 2016 un nouveau label, Rec. 118, dédié aux musiques urbaines.
En quoi consiste concrètement ce métier ?
Le job de label manager consiste à repérer de nouveaux artistes, puis une fois que nous avons signé un contrat avec eux, de les accompagner dans la production de leurs albums et de les faire connaître du public.
Notre rôle est de guider l’artiste tout au long du processus de production, de mettre notre expérience à son service afin de sublimer sa création et de lui permettre de rencontrer son public.
Comment procèdes-tu ?
Lorsque nous repérons un jeune talent, nous tentons de rentrer en contact avec lui et de négocier un contrat. Puis après nous être mis d’accord sur ces conditions contractuelles, nous travaillons sur la production de l’album. En fonction de ses besoins, nous lui proposons des studios, des Ingénieurs du son, Compositeurs, Réalisateurs… Nous conceptualisons ensemble le projet d’un point de vue artistique puis nous travaillons sur l’image de l’artiste en réalisant des vidéos et des photos qui reflètent sa création, sa personnalité, son univers. Une fois que le master est prêt (musique et images), notre rôle consiste à mettre en place une stratégie marketing et promotionnelle pour faire connaître l’artiste. Notre rôle est de le guider tout au long du processus de production, de mettre notre expérience à son service afin de sublimer sa création et de lui permettre de rencontrer son public. En moyenne, entre le moment où on repère un artiste et la sortie de l’album, s’écoulent entre six mois et un an.
William Edorh et son équipe - Warner Music France, Paris.
Comment repères-tu les jeunes talents ?
Dans le milieu de la musique urbaine, notre principal outil pour dénicher de jeunes talents, c’est YouTube. C’est une plateforme que nous utilisons beaucoup parce qu’elle nous permet de jauger en images le charisme que peut avoir un artiste, sa capacité à mettre en scène sa musique. Cela nous aide à élaborer le positionnement interne que l’on va pouvoir adopter. Quant à la musique en elle-même, on marche surtout au feeling. L’idée est de trouver des artistes complémentaires par rapport à ceux qui travaillent déjà avec nous pour diversifier notre offre.
Notre principal outil pour dénicher de jeunes talents, c’est YouTube (…) L’idée est de trouver des artistes complémentaires par rapport à ceux qui travaillent déjà avec nous pour diversifier notre offre.
Comment travailles-tu au quotidien avec ton équipe ?
Mon équipe est composée d’un Directeur Artistique avec qui je travaille en étroite collaboration pour repérer les artistes, un Chef de Projet Marketing dont la mission est de mettre en oeuvre le plan marketing et promotionnel et une personne qui s’occupe de développer la stratégie digitale. Nous avons chacun un gros travail de relationnel avec les artistes. En fonction de ses besoins et de l’avancée du projet, l’artiste va se diriger vers le DA, le Responsable Digital, le Chef de Projet… Mais je souhaite que chaque membre de l’équipe soit vraiment multi-casquettes. Nous devons tous avoir une vision très globale de notre métier et du projet de l’artiste, et ne pas être cantonné à son seul champ d’activité. En tant que manager, mon rôle est d’être présent à chaque étape, de la signature des contrats jusqu’à la promotion de l’album en passant par la production artistique du projet, pour m’assurer que tout se déroule au mieux.
En tant que manager, mon rôle est d’être présent à chaque étape, de la signature des contrats jusqu’à la promotion de l’album en passant par la production artistique du projet, pour m’assurer que tout se déroule au mieux.
Quel est ton plus gros challenge en tant que Label Manager ?
L’humain est vraiment au coeur de notre métier. Au-delà de la vision stratégique et du savoir-faire que l’on acquiert au fur et à mesure, il faut avoir une intelligence humaine pour réussir à capter les envies et les doutes des artistes afin de les rassurer, les challenger, leur faire passer les messages au bon moment, pouvoir leur dire quand c’est bien et quand c’est moins bien. Nous sommes des transmetteurs, et pour pouvoir au mieux partager leur création avec le public, il faut être à même de capter ce qu’ils ont envie de transmettre et de le sublimer pour que cela arrive dans les meilleures conditions possibles à leurs fans.
Disque de diamant - Warner Music France, Paris.
Qu’est-ce qui t’intéresse le plus dans ce métier ?
