Le pire conseil pro : « Pour réussir ta carrière, mise sur les diplômes »
18 déc. 2023
5min
Dans la vie pro, il y a les bons tuyaux, des préceptes éprouvés que l’on applique bien volontiers, et puis, il y a tous ceux que l’on rangerait bien dans la catégorie « pires conseils ever ». Ce sont ces tips pour se lancer dans la vie active que nous distillent (avec bonne intention), proches, managers ou collègues… Avant qu’on ne se rende compte qu’ils sont bidons. Dans cet épisode, Maryline, 34 ans et auto-entrepreneuse, revient sur le pire conseil pro reçu au début de sa carrière : « Pour évoluer, il faut passer des diplômes. »
Aussi loin que je me souvienne, on m’a toujours recommandé de faire des études poussées si je voulais avoir une bonne situation et plus tard, l’opportunité professionnelle d’évoluer. Dans la bouche de mes proches, c’était plutôt de la bienveillance et la garantie de m’assurer un avenir radieux. À 34 ans aujourd’hui, mon parcours m’a pourtant prouvé le contraire.
Loin d’être bardée de diplômes, j’ai obtenu mon bac il y a quelques années maintenant, en 2008, avant d’enchaîner sur un BTS et une licence pro en gérontologie. Je m’apprêtais à cette époque à devenir directrice de maison de retraite. Mais un changement de loi intervenu l’année de mon diplôme a invalidé ce référentiel de diplôme pour le poste que je visais. En gros, après trois années à avancer dans une même direction, je me retrouvais dans une impasse. Soit je continuais mes études en master, soit je rentrais dans la vie active. Mais vous l’avez deviné, j’ai choisi la seconde option.
Je suis partie deux ans en gendarmerie, faire du management, des ressources humaines et de la formation. J’avais le statut d’officier aspirant et un poste fixe. Puis, j’ai été commerciale pour différentes structures, en magasin en tant qu’itinérante pour un gros groupe de produits laitiers, et enfin à un poste de bureau et de stratégie commerciale pour finir directrice commerciale.
Plus ma carrière avançait, plus on a seriné ce conseil à mes oreilles. Quand je sortais du bac, pour devenir directrice de maison de retraite, on me disait déjà d’emprunter la voie du master, plus sûre et plus rapide. Puis, il est réapparu lorsque je suis devenue commerciale et que je voulais évoluer. Enfin, quand j’ai commencé au poste de promotrice, on m’a alors dit : « Si tu veux évoluer, il te faut absolument un master. »
Je pense que ce conseil est souvent donné avec bienveillance. Quand il sortait de la bouche de mes proches, il visait à me protéger : « Tu es arrivée jusque là, essaye de valider ton diplôme pour t’assurer quelque chose derrière. » Des employeurs me l’ont également servi. Pour eux, je pense que c’était dans le but de légitimer le fait qu’ils accompagnaient quelqu’un de compétent. Et le dernier cas de figure, ce sont des gens que j’ai pu rencontrer, souvent sortis d’écoles de commerce, qui m’adressaient ce conseil avec un air suffisant et supérieur. Tant que je n’obtiendrais pas ce sésame, je ne vaudrais pas le quart de leur valeur à eux. Tout de suite, la recommandation devient plus agaçante et titille l’ego. De façon générale, je n’ai jamais vraiment écouté ces paroles-là puisque je n’ai toujours pas passé de master. Bon, pour être tout à fait honnête, j’ai tout de même tenté de m’inscrire à un master en ligne. Seulement… Je me suis ennuyée et j’estime que j’ai déjà assez étudié et que je travaille depuis suffisamment longtemps pour ne pas avoir à prouver quoi que ce soit.
Dans cette boîte, j’ai donc mis les bouchées doubles pendant deux ans et j’ai bel et bien fini par évoluer, sans le fameux master. J’avais tellement bossé, je m’étais rendu si visible par mon travail, qu’au final j’ai pu prétendre aux promotions sans problème, et quand j’ai quitté cette boîte par la grande porte, c’était pour postuler à un offre de directrice commerciale (le sommet) dans une start-up. Et fun fact, au moment de candidater à ce nouveau poste, les candidats qui étaient face à moi avaient tous des masters, en écoles de commerce ou d’agronomie. J’ai obtenu le poste et en même temps, ma petite revanche.
Ma philosophie : « Je n’ai pas le sentiment d’avoir besoin de justifier mon expérience par un diplôme »
Pour moi, le diplôme n’est qu’une case sur un CV, mais il ne reflète en rien la réalité. Aujourd’hui, je pourrais faire une VAE (validation des acquis de l’expérience) pour valider un master, mais je n’en ai pas envie. Je n’ai pas l’impression d’avoir besoin de me justifier de ne pas en avoir un. Je ne connais pas le chômage et j’ai toujours trouvé des emplois. Certes, il y a une façon de présenter la chose et il faut rester à l’affût des tendances de recrutement pour connaître les secteurs qui font confiance sans égard aux diplômes. Mais globalement, je ne ressens pas le besoin de justifier mon expérience ou de garantir ma valeur par un diplôme. J’ai au contraire, l’impression d’avoir reçu les enseignements en pratiquant directement alors qu’un master serait resté théorique. Sans ce diplôme, je me sens armée, parce que je suis expérimentée.
