Transition de carrière : et si vous vous laissiez guider par vos émotions ?

07 sept. 2021

7min

Transition de carrière : et si vous vous laissiez guider par vos émotions ?

On ne prend pas une décision sous le coup de l’émotion, non… Pourtant, pas toujours facile d’aborder de manière détachée nos transitions professionnelles. Excitation mais aussi peur, stress, doutes… Que l’on soit en transition entre deux emplois ou en recherche d’un nouveau projet professionnel, on peut se sentir envahi par nos émotions en période de changement. C’est parfois comme si nos ressentis squattaient notre quotidien pour parasiter toutes nos réflexions. Faut-il pour autant les ignorer, les mettre de côté pour s’assurer de prendre les bonnes décisions ? Certainement pas.

Ces émotions nous donnent aussi des indications susceptibles de nous guider dans nos décisions, je le vois tous les jours dans ma pratique de coach. Si certaines émotions peuvent nous tétaniser, d’autres ont le pouvoir un peu magique de nous mettre en mouvement. Étymologiquement, l’émotion est justement “ce qui meut” ! Et si nous nous mettions volontairement à l’écoute de nos émotions pour mieux avancer en eaux troubles ?

Décision rationnelle VS. décision émotionnelle

Vous la voyez, cette peur irrépressible de démissionner ou d’accepter ce nouveau CDI ? Celle où vous avez l’impression de lâcher la proie pour l’ombre. « Est-ce vraiment la bonne décision à prendre ? Ne vais-je pas le regretter ? » C’est la tempête dans votre tête ! Alors, forcément, vous avez envie de faire taire ces petites voix qui vous empêchent d’être rationnel… Et c’est compréhensible, c’est parfois très désagréable de se sentir assujetti à ces états d’âme passagers lorsque l’on envisage un pivot de carrière… Car les émotions influencent nos perceptions, mais il est si difficile de faire sans les prendre en compte…

Si l’émotion est une réaction bio-physio-psychologique que nous envoie notre corps face à ce qui se passe dans notre environnement, elle est aussi une invitation à l’action. Sans émotion, pas de prise de décision ? C’est en tout cas ce qu’a démontré le chercheur en neurobiologie Antonio Damasio dans les années 90 (L’erreur de Descartes, A. Damasio). Les recherches menées par le spécialiste ont mis en avant l’implication de la zone cérébrale des émotions dans nos processus cognitifs. Celui qui serait coupé de ses émotions pourrait alors éprouver de grandes difficultés à poser des décisions !

C’est en fait comme si l’émotion nous permettait une plus grande rapidité et une meilleure efficacité de la pensée : face à la complexité des processus de décision qui demandent de prendre en compte de très nombreuses variables, l’appel à l’émotion fonctionne comme un raccourci qui nous permet rapidement d’écarter les propositions déplaisantes ou dangereuses, ou de favoriser celles qui sont associées à un souvenir positif. C’est grâce à lui que l’on peut ressentir le risque lié à un changement de poste, par exemple, mais aussi envisager l’inconfort qu’il y aurait à ne pas bouger. En faisant le lien avec nos souvenirs, les émotions nous permettent de sentir les choses de manière un peu instinctive. Cela peut parfois nous donner un sacré coup de pouce, mais je le reconnais, parfois aussi nous freiner à l’excès.

Vous l’avez compris, nos émotions ne sont pas que des signaux parasites. Pourtant, en fonction de nos éducations, de nos histoires individuelles ou de la culture dans laquelle nous avons baigné, nous avons tendance à nous en méfier pour prêter davantage attention à nos pensées. Et chez vous, qu’en est-il ? L’émotion, dangereux distracteur ou boussole dans vos choix de vie ?

Et si les émotions pouvaient nous aiguiller dans nos décisions ?