Ce n’est pas tous les jours facile, c’est un métier qui demande beaucoup d’investissement et d’énergie car nous devons être au service de nos artistes à chaque instant. Mais ce qui m’éclate le plus, c’est de découvrir un artiste qui n’a encore rien produit, de l’accompagner et de voir quelques mois ou années plus tard qu’il a réussi à créer cette rencontre avec son public. Vous n’imaginez pas le plaisir et la fierté que cela me procure lorsque je remets un disque de platine à un artiste après plusieurs mois de travail acharné ! C’est vraiment la preuve que nous sommes parvenus, ensemble, à construire quelque chose. Ce qui me plait aussi beaucoup dans ce job, c’est que l’on touche à plein de domaines différents : le juridique, l’aspect artistique et le côté marketing et promotionnel.
Ce qui me plait beaucoup dans ce job, c’est que l’on touche à plein de domaines différents : le juridique, l’aspect artistique et le côté marketing et promotionnel.
Quelles qualités doit avoir selon toi un Label Manager ?
En premier lieu, je pense qu’il faut être vraiment passionné par la musique. Il est fondamental de bien connaître son genre musical car pour convaincre un artiste, il faut avoir une certaine légitimité dans son domaine, être crédible. Vous ne pouvez pas échanger sur une caisse claire, sur le potentiel d’un morceau ou sur la qualité d’un réalisateur si vous n’avez pas la sensibilité et les connaissances nécessaires pour argumenter et convaincre. En s’intéressant à un genre musical en particulier, on développe progressivement une certaine acuité sur ce qui se fait ou pas, comment cela se fait, ce qui différencie les artistes qui ont émergé. Cela permet au fur et à mesure de deviner ce qui va faire un grand artiste, même si bien sûr on ne peut pas assurer 100% de réussite. La musique n’est heureusement pas une science exacte, c’est ce qui fait qu’elle est aussi magique !
En s’intéressant à un genre musical en particulier, on développe progressivement une certaine acuité sur ce qui se fait ou pas, comment cela se fait, ce qui différencie les artistes qui ont émergé. Cela permet au fur et à mesure de deviner ce qui va faire un grand artiste.
Quels conseils donnerais-tu à ceux qui souhaiteraient s’orienter vers une carrière de Label Manager ?
Mon premier conseil : entretenir sa passion de la musique, écouter un maximum de choses, regarder et essayer d’analyser ce qui fait que tel projet a fonctionné ou pas. Cela permet d’aiguiser son regard artistique. Sinon, en termes de formation et de parcours, une école de commerce et une première expérience dans une maison de disques indépendante me semblent être une bonne voie. Et puis, il faut faire preuve d’un peu de patience : on ne devient pas Label Manager du jour au lendemain, en général, c’est un poste que l’on peut occuper après au moins 5-7 ans de carrière.
William Edorh, Label Manager - Warner Music France, Paris.
Photo by WTTJ @ Warner Music France
Inspirez-vous davantage sur : Orientation : secteurs et métiers
« J’ai un avenir dans ce métier » : la difficile vocation des secteurs sous tension
« Je sais que je compterai mes sous car le métier n’est pas assez reconnu mais ça ne m’empêche pas d’avoir très envie d’y travailler. »
27 janv. 2023
Face aux enjeux climatiques, les étudiants rêvent-ils encore d'être ingénieurs ?
Le métier d'ingénieur fait-il toujours rêver les étudiants ?
23 juin 2022
Choisir sa carrière : et s'il valait mieux s'opposer à l'avis de ses parents ?
Votre famille est loin d'être neutre lorsqu'il s'agit de vous aider à choisir votre orientation pro et pas toujours une alliée.
06 juin 2022
Digitalisée, relocalisée, engagée : et si l'industrie avait changé ?
Et si l’industrie était finalement un secteur rêvé pour retrouver du sens au travail ? Décryptage.
13 janv. 2022
Montréal : une destination rêvée pour les profils tech ?
Montréal est-elle véritablement le nouvel Eldorado des profils tech ? Montréal tech city tour, c’est parti !
15 avr. 2021
La newsletter qui fait le taf
Envie de ne louper aucun de nos articles ? Une fois par semaine, des histoires, des jobs et des conseils dans votre boite mail.
Vous êtes à la recherche d’une nouvelle opportunité ?
Plus de 200 000 candidats ont trouvé un emploi sur Welcome to the Jungle.
Explorer les jobs