5 conseils de grands-parents pour s'accomplir et être heureux au travail
08 oct. 2019
7min
Journaliste web
Qui de mieux placés que nos aînés pour nous aider à trouver notre voie ? La génération de nos grands-parents suivait des codes bien différents des nôtres. Les façons de concevoir, d’exercer et d’apprendre les métiers ont changé. Pourtant, leurs parcours peuvent éclairer nos choix actuels et futurs. Nous sommes allés à la rencontre de plusieurs d’entre eux afin de recueillir leur regard sur le monde professionnel d’aujourd’hui et leurs conseils à la future génération.
« Se réinventer et se donner à fond ! » Florence, 84 ans
Selon Florence, le meilleur moyen de s’éclater au travail, c’est de s’impliquer à 100%. « Les choses prennent une autre saveur quand on s’y intéresse avec obstination », nous dit-elle sans hésitation. Le mot “obstination” définit d’ailleurs parfaitement son parcours puisque c’est à l’âge de 12 ans, alors que rien ne l’y prédestinait, qu’elle se prend de passion pour le russe. « Je passais devant une église russe en allant à mes cours de danse et j’entendais les chants. Je voyais des chauffeurs de taxi sortir et se changer, dévoilant toutes leurs médailles d’anciens militaires. C’était fascinant et très romantique. Tout mon argent de poche passait dans la littérature russe. Vers 15 ans, je lisais les biographies de Lénine, de Marx, de Staline… au grand dam de mes parents ! »
Une fois adulte, Florence devient interprète-traductrice, elle qui n’a pourtant aucun lien connu avec ce territoire et cette langue, et s’envole à plusieurs reprises pour Moscou malgré ses 4 enfants. « J’avais déjà deux enfants quand je suis partie en échange en Russie pendant 2 mois et demi, grâce à mon mari, qui était extraordinaire et qui a convaincu ma mère. Mais ça ne se faisait pas de laisser ses enfants pour voyager seule, à mon époque, et dans mon milieu ! »
Mais Florence ne s’arrête pas là car à 40 ans, elle reprend des études pour devenir psychologue. Entre-temps, elle passe par un cabinet de recrutement et tout au long de sa carrière, s’investit dans l’associatif. Se réinventer au fil de ses passions a été la credo de sa vie : de quoi inspirer les jeunes adultes d’aujourd’hui dont les options de carrière sont à présent largement facilitées.
Pour Florence, « Il n’y a pas de rails définitifs, c’est la chance de votre génération qui peut changer de voie plus facilement ! Je suis heureuse d’avoir pu le faire, surtout qu’à mon époque ce n’était pas courant… Pouvoir changer de travail, ça permet de découvrir d’autres facettes de soi-même. Mais il faut être à l’affût de toutes les balles qui passent pour ne louper aucune opportunité et ça demande de l’énergie, nous dit-elle. Je crois aussi qu’il faut rappeler qu’il y a des plantes précoces et des plantes tardives, et ce n’est pas grave : on a le droit à l’erreur, on a le droit de trouver sa voie tardivement ! Selon moi, si on cherche son désir profond, on finit toujours par retomber sur ses pieds professionnellement. » Selon elle, la passion et la volonté soulèvent des montagnes ! Cependant, elle craint que la jeune génération y accorde moins d’importance et l’encourage à « se donner à fond ! »
« Il n’y a pas de rails définitifs, c’est la chance de votre génération qui peut changer de voie plus facilement ! » Florence
Alors vous avez compris ? Si vous n’exercez pas encore votre profession idéale : laissez donc le temps aux opportunités d’arriver et à votre projet de se clarifier ! Et quand vous l’aurez dessiné, ne laissez personne vous arrêter.
« Laisser les choses mûrir… et se lancer ! » Danielle, 82 ans
Danielle aimait l’art mais cette voie n’était pas approuvée par sa famille : « Je voulais faire du dessin mais mes parents ne voulaient pas car ce n’était pas très bien vu pour une fille à la fin des années 1950. » Encore aujourd’hui, si les femmes sont majoritaires sur les bancs des écoles d’art, elles sont moins bien payées, moins aidées, moins représentées… Elle laisse donc ses projets au placard et arrête ses études pour se marier. Son époux est pédiatre, elle devient secrétaire médicale. Si elle a mis son rêve de côté en raison des contraintes de son époque, elle ne regrette en rien ces années qui lui ont permis de mieux se connaître et de découvrir de nouvelles passions, et notamment son amour pour la cuisine.
« À 45 ans, j’ai changé de métier pour créer mon entreprise de traiteur. Ce n’était pas commun dans les années 1980 ! J’allais dans des épiceries russes, libanaises, polonaises à Paris. La mode à l’époque, c’était les plats campagnards : bien lourds et bourratifs » dit-elle en riant. « Je pense que l’avenir, c’est de faire plusieurs métiers. D’évoluer, surtout ne pas avoir peur de changer, c’est trop pénible d’aller au travail la boule au ventre. Aujourd’hui, il y a des formations, une ouverture extraordinaire avec Internet, des aides en tout genre… des bretelles à prendre pour sortir de l’autoroute… Il y a tellement de belles voies ! »
« Je pense que l’avenir, c’est de faire plusieurs métiers. D’évoluer, ne pas avoir peur de changer [de voie] » Danielle
Il faut donner du temps au temps et se faire confiance, dit-elle. « Faire quelque chose qui nous fait plaisir, qu’on aime, c’est essentiel. Bien sûr, il faut gagner sa vie, mais à force de tâtonnements, on se rapproche de plus en plus de ce qui nous tient vraiment à cœur. Je crois qu’il faut se lancer dans la vie et petit à petit apprendre à se connaître, voir les réactions qu’on a et ajuster en fonction de nos attraits. Je me suis aperçue assez tard que j’avais des qualités en organisation et en gestion de l’imprévu, des choses que mes parents n’avaient pas vues. » Identifier des aspects de sa personnalité qu’on ne connaît pas peut redonner un second souffle, aider à s’orienter, et surtout à ne rien regretter.
