Le Chocolat des Français, 3 copains qui cassent les codes du chocolat
20 juin 2019
7min
Amis depuis leur rencontre en classe préparatoire il y a plus de 10 ans, Matthieu Escande et Paul-Henri Masson décident en 2014 de quitter leurs jobs respectifs pour fonder Le Chocolat des Français. Amoureux d’art et grands consommateurs de chocolat, ils n’ont alors qu’une seule ambition : créer une marque différente pour casser les codes d’un marché qu’ils jugeaient trop traditionnel.
Rencontre avec ces deux entrepreneurs passionnés qui font rimer entreprise avec gourmandise.
Quels ont été vos parcours avant la création du Chocolat des Français ?
Matthieu : Après la classe préparatoire où j’ai rencontré Paul, j’ai intégré l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs puis Sciences Po Paris. Je suis passé par Louis Vuitton, L’Oréal en marketing développement puis chez Agence Publics en tant que chef de projet.
Paul : Pour ma part, j’ai intégré l’Atelier de Sèvres puis l’L’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre. Et j’ai tout de suite commencé à travailler dans la publicité chez Havas en tant que directeur artistique.
Avant de devenir entrepreneurs, vous travailliez tous les deux en grands groupes. Pourquoi ce switch professionnel ?
Matthieu : En 2014, j’avais 30 ans, pas d’enfant et je me suis dit que c’était le bon moment. Avec Paul, nous partageons depuis le début la passion de l’art et du chocolat. Beaucoup de gens aiment le chocolat mais c’est vrai que nous, nous en mangions beaucoup ! Et puis, j’avais depuis longtemps cette volonté de monter un projet qui ait du sens et qui réunisse mes deux passions. Je n’avais pas envie à 80 ans de me dire que si j’avais eu l’audace et un peu plus de folie, je me serais lancé.
Paul : Ce qui me frustrait dans mon job, c’était le fait de n’intervenir qu’à un moment précis d’un projet. Alors qu’avec Matthieu et Vincent (Muraire, ndlr), qui nous a rejoint au tout début du Chocolat des Français, nous intervenons à toutes les étapes. Nous avons notre mot à dire sur toute la chaîne et ça, ça change tout. Quand quelque chose ne marche pas, nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-même, mais quand on réussit c’est très gratifiant.
« Je n’avais pas envie à 80 ans de me dire que si j’avais eu l’audace et un peu plus de folie, je me serais lancé. » - Matthieu
Quel a été le déclic pour lancer le projet ?
Paul : Le déclic, c’est plutôt un coup du destin. L’année où l’on commençait à réfléchir au projet, je me suis enfin décidé à m’inscrire au code. À l’auto-école, nous étions deux à ne pas avoir 18 ans : moi et une autre jeune femme. Nous avons rapidement sympathisé et nous en sommes venus à parler de ce que l’on faisait dans la vie. Je lui ai raconté que je montais une marque de chocolat avec des copains et elle m’a répondu avec un petit sourire qu’elle travaillait pour le Salon du Chocolat. Tout est parti de là. Elle a eu un coup de cœur pour notre projet, l’a présenté à ses boss et a réussi à nous obtenir un stand. Ça a été un vrai coup de pouce car une jeune marque n’a pas les moyens de participer à ce genre d’évènement.
Matthieu : Nous savions que c’était l’opportunité à ne pas manquer. Nous avons donc pris la décision de lancer la marque lors du 20ème Salon du Chocolat de Paris en novembre 2014.
Quand on se lance, par quoi on commence ?
Matthieu : D’abord le sourcing de chocolatiers français, le made in France c’était essentiel pour nous. Pour les produits, nous avons commencé avec deux recettes, nos préférées, un chocolat noir et un chocolat au lait. Nous avons ensuite eu très vite envie de nous démarquer avec notre packaging. Nous souhaitions casser les codes de ce marché très concurrentiel et avons eu l’idée de collaborer avec des illustrateurs de notre entourage proche. C’est comme ça que ça a commencé !
Paul : Ensuite, assez vite nous sommes allés frapper à la porte d’artistes plus connus. On leur racontait notre histoire et tous nous ont dit oui. Pour le Salon du Chocolat, nous avions d’ailleurs réalisé un mur de tablettes comme une exposition de tableaux.
Justement, comment se démarquer face à la concurrence ?
Matthieu : Avec nous, c’est soit tu adores, soit tu détestes. Notre ambition, c’est de provoquer une réaction ; on est une sorte d’OVNI dans ce marché. Du coup, Le Chocolat des Français c’est plus qu’une simple marque de chocolat ; les gourmands achètent nos produits parce qu’on fabrique du super chocolats et aussi parce que nos packagings font sourire.
Paul : Quand on commence, on a clairement pas les moyens des grands groupes, donc on est obligé de se démarquer. Nous, nous avons décidé de jouer le côté français à fond avec une pointe de chauvinisme et un peu de provocation. Il y a des gens qui ne comprennent pas nos produits mais beaucoup les adorent et collectionnent même nos packagings. Pour nous, c’est important d’assumer d’être un peu clivant.
« Quand on commence on a clairement pas les moyens des grands groupes, donc on est obligé de se démarquer. » - Matthieu
Vous avez fondé Le Chocolat des Français à trois, comment vous êtes vous répartis les rôles ?