Les émotions, messagères de l’ombre

Nos émotions ont pour nous une fonction très précise : elles sont des indicateurs de nos états internes. Parce qu’elles font appel à une partie très spontanée, incontrôlable de nous, elles nous permettent de communiquer avec ce qu’il y a à l’intérieur. Lorsque l’on est à des tournants de sa vie professionnelle, que l’on ne se sent pas bien dans son job ou que l’on cherche quelles sont les meilleures options pour avancer, se connecter à nos émotions peut être très précieux !

Une partie de mon travail de coach consiste à permettre à cette petite voix que l’on a au fond de soi, de s’exprimer. Des personnes viennent me voir parce qu’elles veulent des conseils, des idées, de l’aide dans leurs démarches de transitions professionnelles. En réalité, le chemin que l’on parcourt ensemble n’est pas uniquement une exploration des routes à prendre, mais surtout une exploration de ce qui est au fond : besoins, désirs, aspirations, rêves. Dans ces moments-là, l’important est de faire la lumière, de se connecter avec ses ressentis, dépasser aussi ses peurs, identifier les interdits et les désirs. Quels sont les formatages et les craintes qui nous font choisir une option plutôt qu’une autre ? Qu’est-ce qui nous convient dans notre fonctionnement, et qu’est-ce qui nous enferme ?

Les émotions trahissent nos besoins

Les émotions peuvent aussi être une véritable porte d’accès à nos besoins fondamentaux. Les émotions négatives tout particulièrement - tristesse, colère, peur - nous renseignent sur nos besoins non satisfaits, elles sont comme un signal d’alarme (selon la CNV, Communication Non-Violente). Si vous vous trouvez dans une situation professionnelle préoccupante ou que vous vous apprêtez à prendre une décision qui vous met en danger par exemple, il est très probable que vous ressentiez dans votre corps un état physique et émotionnel déplaisant.

Rester à l’écoute de vos émotions ouvre des pistes de réflexion : vous vous sentez stressé dans votre travail actuel ? Vous avez peut-être besoin de repos, d’un espace de respiration ? Ou bien, vous avez peut-être besoin de davantage de liberté. Vous vous sentez en colère contre votre employeur, contre un membre de votre équipe ? Vous avez peut-être besoin de davantage de respect, mais aussi de confiance

Intégrer davantage nos émotions dans nos prises de décisions… comment faire ?

Vous passez des entretiens dans une entreprise qui vous fait une offre, et vous ne savez pas quoi répondre. Parfois, à la croisée des chemins, deux options s’offrent à vous : accepter l’offre ou refuser. Aucune des propositions ne vous semble évidente, de part et d’autre se trouve du “pour” et du “contre’’. Pour le philosophe Charles Pépin, c’est précisément dans ce genre de situation où les critères rationnels ne nous permettent pas de choisir qu’une véritable décision doit être prise. On doit « compenser l’insuffisance des critères par l’usage de sa liberté » (cf : La confiance en soi, Charles Pépin). Le philosophe nous invite à rester connecté à notre désir, rester fidèle à nous-même pour trouver une sorte de cohérence intérieure.

Face à une décision à prendre, il est important, bien sûr, de passer par une liste des avantages et désavantages de chaque option qui se propose, mais se mettre à l’écoute de ce que l’on ressent en se projetant dans les différents scénarios peut ensuite nous aider à trancher. En période de transition, prenez le temps de vous poser, régulièrement, pour vous retrouver et vous mettre à l’écoute de vous-même. Cela peut être l’occasion de mieux apprivoiser les petites variations d’humeur, mais aussi d’identifier comment vous vous sentez au fil de vos réflexions, ou de détecter quand vos besoins n’ont pas été respectés.

