Travail et insomnie : comment briser le cercle vicieux
05 mars 2025
5min
Après une nuit à se (re)tourner sans cesse dans son lit, le réveil peut être brutal, pour ne pas dire douloureux. Si expérimenter une insomnie ponctuelle arrive à tout le monde, sa récurrence, elle, pose problème. Car les effets du manque de sommeil sont délétères au quotidien : fatigue bien sûr, mais aussi irritabilité, nausées, baisse de performance… Et ce qu’on vit la journée, notamment au bureau, a tendance à alimenter ces insomnies qui peuvent devenir chroniques. Conseils pour faire face à ce fléau des nuits blanches liées au travail.
2h58. Vous avez beau vous emmitoufler sous les draps, fermer les yeux d’un air paisible et penser très fort à vous endormir, ça ne prend pas. Votre rendez-vous pro du lendemain approche à grands pas, le réveil vous rappelle l’heure bien trop tardive et le stress vous empêche de tomber dans les bras de Morphée. Au lieu de ça, vos pensées reviennent sans cesse sur cette foutue réunion et jouent avec vos nerfs comme avec les cordes d’une guitare… en sabotant, au passage, des heures de sommeil bien précieuses.
Selon des chiffres de l’Inserm publiés en 2017, l’insomnie, un trouble qui se traduit par un déficit involontaire du sommeil, concerne entre 15 et 20% des Français. Parmi eux, 9% souffrent d’une insomnie chronique qui impacte largement leur quotidien.
« On parle d’insomnie chronique si on a du mal à s’endormir et/ou qu’on se réveille la nuit en ayant du mal à se rendormir et/ou qu’on se réveille avant l’heure souhaitée le matin, que ces symptômes s’observent au moins trois fois par semaine depuis plus de trois mois et s’accompagnent de la sensation d’un sommeil non récupérateur », expose Patrick Lesage, spécialiste et conférencier sur les questions liées au sommeil et au stress. « Il faut distinguer le trouble du sommeil de l’insomnie chronique, qui nécessite, elle, de consulter. Si elle est un trouble passager, l’insomnie n’engendre pas nécessairement de désordres sur les plans de la santé physique et mentale », temporise le spécialiste. Toujours est-il que quand l’activité la plus reposante et passive qui rythme nos nuits se transforme en véritable calvaire, on aimerait volontiers que ça ne recommence pas. D’où l’intérêt de trouver le ou les coupables. Le stress, l’anxiété, la dépression et certaines maladies neurologiques peuvent indéniablement faire passer de mauvaises nuits. Et le travail, en tant que composante majeure du quotidien, peut naturellement être mis en cause.
Quel insomniaque du travail êtes-vous ?
Plusieurs facteurs liés au travail peuvent amener à fixer le plafond au beau milieu de la nuit. On fait le point sur les causes de ces nuits plus fatiguantes que reposantes, qui découlent d’une journée de boulot.
Des horaires atypiques perturbants
« L’insomnie peut être liée à des horaires atypiques auxquels vous devez vous adapter de façon régulière, ou à un emploi du temps dont les horaires sont chaque jour différents », explique Patrick Lesage. Horaires de nuit ou particulièrement matinales, coupures en pleine journée, emploi du temps mouvant… Face à des horaires nocturnes ou en contradiction avec le rythme circadien – l’horloge interne du corps –, trouver le sommeil peut devenir un vrai casse-tête.
La situation qui tourne en boucle
Vous venez d’être embauché dans la boîte de vos rêves, une situation pro à venir vous stresse particulièrement ou encore, une remarque de votre N+1 vous reste en travers de la gorge… Dans ces trois cas de figure, votre insomnie se range du côté d’un manque de lâcher-prise. « Le manque de lâcher-prise par rapport à un enjeu, peut directement impacter le sommeil. Il s’agit le plus souvent d’événements vécus de façon négative : une altercation au travail, un problème directement lié à l’activité, un manque de confiance en soi… », détaille le spécialiste du sommeil.
L’angoisse face à l’incertitude
Entre janvier 2021 et janvier 2024, le nombre de Français payés au SMIC a augmenté de près de 50% (pour compter 3,1 millions de smicards). Dans un tel contexte, tous les salariés sont loin de jouir d’une stabilité financière, et le facteur économique peut entrer en ligne de compte lorsqu’il s’agit de dormir sur ses deux oreilles. « Les décisions, qu’elles soient politiques ou internes à une entreprise, peuvent nourrir une incertitude économique » souligne Patrick Lesage. Une entreprise dans laquelle se dessine un licenciement économique, un secteur touché par des mouvements sociaux, des enfants malades qu’il faut bien faire garder quelque part pour aller bosser… « Ce n’est pas toujours le travail en tant que tel, mais aussi le travail dans un certain contexte, qui vient perturber le sommeil ».
Des relations insatisfaisantes
Et puis, il y a les collègues avec qui ça ne matche pas, un management abusif, une hiérarchie aux abonnées absents, les discussions houleuses qui donnent du grain à moudre à 3h du matin… « Le stress en entreprise est, entre autres, induit par un manque de soutien social et des difficultés avec la hiérarchie. Les relations au travail sont primordiales et des relations toxiques peuvent nourrir les troubles du sommeil. Sans oublier les personnes qui ne parviennent pas à exprimer leurs problèmes liés au travail, s’isolent peu à peu et ressassent leurs problèmes la nuit venue » pose l’expert.
