Cohérence entre discours et actes : comment s'en assurer avant de postuler ?
18 mai 2020
7min
En transition professionnelle, vous souhaitez saisir l’occasion pour rejoindre (enfin) une société engagée, à votre image ? Mais comment savoir ce qui se passe vraiment au cœur des entreprises avant d’en franchir la porte ? Les informations mises à la disposition des candidats ne permettent pas toujours d’y voir clair : il peut parfois y avoir un réel écart entre la culture d’entreprise et la communication externe de l’organisation. Comment s’assurer, lorsque l’on s’apprête à rejoindre une nouvelle structure, qu’elle est celle que nous cherchons et qui correspond à nos attentes ? Bref, comment vérifier qu’il y a une réelle cohérence entre le discours et les actes ?
La bonne entreprise : nos attentes individuelles et collectives
Quelle est, pour moi, la bonne entreprise ?
Trouver la bonne entreprise permet de s’y épanouir, certes, mais qu’est-ce que « la bonne entreprise » ? Le sujet est épineux… Pour creuser la question, nous avons rencontré Gilles Reeb, fondateur de Uzful, qui a l’habitude d’accompagner les entreprises dans leurs engagements. Pour l’entrepreneur, la définition de ce que peut être une bonne entreprise diffère d’un candidat à l’autre : « La bonne entreprise, pour un candidat, c’est avant tout une entreprise alignée sur ses valeurs à lui, une entreprise dont la mission va résonner pour lui ».
Il ne s’agit pas alors de rechercher une entreprise avec des valeurs - toutes les entreprises peuvent en avoir -, mais de cibler une entreprise dont les valeurs nous parlent (protection de l’environnement, justice sociale, défense d’une économie locale, aide à la création d’emplois, protection des plus fragiles…), avec une mission qui entre en résonnance avec notre vision d’un « monde meilleur » et la manière dont on veut y contribuer !
L’importance grandissante de l’engagement des entreprises
Nos attentes collectives envers les entreprises seraient de plus en plus grandes. Selon une étude de l’IFOP réalisée en 2019 à la demande de l’Institut du Capitalisme Responsable, nous serions plus de 95 % à attendre des entreprises qu’elles s’engagent pour répondre aux enjeux de société ! Les principaux sujets jugés importants étant l’environnement et la cohésion sociale.
Et ce n’est pas uniquement en tant que consommateurs que ces sujets nous touchent : les citoyens souhaitent que leurs employeurs s’engagent davantage. Cette tendance est particulièrement visible chez la jeune génération. Selon une étude de Jam Trends publiée en février 2020, 92% des 15-25 ans souhaiteraient rejoindre une entreprise en accord avec leurs valeurs et investie au niveau social et environnemental. Selon cette même étude, plus de 80% de cette génération prendrait d’ailleurs le temps de se renseigner sur la culture de l’entreprise avant d’y candidater !
Cohérence entre le discours et les actes : à la recherche d’entreprises qui s’engagent, vraiment !
Comme nos attentes envers les entreprises sont grandissantes, celles-ci sont obligées de se réinventer, de se transformer pour garder leur attractivité. C’est là qu’émerge alors un problème : les entreprises se transforment-elles pour “faire bien” ou se transforment-elles pour plus de bien ? La tentation d’entreprendre des actions visibles pour redorer son blason sans vraiment changer dans le fond est toujours là, qui rôde…
Certaines entreprises tombent alors dans ce que l’on appelle le washing : elles se lavent la conscience ou lavent leur image aux yeux du public par des actions visibles, seulement en surface, par exemple en compensant un impact environnemental négatif par quelques actions positives bien relayées en faveur de la planète (greenwashing). Cela peut aussi être le cas avec le purpose washing : en réponse à nos questionnements concernant le sens au travail, certaines entreprises mettent en avant des engagements qui sont davantage des slogans que le reflet de réelles actions mises en place par l’organisation.
Pour Gilles, de telles démarches de la part des entreprises peuvent traduire une difficulté ou un manque de volonté à s’engager vraiment, en profondeur. « Babyfoot, télétravail une journée par mois, etc. sont autant de rustines qui essaient de venir améliorer en surface des conditions de travail alors que le système lui-même est défaillant », estime-t-il. « Mon objectif est d’inviter les entreprises à davantage aligner les discours et les actes. En abusant des outils de communication, les entreprises sur-promettent : c’est du bullshit et ça ne marche plus », poursuit Gilles. Les candidats attendent plus d’actions et moins de discours, donc, explique le spécialiste, qui se rend bien compte que les entreprises ont parfois du mal à suivre ces exigences. « On a assisté à une déconnexion entre les attentes des citoyens et les décisions concrètes des dirigeants d’entreprise qui ont pendant longtemps fermé les yeux sur l’impact négatif qu’ils pouvaient générer pour se concentrer sur d’autres indicateurs clés de la réussite comme la performance économique, la rentabilité, etc. Résultat ? Une fracture de plus en plus profonde entre aspirations des travailleurs et réalités ». La tendance évolue cependant peu à peu, puisque depuis la Loi Pacte, votée en 2019, les entreprises sont invitées à davantage prendre en compte les enjeux environnementaux et sociaux liés à leurs activités et à agir concrètement.
Ce que vous pouvez faire pour vous assurer de la cohérence entre le discours et les actes
Que vous soyez en recherche d’un nouveau job ou arriviez en fin de processus d’embauche, vous voulez être sûr que l’entreprise que vous vous apprêtez à rejoindre soit la structure qu’il vous faut ? Voici quelques techniques issues des méthodes d’audit de Uzful pour bien vous renseigner et ainsi vous assurer de la cohérence entre le discours d’une entreprise et ses actes :
1. Explorer les canaux officiels pour savoir ce que l’entreprise dit d’elle-même
Aller faire un tour sur le site de l’entreprise : vous y trouverez toutes les informations que l’entreprise souhaite mettre à votre disposition à son sujet notamment via la page “A propos” et la page “Carrière” qui vous donneront une première idée de l’esprit de la boîte !
