La success story de Mathilde Lacombe, co-fondatrice de Birchbox France
05 déc. 2017
6min
À l’origine du blog beauté La vie en Blonde, Mathilde Lacombe a été l’une des premières à découvrir le concept des box, tout juste lancé aux États-Unis. Quelques semaines plus tard, elle réunissait quelques amis dans l’idée de proposer le même service en France et de créer JolieBox au printemps 2011, qui a depuis fusionné avec le géant américain Birchbox. Six ans plus tard, Mathilde est Brand Director, une ambassadrice de sa marque dont elle essaie de porter la vision le plus loin possible.
Qu’est-ce que tu voulais faire petite ?
Je voulais être rédactrice en chef du magazine ELLE. Ma mère le lisait et j’ai toujours été attirée par la beauté et l’écriture. J’ai d’ailleurs fait des études littéraires pour me rapprocher du journalisme - khâgne et hypokhâgne - puis j’ai intégré un Master de communication pendant deux ans à Paris et j’ai lancé mon blog en parallèle. Au début, c’était tout petit mais ça m’a vraiment aidée à décrocher un stage au ELLE ! J’ai enchaîné ensuite plusieurs stages dans différents services jusqu’à ce que je devienne journaliste-pigiste, tout en continuant à alimenter mon blog. Puis j’ai découvert les box…
Quand tu as lancé JolieBox, le concept était complètement inédit en France, comment t’est venue cette idée ?
C’est en traînant sur des blogs américains que j’ai découvert Birchbox qui venait de se lancer aux USA en 2010. En tant que consommatrice, j’ai tout de suite trouvé l’idée géniale. À ce moment-là, un des amis de mon cousin, à qui je parlais beaucoup de ce projet, rentrait de Chine et y avait vu un concept un peu similaire. On a donc pris un café tous les trois, en se disant qu’il fallait lancer ça en France puisque moi j’avais déjà la communauté et des contacts avec quelques marques. On n’était pas en « mode business plan », on voulait juste tester le truc en se disant qu’on n’avait rien à perdre !
Comment se sont passés les débuts ?
Avant le lancement j’avais posté un article sur mon blog pour expliquer le concept de Birchbox et prendre la température en France. On avait prévu un lien vers une page d’attente où les gens pouvaient s’inscrire et on a reçu 2500 mails en 24h ! J’avais trouvé cinq marques qui m’avaient donné chacune 50 produits. On avait donc 50 box stockées dans mon petit studio… Dès le lancement, les box se sont immédiatement écoulées et c’était parti. On en a fait 100 le mois suivant, puis 300 le mois d’après… On faisait tout à la main, on y a passé des nuits !
« Dès le lancement, les box se sont immédiatement écoulées et c’était parti. On faisait tout à la main, on y a passé des nuits ! »
Par la suite, comment JolieBox a évolué ?
Quand on a vu que ça prenait de l’ampleur, on a décidé que toute l’équipe devait se consacrer à JolieBox à plein temps. Puis, nous avons réussi à réaliser une première levée de fonds d’un million d’euros puis, quelques mois après, nous avons racheté une société qui faisait la même chose en Angleterre et en Espagne, pour être plus forts en Europe. En 2013, on a finalement fusionné avec Birchbox. Les fondatrices voulaient se développer en Europe et comme on était les leaders sur ce territoire, on a décidé en bonne intelligence de fusionner avec elles.
En 6 mois, tu es passée d’une vie de blogueuse/rédactrice à celle d’associée dans une société qui draine des millions… Comment as-tu vécu cette transition ?
Je pense qu’on n’avait pas vraiment conscience des choses et qu’on était juste portés par l’adrénaline. On est tous passionnés par ce qu’on fait donc on s’est juste dit : « Super, on va pouvoir aller encore plus loin dans ce qu’on aime ». Et aujourd’hui encore, ça bouge tout le temps et on ne se lasse pas. C’est important pour nous d’être fidèles à ce qu’on a fait depuis le début.
Birchbox a maintenant 6 ans, quels ont été les grandes étapes de sa croissance ?
Maintenant, on est une bonne soixantaine à Paris, et entre 20 et 30 dans les bureaux de Londres et de Barcelone. On n’est plus vraiment une start-up dans les faits mais toujours dans l’esprit !
