Le stress au travail : un fléau pour les entreprises et les salariés

18 mai 2018

6min

Le stress au travail : un fléau pour les entreprises et les salariés
auteur.e
Nora Leon

Communications & content manager

D’après une étude du cabinet Stimulus menée sur 32 000 salariés en 2017, près d’un quart des Français se trouverait en situation d’hyper-stress au travail. En mars 2018, l’ADN publiait un article au titre provocateur : Le travail tue, et tout le monde s’en fout. Il faisait état des chiffres alarmants rien qu’aux États-Unis en 2017 : 120 000 décès liés au stress en 2017, une douloureuse dette de 130 milliards de dollars. Une bagatelle, n’est-ce pas ?

Mais alors, quelles formes prend ce stress au travail ? D’où provient-il ? Qu’en coûte-t-il aux salariés comme aux entreprises ? Comment le canaliser ? Pour mieux comprendre, nous avons sollicité Océane Marchand, psychologue du travail spécialisée dans l’accompagnement d’individus en souffrance dans le cadre professionnel.

Start with why : d’où provient tout ce stress ?

Parmi les causes les plus fréquentes, Océane met en avant, d’après le rapport Gollac du Ministère du Travail sur les risques psychosociaux (2011) :

  • La surcharge de travail : trop de responsabilités, un temps insuffisant, des tâches complexes ;
  • Les exigences émotionnelles : devoir refouler ses émotions face aux clients dont on voit la souffrance (dans la santé ou comme téléopérateur par exemple) ou quand on est agressé (comportements violents, racistes…). De manière plus pernicieuse, devoir adopter des émotions lisses (joie et bonne humeur) en entreprise est aussi identifié comme un facteur de stress.
  • Le manque d’autonomie et de marge de manœuvre : les procédures rigides, le micro-management, les tâches répétitives, l’impossibilité d’êtrecréatif et proactif ;
  • Le manque de soutien social et de reconnaissance : l’absence de cohésion d’équipe et de bienveillance, le manque de lien voire l’existence de conflits, l’absence de remerciements ;
  • Les conflits de valeurs. Par exemple, une organisation du travail qui privilégie la quantité par rapport à la qualité en ne donnant pas les moyens à l’employé de faire correctement son travail (ce qu’on appelle la ‘qualité empêchée’), ou encore l’incohérence entre les valeurs de l’entreprise et celles du collaborateur, qui amène une perte de sens dans le travail.
  • L’insécurité de l’emploi, dans une situation incertaine ou précaire.

À cela, on pourrait ajouter enfin la difficulté à concilier vie professionnelle et vie privée (à lire : 10 conseils pour trouver l’équilibre)

Petit précis des manifestations du stress au travail chez l’employé

Alors, comment ce stress se manifeste-t-il ? Selon Océane, le stress se manifeste en trois phases :

  • Une phase d’alerte, avec une libération d’adrénaline et de cortisol. En bref, vous commencez à sentir monter la pression, vous avez envie de fuir, et au lieu de cela vous grignotez et vous vous pressez en ayant diffusément mal au ventre.
  • Une phase de résistance, avec une libération de glucocorticoïde. Vous ne vous êtes jamais demandé comment vous réussissiez régulièrement à rendre des dossiers qualitatifs après avoir travaillé pendant des semaines jusqu’à 4h du matin ? Merci le glucocorticoïde.
  • Une phase d’épuisement, ou le stress devient chronique.

Or, Océane nous l’expliquait bien, le corps ne différencie pas une situation réellement dangereuse pour notre santé, voire notre vie, d’une simple situation stressante au travail.

Si le stress perdure, notre productivité et notre bien-être baissent et notre santé physique est affectée. Parmi les symptômes d’un stress chronique, Océane cite : « des douleurs, troubles du sommeil ou de l’appétit, crises de larmes, perturbation de la concentration. Des pathologies peuvent apparaître : le burn-out, la dépression, l’anxiété, des maladies cardio-vasculaires, des troubles musculo-squelettiques. » Côté vie privée, le stress peut se traduire par « une humeur négative à la maison, un repli sur soi, une diminution des activités extra-professionnelles (activités sportives, sorties), une séparation, une perte de sens générale de sa vie. »

Si les conséquences sont si graves, c’est parce que le travail représente une grande partie de l’équilibre vital dans nos sociétés. Océane insiste : « Le travail a une place privilégiée dans nos vies : l’une des premières questions que l’on pose à une personne que l’on rencontre est souvent « Que fais-tu dans la vie ? » Le travail permet de développer nos compétences, d’être reconnu et d’établir des relations sociales. Central, le travail façonne notre vie et notre identité. » Par conséquent, un mal-être au travail équivaut à saborder toute une partie de son équilibre, et par là même, de son bonheur.

Un lourd bilan pour les entreprises

Côté entreprises, les maladies mentales seraient la première cause d’invalidité en France, et le deuxième motif d’arrêt du travail. Selon un rapport de la Cour des Comptes de 2011, on pourrait chiffrer la mauvaise santé psychique des salariés à plus de 100 milliards d’euros par an en France. Les Echos estiment que le mal-être au travail coûterait 13 500 € par an et par salarié, et selon le poste et le niveau de responsabilités, un licenciement et remplacement peuvent en coûter beaucoup plus à un employeur.