Si Danielle n’a finalement pas été l’artiste qu’elle rêvait d’être adolescente, elle est devenue entrepreneure. Aujourd’hui encore, 4 créateurs d’entreprises sur 10 sont des femmes en France (INSEE, 2018). Imaginez il y a 40 ans… Pourtant, pour Danielle, « on n’a pas besoin de faire des études extraordinaires, il faut avoir des idées et y aller. Le tout c’est d’avoir le désir de se réaliser, de connaître sa personnalité et de trouver sa place dans la société ».
« Rester à sa place… mais poser ses limites » Marcelle, 85 ans
Arriver dans une nouvelle entreprise peut être impressionnant, un peu comme lorsqu’on découvrait sa nouvelle classe, plus jeune. Pour Marcelle, 85 ans, il ne faut pas trop faire de zèle, « Rendre service et dépanner ses collègues, c’est bien, il faut le faire ! Mais attention car ils peuvent en prendre l’habitude et après on perd la partie la plus intéressante de son travail parce qu’on s’est laissé déborder ! Il faut rester modeste et attentif pour bien analyser les codes de l’entreprise. »
Progressivement, on comprend comment fonctionnent les processus, on s’acclimate à l’ambiance, aux personnalités. Selon elle, « c’est sur le tas qu’on apprend le mieux », il faut faire confiance à l’expérience et au temps. « Après, l’assurance vient et on se fait sa place », affirme-t-elle.
Même si, lorsqu’on débute, on est prêts à donner beaucoup de sa personne, il faut garder le cap, se concentrer sur ses objectifs, et parfois essuyer quelques échecs pour évoluer dans le monde du travail !
« Apprendre à profiter des choses simples » Monique, 81 ans
À l’heure où Instagram en fait saliver plus d’un devant le train de vie des influenceurs et influenceuses, où l’on grandit avec des clips de rap glorifiant les gros billets et où règne une forme d’injonction au prestige professionnel, peut-être est-il plus sain de s’inspirer des quotidiens plus simples et des envies moins orgueilleuses de nos grands-parents.
Monique, institutrice à la retraite, a fêté ses 81 ans cet été. Pour elle, on a plus de mal à se contenter de peu aujourd’hui. « À l’époque, on avait une vie que votre génération trouverait “pépère”. Après notre mariage, mon mari et moi avions acheté un 2 pièces et il fallait rembourser les emprunts. Nous sommes deux instituteurs, la paye était régulière mais pas faramineuse. Cela dit nous n’étions pas malheureux ou frustrés, nous étions contents dans notre petit appartement… »
« À l’époque, on avait une vie que votre génération trouverait “pépère”. Cela dit nous n’étions pas malheureux ou frustrés. » Monique
Le but n’est peut-être pas d’avoir le métier le plus original, lucratif ou aventureux. Tout le monde ne peut pas parcourir le monde en se rémunérant grâce à un blog, inventer la plateforme commerciale de demain ou gérer un parc animalier… et tant mieux, car après tout, est-ce vraiment ce qu’on désire tous profondément ou, en tout cas, ce qui nous rendrait heureux ? Avec les réseaux sociaux, on a parfois tendance à confondre nos rêves avec ceux des autres. Enseignant, restaurateur, aide-soignant, boulanger… tous ces métiers traversent les époques, sont ancrés dans notre quotidien et apportent parfois plus de sens à nos vies que toutes ces nouvelles professions qui ont le vent en poupe.
« La stabilité permet de s’affirmer dans une profession » Bernard, 72 ans
« J’ai commencé l’informatique à ses balbutiements, avec la mécanographie, des cartes perforées… Vous ne devez pas connaître (rires). J’ai vu la montée en puissance des ordinateurs ! C’est pour ça que je dis que ma stabilité professionnelle ne m’a valu que du bien : j’ai évolué toute ma vie dans la banque et c’est grâce à ce milieu que je me suis spécialisé dans l’informatique, que je me suis formé, à un moment où c’était passionnant » raconte Bernard.
« C’est grâce à ce milieu [ la banque ] que je me suis spécialisé dans l’informatique, que je me suis formé, à un moment où c’était passionnant » Bernard
Avec le temps, on acquiert la confiance de son employeur et on se retrouve aux premières loges lorsque de nouvelles opportunités se présentent. Faites un peu la sourde oreille aux éloges sur la flexibilité : l’évolution au sein d’une même entreprise ou d’un même univers professionnel a du bon.
Notre génération a tendance à rechigner face au train-train, et pourtant, les nouveaux défis peuvent tout à fait éclore en interne, avec un brin de patience. À vous alors de vous positionner, comme Bernard, sur un créneau “prometteur” : hier l’informatique, aujourd’hui l’intelligence artificielle, la responsabilité sociétale et environnementale, le data, les réseaux sociaux…
Tous et toutes s’accordent finalement sur un point : le travail va représenter une grosse partie de nos vies, alors mieux vaut ne pas subir son job ! Et si d’avance, on se sent perdu, prêtons l’oreille à ce que conseillent nos aînés. On a tous et toutes besoin de mentors au moment de prendre de grandes décisions. Alors écoutons ces grands sages pour ne pas louper le coche.
Photo d’illustration par WTTJ
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