Recrutement international : comment attirer les meilleurs profils ?
03 sept. 2018 - mis à jour le 11 avr. 2023
5min
LF
Rédactrice
De la santé à la tech, nombreux sont les secteurs où la main-d'œuvre manque en France. Recruter à l'international devient donc une option tentante. Mais comment embaucher les meilleurs talents étrangers dans votre entreprise ?
Le marché du travail ne se limite plus aux frontières d’un pays, mondialisation oblige. Mais il est loin le temps où l’on essayait de faire venir des travailleurs qualifiés depuis les pays de l’Est. Au fil des ans, le plombier polonais a troqué son bleu de travail contre le sweatshirt du pro de l’IT. En effet, les bouleversements d’une société numérisée ont poussé bien des chasseurs de tête à aller voir si l’herbe était plus verte hors de l’Hexagone. Au-delà des profils techniques, la pénurie de talents est bien réelle dans l’hôtellerie-restauration, le BTP, l’agriculture ou encore la santé.
L’étude du cabinet américain Korn Ferry indique que d’ici à 2030, la France pourrait manquer d’1,5 millions de salariés très qualifiés. En parallèle, les stratégies de multi-nationalisation des entreprises sont toujours aussi fortes. Selon la même étude, 84 % des firmes souhaitaient déjà s’exporter en 2018. Et en 2022, on comptait une augmentation de 44,9 % de la délivrance des titres de séjour pour motif économique, d’après le ministère de l’Intérieur : un chiffre en net rebond depuis la période Covid. Pourtant, si beaucoup d’entreprises en rêvent, le recrutement à l’étranger est un parcours administratif encore semé d’embûches.
Recruter à l’international : deux cas de figure, trois exceptions
En matière de recrutement international, les scénarios administratifs sont multiples. Car chers recruteurs, la situation n’est pas du tout la même si vous recrutez en Europe ou en dehors.
Pour les ressortissants de l’UE, la formule est light. Nul besoin de titre de séjour. Nul besoin de titre de travail. L’Espace Schengen assure une libre circulation des marchandises et des personnes et par conséquent, des travailleurs. À l’embauche, le passeport suffira.
Dès que l’on quitte la zone Euro – et cela concerne aussi le Royaume-Uni depuis le Brexit –, l’addition se corse. Concrètement, introduire un salarié étranger sur le sol national est une démarche très contrôlée qui relève du Ministère de l’immigration. Il vous faut donc effectuer une procédure… complexe. Avec un chômage de 7,2 % en février 2023, l’État français contraint l’entreprise à passer par la case Pôle Emploi avant un recrutement étranger. Le processus peut prendre jusqu’à 6 mois avant de voir arriver votre recrue.
À cela, s’ajoutent trois exceptions. Cette démarche n’est pas obligatoire pour…
- Les secteurs en pénurie de main-d’œuvre où il n’y a pas d’opposabilité de l’emploi, comme l’ingénierie et l’informatique, et les métiers du BTP. En travail saisonnier, l’embauche de salariés étrangers dans les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie et de l’agriculture est également envisageable.
- Les étudiants étrangers diplômés qui font la demande d’une autorisation provisoire de séjour pour compléter leur formation. Ils doivent être titulaires d’une licence ou d’un master et percevoir un salaire équivalent à 1,5 fois le SMIC.
- Les bénéficiaires du « passeport talent ». Le contrat de travail ou la durée d’installation doit être supérieure à 3 mois. Elle permet à un ressortissant de séjourner au plus 4 ans continus à compter de son arrivée en France. « Depuis quelque temps, la diversité des titres de séjour freine l’attraction pour la France », commente Yann Hazoumé, consultant RH au sein de l’agence de recrutement REPER International. Pour lui, une meilleure coordination entre les acteurs du monde du travail serait bienvenue afin de renforcer l’attractivité du pays.
Recrutement international : mode d’emploi
Ça, c’est la théorie. Mais concrètement, quand on est novice, comment fait-on pour recruter à l’étranger pour la première fois ?
- On fait de la veille. Tenez-vous au courant des palmarès universitaires. Chaque année, consultez le Times Higher Education (THE) et le classement de Shanghaï.