On pourrait croire que je dis cela avec une certaine facilité, et que je suis une « fille de bonne famille ». Ce n’est clairement pas le cas. Je suis la première à avoir décroché le bac parmi les miens, ma mère n’a jamais travaillé de sa vie et j’ai perdu mon père à 12 ans, ce qui ne m’a pas particulièrement aidée au départ. C’est plutôt un capital que j’ai pu créer par moi-même, sur le terrain.
Les compétences, on peut les acquérir par d’autres moyens que les études. Parallèlement à ma vie professionnelle, j’ai, par exemple, fait beaucoup de bénévolat pour diverses associations et ONG. Et forcément on développe tout un tas de compétences transversales. Quelqu’un qui bosse dans la restauration peut appliquer sa rigueur partout. Pour mon cas ça a été l’aisance relationnelle et le contact clientèle qui m’ont permis de m’adapter à de nombreux secteurs. Par exemple, en association, l’argumentation commerciale m’était d’un grand secours pour convaincre des personnes et leur donner envie d’adhérer à un projet, ou pour aller chercher des très grosses subventions auprès de la préfecture. La rigueur de la gendarmerie m’a permis en tant qu’entrepreneur à ne pas perdre pied. On pourrait multiplier les exemples.
C’est un bilan de compétences qui m’a éclairée et me permet aujourd’hui d’imaginer, comment transposer mes qualités d’un secteur d’activité à l’autre.
Pour moi, les entreprises devraient offrir l’opportunité aux salariés d’évoluer en interne peu importe leur parcours. Si une personne montre l’envie d’évoluer qu’elle fait le travail nécessaire pour, en termes d’apprentissage, de motivation, de curiosité (qualité essentielle dans le monde professionnel), de prises de responsabilités, alors oui, clairement, il faut faire évoluer les salariés qui montrent ce potentiel. Ce n’est pas le cas de tout le monde, certaines personnes font leur job sans être pour autant carriéristes. Chacun met le curseur de sa carrière où il veut.
Pour ma part, j’ai été carriériste pendant des années, mais beaucoup moins à présent. J’ai gravi les échelons que je voulais gravir, je m’étais donné un top objectif que j’ai atteint. Je suis plutôt dans la recherche du sens que dans la carrière. Je suis actuellement consultante en développement durable à mon compte, depuis un an et parallèlement je prépare mon BPREA, un diplôme agricole, pour pouvoir m’installer en tant que maraîchère. Si tout se passe bien, je l’obtiens en janvier. Mais ne vous méprenez pas, cette formation est l’équivalent d’un niveau bac.
Mon conseil : « Il existe de nombreuses portes pour un même métier »
Si je devais donner un conseil à mon tour, je dirais que, si vous en avez envie de quelque chose et que vous pensez que la marche est atteignable, alors allez-y ! Quand on travaille par soi-même, qu’on se forme, et qu’on est sérieux, alors on a des chances d’obtenir ce que l’on veut. Et puis, il ne faut pas trop se prendre la tête avec le diplôme. Si on ne se sent pas d’aller jusqu’à un master, qu’on ne souhaite pas être formaté par une école de commerce, il existe de nombreuses portes pour un même métier. Bien sûr, ça ne fonctionne pas à tous les coups, et on ne devient pas médecin ou psychologue sans passer son master, c’est évident. Mais pour certains métiers c’est possible et j’en suis la preuve.
Article édité par Gabrielle Predko ; Photo par Thomas Decamps.
Inspirez-vous davantage sur : Tirer le meilleur de son premier job
Jeunes diplômés et romantiques du XIXe siècle : même désillusion, même combat ?
Trois chercheurs en sciences sociales ont comparé les deux époques pour questionner la place du sens dans le monde du travail.
07 mai 2024
Candidats : que pensent les recruteurs de vos jobs étudiants ?
Contrairement à ce que l'on pense parfois, nos jobs étudiants ont une vrai valeur ajoutée pour les recruteurs.
11 avr. 2024
« Jeune salarié, j'ai testé la start-up... et n'y remettrai plus les pieds ! »
« On nous mettait la barre très haute, sans nous donner les moyens d’atteindre les objectifs fixés. »
27 nov. 2023
Le pire conseil pro : « Il faut accepter n’importe quel salaire pour commencer »
« Je crois qu’en France, on a une certaine frilosité à faire évoluer des jeunes salariés. »
07 juin 2023
Le pire conseil pro : « Pour bien travailler, il faut être sous pression »
Dans ce premier épisode, Bastien, nous parle du pire conseil pro qu’il a reçu : « Pour bien travailler, il faut être sous pression. »
19 janv. 2023
La newsletter qui fait le taf
Envie de ne louper aucun de nos articles ? Une fois par semaine, des histoires, des jobs et des conseils dans votre boite mail.
Vous êtes à la recherche d’une nouvelle opportunité ?
Plus de 200 000 candidats ont trouvé un emploi sur Welcome to the Jungle.
Explorer les jobs