« On peut évoquer les coûts directs pour l’entreprise au niveau des soins, de l’absentéisme, du présentéisme et du turn over. Il y a également des coûts indirects liés à une baisse de la productivité et aux mouvements sociaux qu’une organisation nocive peut engendrer. Les coûts humains ne sont pas non plus à négliger en terme de souffrance psychique », explique Océane. « Il est donc primordial de prendre soin de la santé psychologique des employés. Certaines organisations, telles les entreprises libérées ou agiles, donnent d’ailleurs la parole à leurs employés sur ce sujet trop souvent tabou. »

Rien n’est fichu. Comment gérer le stress au mieux ?

Côté employeur

Plusieurs solutions existent :

  • Prévenir l’apparition du stress en intervenant sur l’organisation du travail, notamment en ayant recours à des cabinets spécialisés pour apporter un regard extérieur sur la meilleure organisation possible à l’échelle de l’entreprise.
  • Aider les collaborateurs à gérer leur stress grâce à des formations (gestion du temps, gestion des conflits, développement de l’intelligence émotionnelle) ou à la mise en place de services annexes (conciergerie, par exemple).
  • Accompagner les professionnels en souffrance au moyen de consultations spécialisées.

« L’employeur remet ainsi en question l’organisation du travail. Pour cela, c’est utile que les salariés s’expriment. Ils sont experts de leur travail et peuvent en débattre pour l’améliorer ! C’est lors de ces débats que sont questionnés les processus, pratiques, et responsabilités de chacun pour mieux calibrer le travail » précise Océane.

Côté collaborateur

De nombreuses solutions peuvent être mises en place, mais il ne faut pas attendre que le stress s’installe.

Prenez les problèmes à la racine. Vous n’appréciez pas le style de management de votre supérieur hiérarchique ? Vous avez l’impression qu’un conflit pointe avec un collaborateur ? Une rapide formation à la communication non violente peut vous aider à exprimer votre besoin, et comprendre celui de la personne en face, pour trouver des manières créatives de les combler. Exprimer vos difficultés ou inquiétudes amènera souvent l’autre personne à vous offrir de la bienveillance, et à chercher avec vous une solution.

Faites du sport. Yoga, course à pied, natation, sports de combat, vélo, équitation, tous sont bons pour vous détendre après le travail ou même à la pause déjeuner. (À lire : faire du sport au travail : un boost de productivité).

Soignez votre ventre. Dans Et si ça venait du ventre, Pierre Pallardy explique que le système digestif est un deuxième cerveau relié au premier, qui, s’il est en bonne santé, participe activement de notre bien être. Sa méthode pour remettre en harmonie les deux cerveaux préconise entre autres la respiration abdominale, les massages localisés, certains mouvements sportifs et le choix de certains aliments par rapport à d’autres.

Pour commencer, vous pouvez respirer profondément jusque dans votre ventre 10 minutes par jour, et prendre vos repas posément, ou encore pratiquer la méditation (commencez par exemple avec Petit Bambou).

Et dès à présent, vous pouvez consommer des aliments réputés anti-stress, riches en omégas 3, en vitamines (B5, B9, B12 notamment), et en oligo-éléments. Parmi eux, les poissons gras (thon, saumon, maquereau, sardine), les œufs, les fruits et les légumes (les superstars sont l’épinard, et la myrtille et l’avocat), les infusions (camomille aubépine, valériane, passiflore, ginseng) et le thé noir, ou encore le chocolat (si si).

Conclusion : et si on évoquait le bon stress ?

Il existe des moyens de transformer le stress néfaste et paralysant en booster, pour le faire devenir… Un petit mais délicieux shot de gingembre (miam).

Vous avez un dossier d’importance à rendre bientôt et peu de temps pour le finir ? Si vous travaillez en équipe avec vos collaborateurs, vous vous encouragez, que votre hiérarchie vous félicite de tout ce travail abattu et qu’en plus, vous êtes impatient de présenter ce travail de qualité à votre client, c’est gagné. Vous installez en effet le stress non pas comme un obstacle, mais comme un moteur et donc un facteur de réussite du projet. Plutôt que du cortisol, vous sécrétez grâce aux liens avec votre équipe et à la reconnaissance apportée, de l’adrénaline, et plus tard de la sérotonine et de la dopamine, les hormones du bonheur. Bingo !

Si vous procédez ainsi, vous en arriverez sûrement à être ce ceux qui déclarent de manière catégorique : “moi, j’ai besoin d’adrénaline pour bosser efficacement.”

Pour aller plus loin, à lire :

  • Pierre Pallardy, Et si ça venait du ventre ?, Robert Laffont, 2002.
  • Jeffrey Pfeffer, Dying for a Paycheck, Harper Business, 2018.
  • M. B. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres, La Découverte, 2016.
  • Le rapport Gollac du Ministère du Travail sur les risques psychosociaux, 2011.

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