Recruteur/hiring manager : le duo indispensable d’un recrutement réussi ?

05 mars 2025

8min

Recruteur/hiring manager : le duo indispensable d’un recrutement réussi ?
auteur.e
Sarah Torné

Rédactrice & Copywriter B2B

contributeur.e

Un bon recrutement repose sur un duo clé : recruteur et hiring manager. Mais sans cadre clair, ni communication fluide, la collaboration peut vite se tendre. Alors comment optimiser ce binôme essentiel ? Décryptage.

Un recrutement réussi repose rarement sur une seule personne. Derrière chaque embauche efficace, il y a souvent un duo clé. D’une part, le recruteur qui conçoit la stratégie d’acquisition de talents, définit les étapes du processus et s’assure que l’expérience candidat est optimale. De l’autre, le hiring manager -celui qui a un besoin de recrutement pour son équipe- définit le poste et ses exigences en lien avec les besoins de l’équipe et du business, participe aux entretiens pour évaluer les compétences techniques et le fit avec les autres collaborateurs. Surtout, c’est lui qui valide ou non l’embauche du candidat.

On se retrouve donc face à un paradoxe quelque peu frustrant. « D’un côté, un recruteur qui maîtrise le process, mais ne prend pas la décision. De l’autre, un manager qui décide, mais dont ce n’est pas la compétence », illustre Léo Bernard, coach et expert en recrutement. Quand le tandem fonctionne bien, c’est un atout majeur, mais lorsqu’il est mal huilé, il peut vite devenir un facteur de friction, avec à la clé des recrutements ratés. Alors, comment construire une relation solide entre recruteurs et hiring managers ? Quels sont les écueils à éviter et les bonnes pratiques à mettre en place pour que ce travail en binôme porte ses fruits ?

Recruteur et hiring manager, une collaboration efficace sous conditions

Un binôme qui fluidifie le recrutement en théorie

« Avoir un recruteur dédié, c’est un confort incroyable. Elle met de l’huile dans les rouages, elle rend le processus fluide. » Pour Alixe Muller, Head of Customer Experience chez Teach Up, travailler avec Vanessa, une recruteuse interne, pour monter son équipe de zéro a été une véritable révolution. Avant cela, elle avait déjà construit un département similaire… mais seule. Ainsi, Alixe peut se concentrer sur son rôle, tout en ayant un regard stratégique sur les recrutements. Vanessa, quant à elle, s’assure que tout est coordonné, anticipé et optimisé, de la définition du poste à l’intégration du candidat.

« On se challenge mutuellement sur nos attentes et nos critères. Ça nous permet de prendre du recul et d’éviter les décisions trop instinctives ou biaisées », ajoute Alixe. Avec le temps, leur collaboration est devenue plus intuitive : « Plus on recrute ensemble, plus on affine notre compréhension mutuelle. Vanessa perçoit de mieux en mieux les enjeux des postes et, de mon côté, je comprends davantage son approche du recrutement. ».

Leur tandem permet aussi d’améliorer considérablement l’expérience des candidats. Avec un recruteur en relais, le parcours est plus structuré, clair et humain. « Un recruteur, c’est un guide tout au long du parcours, il apporte de la visibilité et de la transparence aux candidats », explique Alixe. Son rôle évolue au fil du processus : au début, il qualifie les profils et s’assure qu’ils correspondent aux attentes ; plus tard, il devient un partenaire du candidat, lui apportant des informations sur l’entreprise et le rassurant sur les étapes à venir, et pour finir, il accompagne l’intégration une fois l’embauche confirmée.

Une relation qui peut vite se détériorer en pratique

« L’un ne peut pas avancer sans l’autre », tempère néanmoins Léo Bernard à propos de ce fameux binôme. Sur le terrain, les incompréhensions et les mauvaises pratiques sont parfois monnaie courante. Et ce, des deux côtés.

Si le hiring manager ne joue pas pleinement son rôle, le recruteur se retrouve souvent à naviguer à l’aveugle, multipliant les allers-retours inutiles. Parmi les erreurs les plus fréquentes :

  • Un besoin mal défini : « Il me faut un commercial », sans préciser le salaire, les compétences essentielles ou les attentes en termes de soft skills. Résultat : le recruteur avance dans le flou, sans repère précis pour cibler les bons candidats.
  • Un manque de réactivité : le recruteur envoie une shortlist de profils… et attend deux semaines un retour du manager. Pendant ce temps, les meilleurs candidats sont déjà partis ailleurs.
  • Une mauvaise expérience candidat : arriver 30 minutes en retard à un entretien, poser des questions clichées (« Quelles sont vos qualités et défauts ? »), ou encore ne pas être capable d’expliquer clairement les attentes du poste, c’est envoyer de mauvais signaux aux candidats.
  • Des décisions hésitantes ou biaisées : certains managers repoussent l’échéance en demandant à voir d’autres profils sans raison valable, ou pire, prennent leur décision sur un pur feeling plutôt que sur des critères objectifs.