Consulter les bilans officiels : les entreprises, au-delà d’une certaine taille, sont astreintes à rendre publics des rapports officiels annuels tels qu’un bilan comptable ou un rapport RSE (appelé DPEF : déclaration de performance extra-financière, ndlr). Ces documents obligatoires pour les entreprises côtées en bourse sont généralement disponibles en ligne sur les sites des entreprises, ils sont de véritables mines d’informations sur la santé économique des structures, mais aussi sur ses performances sociales, sociétales et environnementales. Vous pourrez ainsi vous informer sur les actions menées en matière de sécurité, d’emploi, de santé, d’environnement ou encore d’égalité femmes/hommes, etc.
Regarder ce que dit la presse de l’entreprise et de ses services : un petit saut sur l’espace presse d’une entreprise peut être assez intéressant, même si les articles publiés sont souvent triés sur le volet. Plus instructif encore, vous pouvez vous lancer dans une recherche Google pour voir comment l’entreprise est référencée et ce qui ressort en premier !
2. Sonder les canaux “officieux” pour interroger la vérité
Maintenant que vous avez pu collecter les informations que l’entreprise a bien voulu mettre à disposition de manière officielle, vous pouvez mener votre petite enquête pour confronter ces données à la réalité !
Suivre le parcours client : si vous postulez dans une entreprise de produits ou services B2C, il peut être amusant de suivre le parcours client avant de la rejoindre. Une bonne façon de tester, en situation, l’éventuel écart entre discours et réalité en ce qui concerne la relation client ! Le service client est-il vraiment réactif ? Le produit est-il qualitatif ou, en tous cas, à la hauteur des promesses ? Pas toujours facile de se faire passer pour un client discrètement quand l’entreprise est minuscule, on vous l’accorde. Mais il peut être vraiment pertinent de vous intéresser de plus près aux produits ou aux services en amont. Pour savoir où vous mettez les pieds, mais aussi, par la suite, pour pouvoir en parler lors de vos éventuels entretiens.
Echanger avec un salarié de l’entreprise : vous pouvez essayer de vous rapprocher d’un collaborateur ou d’un ancien collaborateur pour avoir ses impressions sur le fonctionnement de l’entreprise. Vous pouvez bien sûr contacter soigneusement ces personnes via LinkedIn, ou via votre réseau. Gardez cependant bien en tête que l’avis d’un salarié ou d’un ancien salarié est forcément subjectif, et doit être recoupé avec d’autres informations.
S’intéresser aux dirigeants : quel est le lien entre le patron et l’engagement de l’entreprise, vous demandez-vous ? Tout ! Une volonté de s’engager de manière concrète et durable émerge le plus souvent de la direction. Qui sont les éléments du comité de direction ? Qui est au capital ? Quels sont les engagements personnels et professionnels des directeurs ? Ces données peuvent être autant d’indices qui peuvent aller dans le sens de la cohérence… ou non !
Se renseigner sur ses éventuels labels : certains labels reconnus sont de réels gages de qualité et d’engagement des entreprises au service de la protection de l’environnement ou de la qualité de vie au travail. On peut citer par exemple les labels B-Corp, Great Place to work, ou la norme ISO 26000 en ce qui concerne la responsabilité sociale et sociétale des entreprises ou l’engagement 1% for the planet en ce qui concerne l’engagement environnemental des entreprises.
Interroger l’historique de ses crises : vous souhaitez vérifier que l’entreprise ne traîne pas de casseroles ? Vous pouvez parfois investiguer via une simple recherche, en tapant par exemple, dans votre barre de recherche, le nom de l’entreprise + un mot tel que “crise”, “attaque”, “scandale”. Une solution efficace pour détecter les mauvais buzz dans la presse ou ailleurs : certaines associations de consommateurs, de défense de l’environnement ou autres syndicats sont très actives pour démasquer les mauvais élèves !
Aller faire un tour sur les réseaux sociaux : vous y trouverez la communication stratégique que l’entreprise a choisi de mettre en place - alors demandez-vous : quelles sont les thématiques abordées dans les publications ? Quelle est la place accordée aux engagements, à la RSE ? etc. Mais c’est aussi sur les réseaux sociaux que vous pourrez observer la manière dont l’entreprise a l’habitude de répondre à ses clients ou éventuels détracteurs en ligne, ce qui veut dire beaucoup sur son état d’esprit.
Ne pas négliger les outils d’évaluation traditionnels : vous avez le réflexe Tripadvisor ou Yelp pour choisir un restaurant, pensez Glassdoor ou Welcome to the Jungle (et oui, pourquoi vous en priver !) pour vous renseigner sur les entreprises. Faire une petite investigation sur la marque employeur peut être assez instructif. Mais attention de ne pas oublier que les outils de notation sont souvent biaisées : sur de tels réseaux, les mécontents sont souvent sur-représentés.
En prenant le temps de vous d’intéresser au positionnement de votre futur employeur, vous mettez toutes les chances de votre côté de faire le meilleur choix possible. Gardez en tête que les images que les entreprises renvoient ne seront jamais parfaitement lisses, mais que le plus important est de pouvoir vérifier la volonté réelle des structures de s’engager, au quotidien et sur la durée, auprès des consommateurs autant que des collaborateurs !
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