- On propose davantage de V.I.E (Volontariat international en entreprise) pour séduire de jeunes candidats étrangers. Et pour bénéficier de leurs réseaux à l’international dans quelques années.
- On ne s’étonne pas des différences culturelles entre les CV. Vous ne trouverez pas de photo sur un CV anglais… Mais vous la verrez en pleine page sur la version allemande. Le CV à l’américaine est quant à lui réputé pour sa longueur. Quand certains pays sont complètement transparents sur les « trous » dans le CV (chômage, congés maternité).
- On passe par des services de traduction concernant la documentation juridique parfois très technique. Comptez 500 € minimum par embauche.
- On s’appuie sur des recruteurs internationaux en interne si les recrutements à l’étranger se multiplient… Ou bien en externe. Et oui, ces cabinets de recrutement ont souvent un vaste réseau et restent des maillons clés pour atteindre vos talents cibles. Vous ne regretterez pas cet investissement.
- On suit surtout les procédures à la lettre. Si elles sont lourdes, leur non-respect le sera d’autant plus. Un manque de vigilance de votre part est passible de 5 ans d’emprisonnement, jusqu’à 15 000 € d’amende pour travail illégal. Pour les personnes morales, le montant de l’amende peut grimper jusqu’à 75 000 €.
- On prend un avocat spécialisé si on ne connaît pas bien la législation du pays en question.
- On instaure un climat de confiance. Si votre candidat est en Europe, pourquoi ne pas prendre un train pour aller le rencontrer ou lui payer son billet pour qu’il découvre vos locaux ? Pour les autres, l’entretien vidéo différé vous permettra d’interviewer simplement vos candidats malgré la distance et les décalages horaires, et d’approfondir votre présélection.
- On veille au grain concernant le coût de l’embauche. Le candidat ou futur salarié qui fait le pari de s’expatrier ne quittera pas son pays pour un salaire qu’il pourrait avoir sur place. Comptez 50 000 K€ pour la fourchette basse.
- On prend son mal en patience. Embaucher un salarié étranger reste une procédure longue et fastidieuse. Car il faut prouver à la DIRECCTE que vous avez tout mis en œuvre pour embaucher un salarié de l’Hexagone, sans succès. Ces aller-retour peuvent vous prendre jusqu’à 6 mois. Mais ça tombe bien, vous aviez misé sur une stratégie de développement RH à long terme !
- Deux mots : « marque employeur » ! Prendre soin de sa réputation est aussi apprécié par les talents internationaux et permettra de faire pencher la balance dans votre sens.
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Un onboarding made in France pour accueillir les salariés étrangers
Vous le savez, le recrutement à l’international ne s’arrête pas à la signature du contrat. Disons-le, l’onboarding est déjà une première acculturation à l’entreprise. Celle-ci se complexifie quand elle concerne un salarié étranger qui doit, en plus, intégrer les mœurs françaises sur son lieu de travail. La tâche est plus ardue et peut engendrer du malaise.
Pour un onboarding réussi, pourquoi ne pas prévoir un petit kit de bienvenue qui pourrait contenir…
- Quelques cours de langue française en accéléré offerts par l’entreprise.
- Un service de traduction des documents, pour les plus techniques d’entre eux.
- Une playlist des titres de chansons françaises choisies par l’équipe qui va accueillir le nouveau salarié.
- Un déjeuner d’accueil dans un restaurant français, avec dégustation de fromages – n’ayez pas peur de vous montrer un brin chauvin !
Vous pouvez par ailleurs le placer sous l’aile d’un « work buddy » : un parrain qui aura pour mission de l’accueillir, de se rendre disponible et de se soucier de son intégration. S’il est lui-même salarié étranger, c’est encore mieux. Enfin, laissez le nouveau prendre ses marques. La culture du travail en France est forcément différente de son pays d’origine. Notamment au niveau des horaires ou du rapport à la hiérarchie. En effet, toutes les régions du monde ne partagent pas la même approche du brainstorming, de l’open space ou de la conf call.
Et rappelez-vous, que ce soit pour une stratégie d’internationalisation ou pour répondre à une pénurie de talents, développer des équipes culturelles mixtes demeure un atout fondamental pour votre entreprise, qui mérite parfois qu’on fasse le parcours administratif du combattant.
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Article mis à jour par Mathias Dugas Oliver et Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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