De l’autre côté, un recruteur qui manque de méthode ou d’anticipation peut aussi ralentir tout le processus et frustrer le hiring manager. Les principaux points de friction :

  • Un manque de proactivité : se contenter de trier les candidatures entrantes sans aller chercher activement les meilleurs profils. « Un bon recruteur doit faire du sourcing, analyser le marché, cartographier les talents et ne pas se limiter aux CV spontanés », insiste Léo Bernard.
  • Une méconnaissance du métier : « Soit on connaît le métier, soit on se forme avant de recruter », avertit l’expert. Sans un minimum de compréhension des enjeux du poste, il risque d’envoyer des profils totalement à côté de la plaque.
  • Un manque de transparence : certains recruteurs préfèrent gérer le process seuls, sans impliquer suffisamment le hiring manager. Résultat ? Ce dernier n’a aucune visibilité sur l’avancement, se sent mis à l’écart et finit par se désengager complètement.

Recruteur/hiring manager : 6 bonnes pratiques pour bâtir une collaboration optimale

Conseil n°1 : définissez un cadre clair dès le départ

Sans un cadre précis, le risque est de s’égarer en cours de route, de multiplier les ajustements ou de chercher un profil irréaliste. C’est pourquoi Alixe Muller insiste sur l’importance de poser les bases dès le début, avec un « job brief » détaillé, qu’elle co-construit avec sa recruteuse. « Plutôt que de se lancer tête baissée dans la recherche de candidats, on prend le temps de clarifier les attentes. Cela nous permet de poser les choses noir sur blanc et d’éviter de chercher un mouton à cinq pattes », note-t-elle.

Un document qui sert de référence tout au long du processus et comprend plusieurs éléments clés :

  • Les missions et compétences attendues : pour éviter de faire évoluer le besoin en pleine phase de recrutement.
  • Les étapes du processus : avec une répartition claire des rôles et des interlocuteurs à chaque phase (sourcing, pré-qualification, entretien technique, validation finale…).
  • Les points de vigilance : notamment les critères sur lesquels on peut être flexible… et ceux qui sont non négociables.

Les recos de l’expert :

  • Réalisez un vrai « kick-off recrutement » : soit un rendez-vous de 45 minutes à 1h30 pour poser toutes les questions importantes avant de lancer le process. « Mieux vaut perdre 1h30 au début que des semaines à ajuster un besoin flou. »
  • Anticipez les blocages dès le départ : « On se demande, par exemple : quelles sont les entreprises à éviter en chasse ? Que signifie concrètement “avoir de l’expérience” ou “être smart” dans ce poste ? », illustre Léo. En alignant le vocabulaire et les attentes, on évite les incompréhensions en cours de route.

Conseil n°2 : maintenez une communication fluide tout au long du recrutement

Un bon duo recruteur – hiring manager repose sur un flux constant d’informations. Le but étant de garder tout le monde aligné et réactif face aux ajustements nécessaires.

Les recos de l’expert :

  • Planifiez des check-ins courts et fréquents : plutôt que de longues réunions ponctuelles, privilégier des points réguliers et légers, comme un mail de récap en fin de semaine avec les avancées du recrutement, un court message sur Slack ou WhatsApp pour débloquer une prise de décision, un point de 10-15 minutes pour ajuster les critères de sourcing si nécessaire… « Il ne faut jamais laisser une semaine sans nouvelles, même un simple vocal suffit pour faire un point », recommande Léo Bernard.
  • Adaptez-vous aux préférences de communication : certains lisent leurs mails, d’autres préfèrent les vocaux ou un Slack rapide. L’important est d’utiliser le bon canal pour que les échanges restent fluides et naturels.
  • N’attendez pas le débrief final pour ajuster : si un candidat ne correspond pas aux attentes, il vaut mieux en parler immédiatement, plutôt que d’attendre la fin du processus pour revoir le ciblage.

Conseil n°3 : immergez-vous dans le quotidien de l’autre

Un recruteur et un hiring manager qui collaborent efficacement, c’est avant tout deux professionnels qui comprennent les contraintes et enjeux de l’autre. Or, bien souvent, chacun reste focalisé sur son propre périmètre, sans réellement percevoir les défis que rencontre son binôme. « Une demi-journée d’immersion croisée aide à mieux comprendre les enjeux de l’autre et à créer du respect mutuel », propose Léo Bernard.