Le faux-ami : l’insomnie du dimanche soir
Tourner dans son lit dans la nuit du dimanche au lundi peut en revanche être trompeur. Cette insomnie-là a plus de chances d’être liée à un rythme de sommeil perturbé par une grasse matinée qu’à l’angoisse du retour au bureau le lendemain. « Chacun a une horloge interne qui tourne à sa propre vitesse, et cette horloge est relativement figée. Si vous vous levez à 10h le dimanche au lieu de 7h le reste de la semaine, vous aurez plus de mal à vous endormir. En effet, la pression de sommeil, c’est-à-dire le temps d’éveil suffisant pour susciter l’endormissement, n’est pas assez forte » détaille Patrick Lesage.
Aller simple pour une nuit complète
À moins que vos nuits agitées ne soient liées à des horaires atypiques, auquel cas il ne reste qu’à attendre de trouver votre rythme et/ou changer de boulot pour retrouver un sommeil réparateur, voici quelques conseils pour échapper au vide angoissant de l’insomnie. Spoiler : ces solutions n’incluent aucune substance chimique.
1. Ne laissez pas la pression s’installer
Si vos insomnies sont liées à un événement particulier que vous ressassez en boucle dans votre tête, des exercices de pleine conscience ou de respiration, à faire au cours de la journée, peuvent aider. « L’idée est de s’ancrer dans l’instant présent et de ne pas rester sur des pensées bloquantes en prenant conscience de ce blocage et en relativisant les conséquences. On peut apprendre des techniques de pleine conscience ou encore travailler sur sa respiration pour apprendre à lâcher prise », rassure Patrick Lesage.
2. Utilisez votre corps ou votre esprit
« Sans parler nécessairement de sport, on peut faire un peu d’exercice physique pour libérer le mental ou au contraire, passer par le mental pour libérer des tensions corporelles » suggère notre expert. Au programme : de la méditation, de la marche, des exercices de cohérence cardiaque… Autant d’activités simples à mettre en œuvre, qui ne prennent que quelques minutes mais peuvent bénéficier à vos jours, comme à vos nuits.
3. Ne restez pas isolé
Afin de ne pas rester seul avec ses problèmes au beau milieu de la nuit, confiez-vous. À votre hiérarchie pour éviter qu’une situation traumatisante ne se présente de nouveau, à vos proches, à un professionnel de l’écoute… « On peut parler à une personne de confiance et bienveillante, ou se confier grâce à l’écriture expressive. C’est un moyen de coucher ses pensées sur le papier qui a fait ses preuves », conseille le spécialiste.
4. Adoptez une bonne hygiène de sommeil
Bien dormir, c’est aussi écouter son corps lorsque les premiers bâillements surgissent – et non pas lorsque le générique de fin de votre série défile. « Il faut bien connaître son horloge biologique, adopter une hygiène lumineuse qui évite l’exposition à la lumière blanche ou à la lumière bleue une à deux heures avant le coucher, réserver la chambre à coucher au sommeil et écouter son corps lorsqu’il demande à dormir. Si vous êtes dans un environnement calme et que votre tête s’affaisse, que vous sentez un frisson vous parcourir ou un bâillement, il est l’heure d’aller au lit », recommande Patrick Lesage.
Pour des insomnies passagères, il existe donc des moyens de lâcher-prise et de libérer votre mental de situations angoissantes vécues ou à venir au travail, pour enfin retrouver un sommeil récupérateur. Mais si vos nuits blanches deviennent récurrentes au point de se transformer en insomnie chronique, n’hésitez pas à consulter un médecin.
Article écrit par Pauline Allion, édité par Aurélie Cerffond, photographie par Thomas Decamps
Inspirez-vous davantage sur : Santé
« Je ne prends jamais de vacances » Rencontre avec ceux qui ne déconnectent pas
« Mes dernières vacances remontent à 7 ans. » Celles et ceux qui ne connaissent pas la déconnexion témoignent.
02 août 2024
Perfectionniste, sensible… certains profils sont-ils plus à risque de burn-out ?
Est-on prédisposé à flirter avec la ligne rouge au travail ?
17 juil. 2024
Burne out : moins se masturber pour être plus productif au travail ?
Pour être plus productif, certains optent pour le no fap (ou abstinence sexuelle) : mais est-ce vraiment efficace ?
30 mai 2024
Intelligence émotionnelle : domptez vos émotions pour en faire un atout au travail
Arrêtez de combattre vos émotions : faites-en plutôt vos alliées !
28 mai 2024
Ces jeunes travailleurs de 20 ans qui ont déjà connu un burn-out
Généralement associé à la trentaine, le burn-out est un fléau qui touche aussi les salariés plus jeunes.
02 mai 2024
La newsletter qui fait le taf
Envie de ne louper aucun de nos articles ? Une fois par semaine, des histoires, des jobs et des conseils dans votre boite mail.

Vous êtes à la recherche d’une nouvelle opportunité ?
Plus de 200 000 candidats ont trouvé un emploi sur Welcome to the Jungle.
Explorer les jobs