82% des salariés considèrent que leur entreprise est responsable de leur bonheur
05 févr. 2020
3min
Journaliste - Welcome to the Jungle
Podcasts, ouvrages, documentaires… Impossible que le sujet du bonheur en entreprise vous ait échappé tant ce dernier a été traité sous toutes ses formes ! Mais s’il agace autant qu’il fascine, le bonheur s’impose désormais comme véritable sujet de prédilection de notre époque.
Longtemps perçu comme une contrainte, le travail se voudrait aujourd’hui une source d’épanouissement personnel. De là à l’appliquer rationnellement au monde de l’entreprise ? Cela se pourrait bien car selon un sondage IFOP réalisé récemment pour Philonomist, 82% des salariés considèrent que l’entreprise est responsable de leur bonheur. On apprend également que 58% d’entre eux se sentent liés à leur entreprise au-delà du simple contrat de travail. Autrement dit, on accorde beaucoup d’importance au temps passé en entreprise et au sens que l’on donne à notre activité tout au long de notre parcours. La vision du travail correspond donc désormais à un idéal de vie active qui stimule et rendrait heureux. Mais l’entreprise est-elle pour autant responsable du bonheur de ses salariés ?
Un mécontentement général
Cette étude est d’autant plus intéressante qu’elle se situe dans un contexte où l’insatisfaction règne en entreprise. Déjà en 2016, Steelcase réalisait une étude en se basant sur dix-sept pays parmi les économies les plus puissantes au monde et en tirait la conclusion suivante : les Français, derniers du podium, étaient alors les plus malheureux au travail. Jugée souvent archaïque, le modèle de l’entreprise français fait débat, tandis que la sensation d’être encore trop peu reconnus dans leur travail persiste chez les salariés. Souvent négligés aux dépens de leur propre réflexion, 77% d’entre eux estiment que l’entreprise devrait fonctionner « comme une réelle démocratie » en associant les salariés aux « décisions stratégiques. »
L’expérimentation sociale du bonheur en entreprise
Assurer le bien-être de ses salariés est une obligation légale qui s’inscrit dorénavant dans le Code du travail. Selon l’Article L4121-1 : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » Jusque là tout va bien. Mais pour répondre concrètement à des attentes toujours plus élevées, l’entreprise semble avoir intégré une nouvelle éthique à son mode de fonctionnement. Ce devoir moral s’accompagne d’un folklore facilement identifiable et l’entreprise troque désormais son quotidien morose pour une ambiance conviviale. L’arrivée des happiness managers dans les bureaux est sans doute l’initiative qui illustre le mieux ce phénomène. En 2018, ils étaient déjà cent cinquante “responsables du bonheur” à œuvrer chaque jour au bien-être en entreprise. Cette dernière tente donc d’adapter son univers aux problématiques actuelles en créant un espace de travail propice au bien-être de ses salariés.
Toutefois, si le cadre de l’entreprise évolue avec beaucoup d’optimisme, les déceptions perdurent et révèlent des mesures encore trop superficielles. « On communique beaucoup mais en appliquant toujours les mêmes schémas de pensée » déclarent 21% des salariés.
Peut-on vraiment attendre de l’entreprise qu’elle nous rende heureux ?
En intégrant cette responsabilité, l’entreprise prend un risque considérable : celui de décevoir ses salariés. Car à partir du moment où l’on considère qu’une société est responsable de son bonheur, on met en œuvre un processus très vertical. L’objectif est clair, on attend d’elle qu’elle nous comble. Or cette conception peut interroger dans la mesure où il s’agit d’un état que l’on dissocie souvent du quotidien. Et surtout sur lequel on fantasme beaucoup.
L’entreprise touche alors du doigt une vocation philosophique bien ambitieuse qui peut difficilement aboutir. Il semble en effet paradoxal d’imaginer qu’une organisation économique à but lucratif puisse rendre heureux l’ensemble de ses salariés.
Guérir l’insatisfaction
Face à une insatisfaction toujours plus élevée, l’entreprise a donc transformé matériellement les attentes des salariés. Il est désormais possible de traduire le fait d’optimiser les échanges, de souder une collectivité et de retrouver du sens par des open space productifs, des team building bienveillants et un anglicisme souvent trompeur… Tant de préoccupations idéalisées à coup de concepts plus abstraits que jamais qui tendent à troubler notre perception de la réalité. Car les mesures adoptées révèleraient surtout des failles. Notamment lorsque 28% des salariés affirment : « On a trop “la tête dans le guidon” pour trouver le temps de penser. » Beaucoup de bruit pour peu de changement en somme. Notons également que plus une entreprise transmet à l’extérieur une perception enjolivée de son quotidien, plus elle contribue à alimenter les fantasmes. Gare aux désillusions qui s’ensuivent…
Mais comment pourrait-il en être autrement ? Le bonheur est bien trop complexe pour être aussi facilement accessible. Et il vaut mieux ! Sinon nous nous lasserions bien vite. Deux solutions s’offrent alors à nous. Soit l’entreprise repense ses fondements en empruntant une toute autre direction que celle adoptée jusqu’à maintenant - en répondant rationnellement à des envies tout aussi rationnelles -, soit on modifie notre rapport à l’entreprise afin d’en diminuer nos attentes.
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