D’un côté, passer quelques heures aux côtés du manager permet au recruteur d’observer les missions du poste qu’il recrute, de mieux cerner les compétences clés et d’être plus pertinent dans son pitch auprès des candidats. Plus qu’une fiche de poste, il comprend la réalité du terrain, ce qui lui permet d’attirer des talents plus qualifiés. De l’autre, le hiring manager expérimente le tri des candidatures : rien de tel que de se retrouver face à une pile de CV pour réaliser le travail de sourcing et comprendre pourquoi un brief bien cadré est essentiel.

Conseil n°4 : challengez vos intuitions et ajustez en cours de route

Même avec un brief bien structuré, un recrutement n’est jamais figé. Ce qui semblait être un critère incontournable au départ peut évoluer au fil des entretiens. L’enjeu ? Rester flexible, sans pour autant remettre tout le processus en question. « Avec l’expérience, on perçoit mieux les besoins et on affine nos attentes en temps réel », considère Alixe. Lorsqu’un duo recruteur/hiring manager fonctionne bien, la prise de recul devient plus naturelle, et les ajustements se font sans friction.

Les recos de l’expert :

  • Réajuster les critères sans tout déconstruire : si aucun candidat ne coche toutes les cases, plutôt que de repartir de zéro, mieux vaut identifier ce qui peut être modulé. Peut-on revoir le niveau d’expérience ? Valoriser une compétence transférable plutôt qu’une expertise métier trop spécifique ?
  • Appuyez-vous sur le recruteur pour objectiver la décision : face à un doute, le recruteur peut apporter un regard extérieur et challengeant. « J’aime beaucoup dire à Vanessa : ‘J’ai un truc qui me chiffonne, j’ai besoin de le verbaliser pour comprendre ce qui coince’ », partage Alixe. Cet échange permet d’éviter les biais et d’affiner la sélection avec plus de discernement.

Conseil n°5 : mettez en place des rituels de rétrospective

Un recrutement terminé ne signifie pas que tout doit être oublié jusqu’au prochain besoin. Prendre le temps de faire un retour d’expérience permet d’améliorer en continu la collaboration et d’affiner les méthodes. « Un rituel “Keep, Improve, Start, Stop” à la fin d’un recrutement permet d’analyser ce qui a marché ou non », renchérit Léo Bernard. L’idée ? Plutôt que de se contenter d’un simple bilan rapide, structurer l’échange pour en tirer de vrais enseignements.

Les recos de l’expert :

  • Identifiez les points forts du process (Keep) : qu’est-ce qui a bien fonctionné et doit être reproduit sur les recrutements futurs ? Timing, sourcing, qualité des entretiens… il s’agit de capitaliser sur ce qui marche.
  • Repérez les axes d’amélioration (Improve) : quels blocages ont freiné le recrutement : manque de réactivité ? candidats mal ciblés ? une étape trop lourde ou mal calibrée ?
  • Introduisez de nouvelles pratiques (Start) : si un problème a été identifié, que peut-on tester pour l’améliorer ? Par exemple, l’ajout d’une grille d’évaluation plus précise pour éviter les choix trop subjectifs.
  • Arrêtez ce qui ne fonctionne pas (Stop) : certains réflexes ou process peuvent être inefficaces et contre-productifs. Autant les identifier et s’en débarrasser pour fluidifier les prochaines sessions.

Conseil n°6 : former vos hiring managers au recrutement

Les managers sont bien souvent chargés de recruter sans jamais avoir été formés à l’exercice. Résultat : des briefs flous, des choix trop instinctifs et une collaboration parfois compliquée avec les recruteurs. « Il y a un an, nous n’avions quasiment aucune demande pour former les managers au recrutement. Aujourd’hui, cela représente 30 % de notre activité. Les entreprises réalisent que recruter ne s’improvise pas et que former les hiring managers permet d’améliorer toute la chaîne de recrutement », observe Léo Bernard.

Quels sont les bénéfices concrets à former ses managers au recrutement ?

  • Affiner la définition des besoins : un manager formé comprend l’importance d’un brief précis, sait poser les bonnes questions et évite les ajustements incessants en cours de route.
  • Structurer la prise de décision : mieux identifier les critères de sélection, réduire la part de feeling et éviter les biais cognitifs permet de faire des choix plus pertinents.
  • Améliorer la compréhension du process : en maîtrisant les étapes et outils du recrutement, le hiring manager gagne en efficacité et collabore plus facilement avec le recruteur.

Un recrutement efficace repose autant sur la relation entre recruteur et hiring manager que sur le process lui-même. Une collaboration bien huilée permet non seulement de gagner du temps, mais aussi, finalement, d’attirer de meilleurs talents.

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Article rédigé par Sarah Torné et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.