Les processus d’embauche que vous traversez, les rencontres professionnelles que vous faites vous permettent de vous créer un ressenti, un avis, par rapport à cet emploi potentiel. Comment vous sentez-vous dans cette structure ? Comment vous sentez-vous dans les relations avec cette équipe ? Quelles émotions vous traversent quand vous vous projetez dans le métier, le poste ? Un peu de peur, peut-être ? De la joie, de l’enthousiasme ? Un peu de tract ? Beaucoup d’anxiété ? Une envie de prendre vos jambes à votre cou ? Ces états émotionnels, s’ils sont exprimés, vous permettront d’y voir plus clair. Ils peuvent agir comme un feu vert intérieur, ou à l’inverse un message d’alerte qui nous dit de ne pas y aller. Une bonne décision peut soulever des peurs, bien sûr, mais amène une fois prise une certaine sérénité, de l’apaisement ou du soulagement, et parfois aussi beaucoup de joie !

Être à l’écoute, ce n’est pas se soumettre

Face aux émotions parfois contradictoires qui se mêlent en nous, nous avons besoin de faire la part des choses. On reçoit une proposition d’embauche, on a peur de dire oui et de se trouver prisonnier de ce CDI, puis juste après, on redoute de dire non et de n’avoir plus d’autres options. Des vagues émotionnelles nous traversent. On change mille fois d’avis.

Il y a des émotions qui nous freinent, à tort, mais parfois aussi à raison. À l’aube d’un changement, il n’est pas anormal de ressentir de la peur. L’excès de peur, en revanche, peut être un signal à prendre au sérieux. Essayons alors de comprendre ce qui se cache derrière nos peurs. À quoi est liée la crainte que je ressens ? Y a-t-il autre chose caché dans cette peur ? Cette émotion ressentie est-elle plutôt un frein à l’action, ou un garde-fou à trop d’impulsivité ? Est-ce que si je ne vais pas là où j’ai peur, c’est par facilité, par peur du changement, ou par prudence ? Au pire, que pourrait-il se passer ? Quelles portes de sortie pourrais-je avoir ? Quelles seraient les conséquences sur la suite de mon parcours ? Identifier nos émotions et interroger nos ressentis permet de ne pas en être esclave. Quelles sont les bonnes et les mauvaises raisons qui me poussent dans une décision ?

Quand on dit “rester à l’écoute”, on ne dit pas d’obéir à nos émotions comme si elles donnaient des ordres ! Il serait d’ailleurs une très mauvaise idée de prendre une décision quand on se sent énervé ou agité. Mieux vaut plutôt laisser décanter les choses et attendre un moment de calme. Se mettre à l’écoute, c’est plutôt identifier ce que l’on ressent, nommer les émotions (par exemple, à l’écrit, si ça aide), puis écouter ce qu’elles ont à nous dire. On ne peut pas se laisser déborder par ce que l’on nomme.

Identifier ses émotions, les accueillir sans se juger, pouvoir les exprimer, c’est éviter qu’elles ne ressortent par ailleurs. Cela peut aussi être l’occasion de faire le tri entre vos émotions et celles que les autres - conjoints, proches, amis - projettent sur vous dans ces moments de transition, et qui peuvent être aussi contagieuses ! Il arrive parfois d’ailleurs qu’après des jours ou des semaines d’hésitations, la décision finale émerge comme la seule option envisageable à nos yeux, comme si l’on avait toujours su, au fond, la décision que l’on désirait prendre… Cela prend du temps d’y voir clair !

Comme elles nous renseignent sur la manière dont nous vivons les choses, profondément, nos émotions peuvent être réellement nos alliés dans les périodes de transition professionnelles. Elles nous aident à savoir quand nous sommes alignés et se mettre à leur écoute facilite le dialogue intérieur. Coupé de nos émotions, il est d’ailleurs bien difficile de savoir ce que l’on veut, ce que l’on désire ! Souvent, lorsque ma route croise des personnes en transition professionnelle qui disent n’avoir aucune idée de job, aucune appétence particulière pour un domaine, la première étape est tout doucement de se reconnecter à ce qui nous fait vibrer, de se reconnecter à ses émotions que l’on a parfois mis sous cloche. Au fond de nous, plus souvent qu’on ne le croit, notre cœur sait ce qu’il veut faire et vivre…

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Photo by WTTJ
Édité par Eléa Foucher-Créteau

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