Aussi le business a bien sûr beaucoup évolué. La box réalise aujourd’hui 60% de notre chiffre d’affaire, mais nous développons aussi la partie e-shop qui réalise les 40% restants. Car avant on distribuait principalement sur le site des marques de niche mais maintenant on distribue aussi de grands noms comme Caudalie, Clarins, Clinique, Estée Lauder… et ça, ça change quand même un peu la donne car, en France, si tu veux distribuer des grandes marques, tu es obligé d’avoir un point de vente physique donc on a ouvert notre première boutique à Paris (17 rue Montmartre, dans le 1er arrondissement) et un pop-up éphémère à Londres. La stratégie ce n’est pas de s’éparpiller et d’ouvrir plein de boutiques mais plutôt de proposer une vraie expérience et une d’incarnation physique de notre expertise.
« Maintenant, on est une bonne soixantaine à Paris. On n’est plus vraiment une start-up dans les faits mais toujours dans l’esprit ! »
Comment a évolué ton poste ?
J’étais Directrice Editoriale Europe de l’enseigne et aujourd’hui je suis Brand Director, donc effectivement mon rôle a évolué car la boite a évolué ! Birchbox a beaucoup grossi donc il faut toujours se remettre en question, apprendre à déléguer et savoir s’entourer car je ne suis plus dans l’opérationnel. Aujourd’hui, j’accompagne la marque dans ses prises de parole et comme cette dernière a une assez grande force de prescription, mon job c’est de m’assurer que tout va bien en interne et en externe, que les partenariats se font, que tous les projets sont cohérents et en adéquation avec notre identité. En fait, je suis l’ambassadrice de la marque désormais et j’essaie de porter sa vision le plus loin possible.
D’ailleurs comment as tu géré toute cette aventure entrepreneuriale avec trois enfants ?
On me dit toujours : « Tu as lancé ta boite et tu as trois enfants, comment tu fais ?! » mais en fait c’est une question qu’on ne pose jamais à un homme ! Et j’ai envie de répondre : « Je fais comme n’importe quel parent, je m’organise ! »
C’est aussi ce que je voulais exprimer et partager sur mon blog et dans le livre que j’ai publié cette année (Une question d’équilibre, ndlr). L’idée c’est de dire aux femmes : on, avec l’aide de la société, se met beaucoup de freins, mais si on veut entreprendre, il faut oser car c’est possible ! Bien sûr, cela demande de faire des concessions mais cela ne fait pas de nous de mauvaises mères ! Et je pense que, plus on partagera nos expériences et des parcours de femmes et plus ça nous inspirera et déculpabilisera toutes.
« On me dit toujours : “Tu as lancé ta boite et tu as trois enfants, comment tu fais ?” mais c’est une question qu’on ne pose jamais à un homme ! »
Aujourd’hui, quel est ton quotidien ?
Les journées sont chargées car je vis à Reims donc je fais l’aller-retour à Paris tous les jours. Mon mari est présent et travaille de la maison donc ça permet à nos enfants d’avoir une présence parentale même quand je rentre un peu plus tard. Mais désormais, la boite roule aussi sans moi donc je peux rentrer un peu plus tôt pour les voir, et me reconnecter ensuite dans la soirée. Grâce à cette organisation, j’ai aussi le temps de faire du sport, de voir mes amis… Donc je n’ai pas l’impression d’avoir sacrifié toute ma vie pour ma boite, même si bien-sûr il y a des concessions à faire et je les assume.
Comment te sens-tu aujourd’hui en tant qu’entrepreneure ?
Je me sens plus chef d’entreprise qu’entrepreneure maintenant que Birchbox est rentable et fonctionne. En 6 ans, ça a tellement changé que je ne suis plus dans le rush du début. J’apprécie ce nouveau confort d’avoir un peu plus de temps pour moi et le fait d’avoir une équipe qui m’aide mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir envie de ressentir cette énergie du début et cette adrénaline un peu folle propre aux nouveaux projets.
« Maintenant Birchbox est rentable et fonctionne mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir envie de ressentir cette adrénaline un peu folle propre aux nouveaux projets. »
Tu te verrais relancer quelque chose ?
Oui dans l’absolu, car ça fait partie de ma personnalité mais je suis aussi réaliste. Aujourd’hui, j’ai trois enfants et un crédit sur le dos donc la prise de risque n’est pas la même aujourd’hui que lorsqu’on avait 20 ans. Mais si l’aventure Birchbox devait se terminer un jour pour X raisons, je remontrais sûrement quelque chose, je ne pourrais pas faire autrement. On ne se refait pas !
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Photos by Marie Ouvrard pour Encore Magazine
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