Matthieu : Même si nous avions chacun nos domaines de prédilection, au début nous étions obligés de tout faire à trois car nous faisions tout nous-même : récupérer les produits à la chocolaterie, emballer les tablettes, gérer les commandes et les livraisons…
Paul : Quand tu n’es que trois, tu es obligé d’être couteau suisse. Plus la boîte grandit, plus tu peux te concentrer sur un savoir-faire.
Quel est l’avantage de monter une boite en équipe?
Matthieu : À trois il y a toujours quelqu’un pour transmettre son énergie aux autres. Ça permet aussi de confronter ses idées. D’ailleurs, dès le départ nous avons cherché à nous faire aider par d’autres entrepreneurs et différents réseaux comme Raise, Moovjee et Réseau Entreprendre Paris. Outre le fait d’avoir fait plein de belles rencontres, cela nous a permis de prendre du recul, de partager nos idées, de se faire challenger et de travailler notre vision à long terme. Se faire accompagner, c’est vraiment un conseil que l’on donne à ceux qui veulent se lancer.
Paul : L’entrepreneuriat, c’est vraiment les montagnes russes. On a des bonnes et des mauvaises nouvelles tous les jours. C’est super agréable de ne pas être seul dans les moments durs et de pouvoir célébrer les bons moments à plusieurs.
« L’entrepreneuriat, c’est vraiment les montagnes russes. On a des bonnes et des mauvaises nouvelles tous les jours. » - Paul
Quelles ont été les difficultés rencontrées?
Paul : La plus grosse difficulté c’est la période de structuration où l’on doit créer des process pour tout car rien n’existe. Au début, on peut bosser sans process parce qu’on est trois et que le volume d’activité est assez faible. On peut donc être complètement désorganisé et quand même s’en sortir ; ce qui est assez rassurant pour ceux qui se lancent. Mais au moment où la boîte se développe et où les volumes augmentent, cela devient ingérable et c’est évidemment quelque chose que l’on n’anticipe pas. Nous nous en sommes rendus compte à Noël quand nous avons dû faire des cartons pendant deux mois non-stop.
Matthieu : La question de l’anticipation s’est aussi posée avec nos produits. Naïvement au début nous commencions à réfléchir à la collection de Noël un mois avant alors nos concurrents étaient prêts depuis un an. Maintenant, nous avons compris que la clé est d’anticiper.
Quel a été le meilleur moment de cette aventure entrepreneuriale ?
Matthieu : La création de l’équipe. Nous sommes passés de trois à cinq en deux ans et maintenant nous sommes dix-sept. C’est cool de se dire qu’on a réussi à embarquer autant de monde dans notre aventure, nous avons reçu plus de 250 candidatures pour notre dernière offre d’emploi !
Paul : Début 2019, nous avons été référencés dans les boutiques du MOMa à New York. C’était une grande fierté parce que huit mois auparavant, nous nous promenions comme touristes dans ce musée en nous disant que ce serait génial d’y être référencé un jour. Et aujourd’hui, on y est !
Quelle est votre vision du travail ?
Paul : Pour moi quelqu’un qui se sent bien dans son environnement professionnel et avec ses collègues et qui est dans un projet porteur de sens, aura plaisir à venir travailler et aura envie de s’impliquer. Et si l’employé est heureux dans son travail, l’entreprise l’est aussi. Tout le monde y gagne. Chez nous, l’humain c’est très important. D’ailleurs notre équipe, on la voit un peu comme une troupe de théâtre. Quand on recrute, on ne cherche pas des compétences, on cherche des gens qui vont surtout bien s’entendre avec l’équipe.
Matthieu : C’est comme une équipe de foot. Si on prend que des numéros 10, ça ne marche pas. Pour nous les softs skills sont aussi importantes que les qualités professionnelles.
« Si l’employé est heureux dans son travail, l’entreprise l’est aussi. Tout le monde y gagne. » - Paul
Quelles sont les prochaines ambitions du Chocolat des Français ?
Matthieu : Continuer à faire grandir l’équipe ! Nous cherchons à recruter un responsable produit, un chargé d’administration des ventes ainsi que des managers et des vendeurs pour notre future boutique. Notre objectif c’est de doubler de taille chaque année. On veut devenir une marque de référence internationale dans l’univers de la gourmandise ; il y a encore plein de choses à faire et nous ne sommes qu’au tout début de l’aventure !
Paul : L’ouverture de notre première boutique en septembre avenue de l’Opéra à Paris. Nous croyons vraiment à ce modèle retail. D’ici cinq ans, nous aimerions ouvrir cinq boutiques en France et deux à l’étranger, possiblement à New York et à Tokyo.
Pour finir, un conseil à ceux qui voudraient se lancer ?
Paul : Je dirais qu’il faut une part de naïveté. Au départ, on ne se rendait pas compte à quel point c’était long et compliqué de monter sa boîte. Être un peu naïf, ça permet de ne pas trop regarder les risques et d’y aller sans trop se poser de questions. Au final trop intellectualiser l’entrepreneuriat, ce n’est pas productif.
« Être un peu naïf, ça permet de ne pas trop regarder les risques et d’y aller sans trop se poser de questions. » - Paul
Matthieu : D’ailleurs nous n’avons jamais trop cru aux études de marché, aux enquêtes consommateurs… Notre stratégie, ça a toujours été de sortir nos produits le plus rapidement possible. On teste, si ça ne marche pas, on arrête très vite et si ça marche, on déploie. Il n’y a rien de plus efficace. Le secret, c’est d’oser se faire confiance.
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